Mon œil / La justice malienne : Entre le glaive et l’esprit

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Nous ne saurons jouer aux thuriféraires, encore moins aux cassandres. Mais tout au moins faire un constat simple, mais réel : la Justice malienne est aujourd’hui mise devant ses responsabilités. En effet, les événements qui se sont succédé ces derniers temps dans le pays  ont hélé la Justice. Et le citoyen lambda, haletant dans un environnement démocratique en lambeaux, dont il faut jouer l’aiguille et non la paire de ciseaux pour recoudre les morceaux, attend que ses juges répondent à ses attentes si nombreuses, si incitantes et excitantes.


Effectivement, lorsque le pouvoir législatif est mis sous le boisseau par un accord-cadre, que le pouvoir exécutif se transforme en un hydre à trois têtes (Cnrdre, président de la transition et Premier ministre avec pleins pouvoirs) le pouvoir judiciaire dont les juges en constituent les piliers, peut encore échapper à cette pandémie de délitescence de l’Etat, eux qui tiennent leur pouvoir hors d’un coup d’Etat – donc pas usage de la force armée pour se donner un semblant de pouvoir comme du temps de l’antiquité – et aussi en dehors de toute élection souvent sans aucune crédibilité, parfois même terreau fertile à la contestation. Les magistrats sont donc les véritables détenteurs d’un pouvoir, fondé sur une légitimité indiscutable et  une compétence sûre. Un pouvoir qui peut construire ou détruire !
Mais ces hommes dont le métier est un véritable sacerdoce, sont aujourd’hui bousculés par l’enchaînement d’événements, disons même d’affrontements et violences dont les prolongations se joueront malheureusement devant eux. Le duel sanglant entre les bérets verts et les bérets rouges, la tentative d’assassinat du président de la République, les dérives  des médias pro ou anti junte militaire, entre autres dossiers embarrassants, atterrissent sur la table des juges.
De grâce, que la Justice fasse son travail sans pression ni influence pour garder intactes sa dignité et son indépendance qui traversent les régimes politiques et constituent les fondements de son existence. Déjà avant le coup d’Etat du 22 mars, quelques voix s’élevaient par-ci par-là pour demander une reforme de la Justice malienne afin de la rendre plus performante, en évoquant des disfonctionnements et incohérence dans leur plaidoirie, dont notamment une odeur d’immixtion de l’exécutif dans les prérogatives de la Justice (cas de Diawara, Pdg de la Bhm). Mais nous estimons, pour parler comme eux-mêmes les magistrats, qu’ils bénéficient d’une présomption de sérieux et de crédibilité qu’il faille sauvegarder en évitant la spirale immonde d’inculpations et interpellations légères et ridicules qui les exposeraient à la risée du monde. Surtout que, tous les dossiers jugés passeront encore devant le Grand tribunal de Dieu. Y pense-t-on souvent ?
De toute façon, dans ce monde devenu un village planétaire où par la magie d’Internet une information ou un acte posé fait le tour du monde, en quelques minutes seulement, suscitant commentaires et  réactions à la chaîne, nous comprendrons très mal, dans ces conditions, qu’un magistrat puisse vendre soin âme au diable.
Tout cela pour dire à tous ceux qui détiennent un tant soit peu de pouvoir, légitime ou usurpé, que le pouvoir ne saurait se résumer à la force –même armée- et de son côté, la force ne saurait régir le monde en permanence. En ce sens, Albert Camus, dans son œuvre «L’été», est assez éloquent : «Savez-vous ce que Napoléon disait à Fontanes, ce que j’admire le plus au monde, c’est l’impuissance de la force à pouvoir fonder quelque chose. Il existe deux forces au monde : le sabre et l’esprit. A la longue, le sabre est toujours vaincu par l’esprit». Alors, que les juges soient l’esprit et non le glaive, pour nous aider, par leurs actes, à vaincre ce monstre à trois têtes qu’est aujourd’hui le Mali, à la fois risée et préoccupation de l’Afrique.
LE LYNX

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