Vendredi 29 août, il est près de midi vers Aguelhok quand un véhicule du contingent tchadien de la MINUSMA heurte un engin explosif. Le bilan est rapidement lourd…très lourd : neuf blessés sont à déplorer dont 3 graves. Ils sont immédiatement pris en charge par les troupes à Gao pour une évaluation des soins et un traitement rapide des blessures. Il a été décidé, vu l’état de santé d’un des Casques bleus et en accord avec les autorités médicales de Bamako, de l’évacuer vers un centre spécialisé dans la gestion des traumatismes à Dakar, au Sénégal.
Cette attaque est la troisième dont sont victimes les Soldats de la paix en 3 jours. En effet, les deux jours précédents, le camp de la mission de l’ONU à Aguelhok a été la cible de douze tirs de roquette qui n’ont heureusement pas fait de victime. Et les tirs ont continué par la suite…
Samedi matin, à l’aéroport international de Bamako, il est quatre heures quand l’équipe d’évacuation aéromédicale (AMET ou aeromedical evacuation team) accueille le médecin en chef de la mission, celui qui a mis en place le dispositif de réponse urgente en cas de blessures graves sur le terrain. Un rapide briefing permet d’échanger les dernières informations sur l’état du blessé à transporter, d’assurer la coordination entre les différents acteurs et de mettre au point les derniers détails.
Ce matin, quatre des huit membres de l’équipe – un médecin, une infirmière et deux « paramedics »- partiront de Bamako pour se rendre à Gao et récupérer un des blessés de l’attentat de la veille, et l’acheminer à Dakar au Sénégal où il recevra des soins adéquats. Les visages sont concentrés mais décontractés : c’est leur troisième mission opérationnelle pour la MINUSMA. En alerte depuis la veille, les spécialistes sont fin prêts, leurs sacs sont pleins du matériel utile pour le transport d’un patient sévèrement blessé : civières, matelas gonflable, pansements et bandages, médicaments, moniteurs cardiaques, respirateurs, etc… L’équipe est à même de soutenir et de soigner six patients dont deux très sévèrement touchés lors de chaque transport aérien.
Décollage imminent
L’avion se positionne enfin. Le spécialiste de l’embarquement (loadmaster) s’approprie immédiatement l’espace que l’équipage a libéré dans la cabine. En un instant, il évalue le volume à sa disposition et le volume du matériel qui doit y rentrer … Et lance ses premières instructions : ” le brancard sera mis ici, au-dessus des réserves à oxygène, à côté du sac avec les médicaments pour un accès rapide!” Le responsable de l’équipe, médecin spécialisé en soins intensifs, approuve l’occupation de l’espace. Lui aussi garde à l’esprit la nécessité de pouvoir se mouvoir autour du patient pendant les quelques heures où il sera dans l’avion. Toute l’équipe s’active alors, sous les consignes du loadmaster. En quelques instants, les sacs, appareils de surveillance cardiaque, brancards et autres réserves sont dans la cabine et sont arrimés au sol pour ne plus bouger pendant les vols qui vont s’enchaîner dans la journée. Le pilote vient enfin vérifier que tout se passe bien et que la cargaison et sa distribution ne perturberont pas les opérations de vols.
Lui aussi approuve les options prises. L’avion peut enfin décoller de Bamako pour Gao. Il est 6.15 du matin et le soleil vient de faire une première apparition.
Le médecin chef de la mission de l’ONU a assisté au chargement et aux préparatifs de cette mission de l’équipe qu’il a mis en place. Il est satisfait de ce qu’il a pu voir et du professionnalisme de tous les membres de l’équipe d’évacuation. Un dernier coup de téléphone pour s’assurer qu’ils ont bien toutes les informations, quelques dernières recommandations et la porte se ferme, l’avion se met en place en bout de piste et décolle.
Les deux heures de vol qui séparent Gao de Bamako sont mises à profit par l’équipe pour se reposer. La nuit précédente a été courte et ils ne savent pas quand ils auront à nouveau la possibilité de récupérer. A quelques minutes de l’atterrissage à Gao, le médecin responsable rassemble ses trois collègues et assigne les tâches à chacun, en fonction des informations en sa possession. Aujourd’hui, il désigne l’infirmière pour l’accompagner et chercher le blessé à l’hôpital du contingent hollandais de Gao, les deux paramédics restant à proximité de l’avion en attendant l’arrivée du patient.
Une fois au sol, les plans ont changé : les médecins hollandais amènent le patient directement à l’avion. Ces changements ne semblent pas affecter l’équipe : “c’est très souvent comme ça. C’est quand il n’y a pas d’imprévus que ça nous paraît anormal !”, plaisante l’infirmière sur le tarmac, avant d’ajouter :”c’est normal parce que le concept même de l’équipe aéromédicale d’évacuation, c’est la souplesse d’emploi. Nous avons notre matériel, nous avons nos compétences et nous savons que nous avons des patients à traiter et à faire voyager, mais la situation entre le moment où on nous contacte et le moment où on est sur le terrain peut changer et c’est à nous de nous adapter à la nouvelle donne… C’est passionnant”.
La passion, c’est effectivement ce qui semble être le moteur de cette équipe. A cela s’ajoute une grande dose d’humanité, un professionnalisme à toute épreuve et des compétences avérées. Un cocktail qui permet souvent de sauver des vies rapidement et d’atténuer des souffrances.
« Les gestes sont universels : une main se tend, l’autre la saisit et deux sourires se forment »
A l’arrivée de l’ambulance sur le tarmac de Gao, le médecin monte voir son collègue militaire hollandais qui a pris soin du patient jusqu’à présent pour recueillir les donnes médicales relatives au blessés et faire un point sur les soins et médicaments administrés. Au bout de quelques minutes, le blessé est transféré dans l’avion qui l’emmènera à Dakar. Une fois la civière installée dans l’espace que le loadmaster a prévu à cet effet, la cabine prend les airs d’une ruche, les ordres fusent, les gestes sont précis et vifs, les consignes sont claires : il faut faire vite et bien. Le patient est en premier lieu réconforté par les différents membres de l’équipage.
Même si la langue n’est pas la même, les gestes sont universels : une main se tend, l’autre la saisit et deux sourires se forment. Il est ensuite mis dans un matelas gonflable sanglé à la civière, elle-même sécurisée au plancher de l’avion, ses constantes sont surveillées, sa douleur est prise en charge, son confort, bien que relatif dans l’état de santé dans lequel il se trouve, est assuré. Quand l’équipe a vérifié que tout allait pour le mieux, l’avion prend son envol, destination : Dakar.
Tout le trajet durant, le patient sera surveillé, réconforté, médicamenté si besoin…il ne sera jamais seul, ses collègues veillent sur lui.
Cette équipe dédiée aux secours et au transport de blessés par les airs est primordiale pour la Mission. Les personnels sur le terrain savent qu’ils peuvent compter sur ces spécialistes en cas de besoin. Mobilisables 24h/24h sur l’ensemble du territoire malien, transportables par avion et hélicoptère, ils sont capables de sauver des vies dans des conditions hostiles. « C’est notre travail, c’est notre mission, c’est ce que nous savons et aimons faire », conclut le médecin responsable de l’équipe.
Au moment de boucler cet article, les Casques bleus de la MINUSMA continuent d’être la cible d’attaques et de payer un lourd tribut à la stabilisation et au retour à la paix au Mali. Aujourd’hui lundi vers midi, le camp de la MINUSMA à Aguelhok a été visé par un nouveau tir de roquettes, le treizième en quelques jours…
belle histoire ! prompt retablissement
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