Quand la fiction dépasse la réalité au Mali : La fureur des positionnements des politiciens est à l’origine de la flambée de violence antidémocratique

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Comme il est difficile de maintenir à  la tête du pays les alliés de ceux qui ont été  vaincus par le pronunciamiento du 21 mars 2012, qui a  abouti à la chute du régime de Att, l’éloignement de  Dioncounda semble avoir apaisé les tensions internes comme s’il était un corps étranger à cette transition.  Il y a bien une explication à cela. Considéré comme imposé par la Cedeao à la tête du pays, en dépit de  l’échéance de sa période d’intérim, une frange de la population victime d’exclusion a contesté violemment cette solution qui la  frustre de sa victoire.

Même si le capitaine n’avait pas été désigné par ses homologues chefs d’Etats de la Cedeao pour assurer  cette période critique de la  transition,  la présidence de la transition avait besoin d’un homme neuf, qui n’aurait  pas collaboré et pactisé avec Att comme membre de la mouvance présidentielle depuis 10 ans. Cet homme aurait pu être une autorité neutre, donc issue de la société civile. En cela, la Cedeao a manqué de vision, à l’image de son Président, Alassane Dramane Ouattara, qui rêve d’être gouverneur des  ex-“colonies”.

Cependant, Dioncounda dans la grisaille du jeu politique malien apparaît comme le plus indiqué pour gouverner avec tempérance, comme en témoigne son pardon aux manifestants comparés aux tortionnaires du christ. C’est un exercice de catharsis auquel il convie le peuple du Mali.

La fureur des positionnements des politiciens pour conserver ou pour conquérir le pouvoir est à l’origine de la flambée de violence antidémocratique. Le Fdr, en appelant de tous ses vœux à l’intervention de la Cedeao pour la stabilisation des institutions, s’inscrit en dehors de la légalité républicaine dans la mesure où cette décision doit émaner obligatoirement du pouvoir exécutif après un débat franc et loyal à  l’assemblée du peuple. Le Fdr agit ainsi pour protéger ses intérêts et ceux des leurs en voulant  disposer de  sa milice internationale à Bamako pour contrebalancer les forces de sa rivale, la Copam, adoubée par les forces de Défense nationale. Si c’était  le capitaine Sanogo qui demandait cette intervention pour consolider son pouvoir, ils auraient crié à l’absence de patriotisme.

Il y a un proverbe de chez nous  qui dit que  «un étranger a de gros yeux, mais il ne voit pas». Sous entendu, il n’appréhende pas  les subtilités des enjeux politiques;  les relations entre les adversaires et  la profondeur des conflits qui les divisent. C’est bien le cas de la Cedeao.

Toute prise de position mérite un doigté et une impartialité  dont la Cedeao n’a pas su faire preuve.  Dans le contexte malien, tout le monde crie à l’absence de stratégie de reconquête  du Nord du pays.  Comment cette stratégie peut-elle  être mise en œuvre sans un leadership clair? La Cedeao, en affublant le chef de la transition du qualificatif de président par intérim et en donnant un plein pouvoir à un chef de gouvernement au détriment du président,  a inversé la pyramide de la hiérarchie des responsabilités  à tel point qu’on ne sait toujours pas quelles sont les attributions des uns et des autres. C’est pour cela  que la Cedeao devait mettre en œuvre l’accord-cadre dans toute sa  plénitude.

Le Président de la transition devrait disposer de tous les pouvoirs.
Dans la situation actuelle, Dioncounda ne peut prouver sa légitimité à diriger  la transition qu’à travers une convention nationale souveraine, la constitution malienne étant muette sur le  scénario de transition démocratique inédit qui l’a maintenu au pouvoir.  Le choix doit se faire entre plusieurs candidats dont Dioncounda. Ce n’est pas la présence des soldats de la Micema qui vont empêcher que des convulsions politiques internes se produisent, comme l’Onuci n’a pu empêcher la tentative de coup de force contre Alassane Ouattara.

Att et sa majorité présidentielle avaient mené le pays vers l’impasse : impasse démocratique, impasse électorale et impasse guerrière. Dioncounda est perçu comme n’ayant pas alerté et attiré l’attention de  la Nation sur la mauvaise gouvernance sous Att. Il est considéré à tort ou à raison comme le complice d’Att et  l’héritier de cette situation qui  a entraîné le pays  dans le fond. Le Mali coulé comme le Titanic, les survivants  du naufrage veulent à nouveau s’accrocher à l’épave Mali et ramer jusqu’au port, à travers les récifs du Mnla, de Aqmi  et de Ancardine.
En manœuvrant à bâbord, Dioncounda a reçu  des coups de marteau des marins révoltés. Il dût regagner la terre ferme de l’autre côté de la baie marine. Le commandant de bord en repli stratégique, le navire chaviré à 70% est piloté par le soldat de  première  classe Cheikh Modibo Diarra (CMD) sous le regard goguenard de  l’armateur Amadou Haya Sanogo qui surveille le navire  avançant  couché sur le flanc, en dépit  du fait que de nombreux passagers  l’avaient abandonnés,  ainsi que plusieurs matelots chefs qui pourtant voulaient en tenir le gouvernail.

Att est certes en déroute et en fuite, mais son réseau n’est pas totalement démantelé

Tandis que les bailleurs de fonds hésitent à renflouer le bâtiment  délesté d’une partie de sa cargaison et de son commandement, le reste de l’équipage tente de sortir de la zone des tempêtes coûte que coûte. Pendant que la horde des envahisseurs venus d’une organisation sous régionale affûtent les armes contre les flibustiers du désert que contre ceux qui pensent avoir eu  l’illumination au sortir des grottes de Tessalit.

La  lutte pour le pouvoir au Sud se fait à fleur mouchetée. Les Bazookas ne tonnent plus dans la capitale, le capitaine et ses fantassins livrant une guerre souterraine contre ceux  qui menacent la sûreté de l’Etat et leur sécurité physique. Att est certes en déroute et en fuite, mais son réseau n’est pas totalement démantelé par la junte. Il est surveillé par les avocats et les organisations des droits de l’homme qui poussent des cris d’orfraie à  chaque fois qu’il y a une interpellation un peu musclée de quelques quidams proches du fugitif. La junte se protège et protège la stabilité des institutions qui ont été gravement menacées par les tenants armés de l’ordre ancien. On n’a pas entendu ces protecteurs des droits de l’homme  élever la moindre protestation, émettre la moindre condamnation de l’attaque perpétrée contre la junte.
Dans le secret des cabinets militaires, l’offensive se prépare avec la contribution en armement des pays amis du Mali, loin des tumultes des agoras maliennes et sous régionales. Quand débutera le blitzkrieg sur le Nord, l’armée, à l’issue de sa victoire, méritera des honneurs de la Nation. C’est ce à quoi travaillent les autorités militaires dans le secret le plus total, comme ce fut le cas du débarquement en Normandie.

Nouhoum DICKO

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4 COMMENTAIRES

  1. Les maliens (des villes) ne travaillent pas. On a marre des paroles, Peuple du Mali au travail. Seul le travail anoblit. Ne faites pas attention aux analyses et commentaires futiles de quelques médiocres “pseudos journalistes”, ce qui urge est la construction du pays. Point barre. Bonne journée de TRAVAIL.

  2. Si tout le monde s’assumait en se rendant compte que cette lutte de positionnement peut attendre que le pays sorte de cette période dure, cela permettrait effectivement de réaliser pour une fois des actions qui nous éviteraient des situations du genre à l’avenir. Le pays a été géré de diverses manières depuis l’indépendance. Quoi qu’on dise, il y a eu du bon et du moins bon. Cela ne sert à rien de jeter l’anathème sur l’autre.Nous sommes tous MALIENS; nous voulons tous que le PAYS avance, certes à des degrés divers! Cela peut se comprendre mais personne ne peut et ne doit être laissé de côté pour cette œuvre de construction nationale. Notre culture sociale et nos us et coutumes regorgent “d’instruments adéquats” pour cela. Pensons simplement à les mettre en œuvre de la manière que connaît notre société : “AN KA TABIAW, AN DAMBE KONO”. Nous avons encore la chance d’avoir à nos côtés les ANCIENS. Ceux-ci ne sont pas rien dans notre société; même si elle s’est fortement occidentalisée de nos jours.

    QUE DIEU SAUVE LE MALI ET TOUS SES ENFANTS!

    AMINE

  3. Je ne reconnais plus votre journal. Je comprends, avec l’arrestation du directeur par le CNRDRE, c’est le prix de sa liberté. J’attends des jours meilleurs où la peur passe.

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