Habitué à voir les dirigeants africains lui manger dans la main, le président Emmanuel Macron s’attendait sans doute à un véritable ballet diplomatique sur l’axe Bamako-Paris pour le supplier de reprendre les opérations conjointes entre les Forces Barkhane et les Forces armées maliennes (FAMa). Mais, nos Colonels sont restés droits dans leurs bottes en assurant juste l’Elysée qu’ils n’avaient aucune intention de remettre en cause les engagements pris par le Mali avant le 18 août 2021. Et visiblement, à Paris, on a compris que le vent est en train de changer de direction au Mali. Ce qui explique en partie la reprise de la collaboration entre Barkhane et les FAMa.
«A l’issue de consultations avec les autorités maliennes de transition et les pays de la région, la France prend acte des engagements des autorités maliennes de transition» endossés par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et a «décidé la reprise des opérations militaires conjointes ainsi que des missions nationales de conseil, qui étaient suspendues depuis le 3 juin dernier» ! L’annonce a été faite par le ministère français des Armées dans un communiqué publié le 3 juillet dernier.
«La France reste pleinement engagée, avec ses alliés européens et américains, aux côtés des pays sahéliens et des missions internationales», pour combattre les groupes jihadistes qui sévissent au Sahel, a conclu le ministère des Armées dans son communiqué. Après un mois de suspension, la France (avec plus de 5 000 militaires sont déployés au Sahel) a donc décidé de reprendre ses opérations conjointes avec les forces armées maliennes. Pourquoi ? C’est la question que beaucoup de nos compatriotes se sont posés dans les bureaux, les Grins, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Autrement, les arguments évoqués par Paris pour justifier une reprise plus rapide que prévue par les Maliens ont convaincu peu d’entre eux.
Les nouvelles autorités maliennes, notamment les Colonels, ont-elles donné des gages à l’Elysée ? Sans doute ! Mais, aussi pas ceux que la France attendaient. Nous sommes convaincus que ce l’Elysée attendait, c’était de voir les autorités maliennes accourir à Paris pour supplier Emmanuel Macron à revenir sur sa décision. Et cela d’autant plus que les présidents français sont habitués à voir leurs «homologues» (???) africains (à quelques exceptions près comme Paul Kagame du Rwanda) leur manger dans la main et leur obéir à l’aveuglette aux dépens des intérêts réels de leurs pays. On se souvient que des critiques contre les mauvais comportements de certains éléments de Barkhane à Bamako avaient coûté à Toumani Djimé Diallo son poste d’ambassadeur à Paris sous le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita.
Mais, selon nos informations, cette suspension (suite aux événements des 24 et 25 mai dernier ayant conduit le Colonel Assimi Goïta à la tête de la Transition au Mali) était une intimidation pour obliger les Colonels à ne pas remettre en cause les gages donnés par le président Bah N’Daw à l’Elysée.
Mais, la peur a rapidement changé de camp pour des raisons que nous nous gardons d’évoquer dans ces lignes, secret défense oblige. Mais, toujours est-il que nos jeunes officiers ont refusé de céder au chantage de la France. Même s’ils ont donné l’assurance qu’ils ne remettront pas en cause les engagements pris par notre pays avant le putsch du 18 août 2018. Et par la suite, c’est l’ambassadeur de France qu’on a vu faire la navette entre sa chancellerie et Koulouba. La nature a horreur du vide dit-on.
Les Colonels n’ont rien à perdre pour changer de partenaires stratégiques contre le terrorisme
La décision de la France a remis d’autres partenaires en selle. Au finish, c’est l’Elysée qui a découvert les limites de l’intimidation militaro-diplomatiques à ses dépens. N’ayant rien à perdre et ne devant rien à Paris, les Colonels maliens sont ouverts aujourd’hui à tous les partenariats susceptibles de les aider à réellement sécuriser et stabiliser le pays. Pourvu que cela se passe dans le respect du pays et des institutions en place.
«La France est habituée à manipuler des autorités dociles en Afrique, notamment au Mali depuis la chute de feu le président Modibo Kéita. Et la suspension des opérations militaires conjointes étaient juste une manière de tester les nouvelles autorités de la transition au Mali», commente une source diplomatique africaine dans notre capitale. «La France a donc repris sa coopération avec les FAMa parce que la menace n’a pas produit l’effet attendu. Les Officiers au pouvoir lui ont rappelé que tous les partenariats étaient précieux, mais qu’aucun n’est indispensable. Mieux, ils ont démontré qu’ils ne manquaient pas d’alternatives crédibles et efficaces pour oublier la France. Celle-ci peut évoquer tous les motifs pour justifier pourquoi elle est si vite revenue sur sa décision, mais nous savons tous qu’elle est fondée par le refus de Bamako de céder au chantage de Paris», conclut-il.
Cette analyse est largement partagée dans le cercle de nos interlocuteurs. Mieux, ils sont nombreux à croire de nos jours que la France fait partie plutôt des problèmes liés au terrorisme au Mali et non des solutions. «Sans la pression de la France, les dirigeants maliens auraient déjà pris langue avec Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa comme l’ont recommandé la Conférence d’entente nationale et le Dialogue national inclusif. Et je suis convaincu que le pays aurait déjà retrouvé une certaine stabilité», avance l’un d’entre eux.
C’est dire que, aujourd’hui, les autorités de la transition ont amorcé une ligne de conduite vis-à-vis de la France qui mérite le soutien de tous les Maliens. En effet, comme le dit un activiste, nous devons les protéger contre «les sirènes, les prédateurs internes, les laudateurs ainsi que tous les autres scribes et opportunistes» afin de les aider à nous conduire au bout du tunnel.
Sachant le plus souvent de quelle façon ils sont arrivés au pouvoir, ce sont nos dirigeants qui continuent à caresser les puissances coloniales dans le sens du poil au mépris des préoccupations réelles de leurs peuples. Sinon, la conscience collective africaine a franchi le rubicond du complexe colonial qui amenait les Africains, surtout ceux des anciennes colonies françaises, à naïvement croire que sans l’Occident ils ne sont… rien !
Naby
Peut-être la position de la France a changée, mais la jeunesse malienne sa position n’a pas changée, elle demande toujours de retrait total dans son pays .
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