Au rôle de cette session de la Cour d’Assises de Bamako, figurait cette affaire de la Police Nationale qui a longtemps écumé la population malienne. Il s’agit de l’opération de désarmement des membres du Syndicat de la Police Nationale proche de l’Ex CNRDRE.
Dans la nuit du Vendredi 05 au Samedi 06 Avril 2013, une opération mixte conduite par le chef de bataillon Sékou Ibrahim Sylla de l’armée de Terre a été désignée pour l’exécution d’une opération devant permettre de surprendre et de désarmer les éléments du SPN, trouvés sur les lieux en récupérant les armes de guerre en leurs mains et dans le domicile de certains d’entre eux. Toute chose à l’origine du drame : l’élève Commissaire Mamadou Youba Diarra a fait usage de son arme tuant au coup le soldat de deuxième classe Daouda Adiawiakoye de la 312ème RIM de Kati et blessé Baba Ousmane Traoré de la CCR (Compagnie de la Circulation Routière).
Ce qui leur était reproché :
«L’élève Commissaire Mamadou Youba Diarra, d’avoir : commis un homicide sur la personne de Daouda Adiawiakoye de la 312ème RIM de Kati et, aussi volontairement porté des coups et fait des blessures sur la personne du Sergent –Chef Baba Ousmane Traoré de la CCR, lesquelles blessures ont occasionné une incapacité de travail non encore déterminée. Egalement dans les mêmes circonstances, commis des actes de forfaiture en commettant des actes criminels; et former, appartenu à une association dans le but de préparer ou commettre des attentats contre les personnes ou les propriétés.
Siméon Keita : Pour s’être rendu complice par conseil, injonction et ayant procuré des armes, aidé et assisté Mamadou Youba Diarra à commettre l’homicide du soldat Adiawiakoye. Egalement d’avoir, dans les mêmes circonstances frauduleusement soustrait des véhicules et autres biens au préjudice de l’Etat malien, Aguibou Bah, Jeamille Bittar et autres qui en étaient les légitimes propriétaires. Lesdits crimes ont été perpétrés en bande et à mains armées.
Aussi d’avoir formé et appartenu en connaissance de cause à une association dans le but de préparer ou commettre des attentats contre personnes ou propriétés ; opposé de la résistance avec violence, voies de faits, menaces envers les officiers publics ou ministériels, fonctionnaires, agents ou préposés de l’autorité publique agissant pour l’exécution des lois, règlements ou ordres de l’autorité publique. Egalement, d’avoir obstrué la voie publique par attroupement illicite dans le dessein d’entraver ou empêcher la libre circulation des personnes ou de semer la panique au sein de la population.
Quant aux nommés SEKOU Maiga, Drissa Samaké dit Roger, Fodé Samba Diallo dit Jet –Lee, Cheick Fissourou, Yaya Niambélé et Hamidou Togola, d’avoir volontairement porté des coups et blessures sur les agents de la police Boubacar Lassana Coulibaly de la CCR ; Mohamed Keita, Idrissa Dotonou … Dans les mêmes circonstances, détenu des armes de guerre sans aucune habilitation ; obstrué la voie publique par attroupement illicite, barricades, allumage ou entretien de feu dans le dessein d’entraver ou d’empêcher la libre circulation des personnes ou de semer la panique au sein de la population ».
Les échanges ont duré 24 heures, au cours desquelles les avocats de la défense se sont bien défendu. La Cour a finalement rendu son verdict aux environs de 6 heures. Ainsi Mamadou Youba Diarra a été reconnu coupable de l’homicide volontaire du soldat Adiawiakoye et condamné à 5ans de prison dont 3 ans avec sursis.
Siméon Keita reconnu coupable d’extorsion de biens et condamné à 3 ans de prison ferme. Quant à Fodé Samba Diallo dit « Jet-Lee », Sékou Maiga Cheick Fissourou et Yaya Niambélé eux, sont reconnus coupables de Coups et blessures volontaires et condamnés à 18 mois d’emprisonnement avec sursis
Enfin Drissa Samaké dit Roger et Hamidou Togola eux ont été blanchis, donc acquittés par la Cour.
Tom
La réaction des avocats :
“Condamnés pour avoir appuyé Sanogo… Une décision plus politique que juridique”
Ils étaient au nombre de neuf à défendre les policiers proches de l’ex-CNRDRE. Après le verdict, certains d’entre eux ont parlé
Me Tièssolo Konaré : «Nous allons nous pourvoir en cassation»
« Effectivement, on les a reconnus coupables, mais vous savez qui a fait quoi et coupable de quoi ? Ce n’est pas une manière d’aller à l’apaisement dont le Mali a besoin. Il ne suffit pas de dire que quelqu’un est coupable. Parce que s’il est coupable, il doit être puni avec la dernière rigueur, mais des décisions plus ou moins laconiques, vides de sens ! Quand vous êtes sujets de ces décisions ou objets, c’est choquant ! C’est le cas de l’espèce, mais ils ont leur lecture, nous avons la nôtre. Ils ont décidé, selon leur intime conviction comme indiqué en matière pénale. Dès ce Lundi, nous allons nous pourvoir en cassation contre toutes les décisions. C’est aussi du droit ! On fera valoir à qui de droit nos points de vue et on verra la suite. On vous invite à rester à l’écoute parce qu’on va agir. Ce n’est pas parce que ceux-ci ont fait ceci ou cela, appuyé Sanogo comme ils le disent certains. Or, ces faits ont été amnistiés depuis le 06 Avril. Quant on vous impute des faits en temps qu’agressé, on vous maintient dans la prévention en plus on vous condamne, c’est choquant. Donc eux (Simeon et autres) qui étaient les victimes sont aujourd’hui encore dans cette perspective de victimes. Ce sont les faits du Coup d’Etat du 22 Mars qui les suivent. Et pourtant le Juge qui a instruit le dossier était au CNRDRE en tant que conseiller occulte de ceci ou cela. Et c’est ce même juge qui se saisit du dossier pour faire condamné des gens ,vous voyez le paradoxe ».
Me Mariam Diawara : «Nous sommes déçu, le droit n’a pas été dit … La décision est plus politique que juridique»
Nous pensions réellement que nos clients allaient être libérés eu égard à la non consistance du dossier. Le droit n’a pas été dit, mais nous gardons espoir puis que la plupart d’entre eux a bénéficié de sursis sauf Siméon. Nous allons nous pourvoir contre cet acte devant la Cour Suprême où nous espérons que le droit serait dit. Il n’avait concrètement rien contre eux. Sur tous les chefs d’accusation, il n’ya rien de consistant. C’est une affaire éminemment politique, combinée et carabinée par un Juge d’instruction que je ne voudrai pas qualifier eu égard au respect que j’ai pour la magistrature, mais pas pour la personne de Yaya Karembé. La décision est plus politique que juridique. D’abord vous avez entendu les soi-disant témoins ou parties civiles. Pour les hommes politiques, on doit mettre les hommes du 22 Mars au pilori pour que d’autres ne reprennent pas. Mais on ne peut pas maintenir indéfiniment un peuple en esclavage ou dans le mensonge.
A la Cour suprême, on va démontrer et démonter toute la fausseté de cette affaire».
Propos recueillis par Tom
Encadré
Siméon Keïta et Sanogo : dans la même brague
Les policiers condamnés avaient bénéficié de la promotion de grade à titre exceptionnel accordée sous la transition. Il est vrai que les avocats entendent interjeter appel contre la décision de la Cour. Mais en cas de confirmation de la peine, l’adjudant- Chef devenu élève Commissaire Siméon Keita perdra certainement sa qualité de fonctionnaire de police. En clair, après une condamnation effective, le conseil de discipline est appelé à statuer sur le cas de la personne concernée. Il va généralement dans le sens de verdict de la Cour. La même observation est valable pour le Général Sanogo inculpé pour complicité d’assassinat.