Médiation sur la crise sécuritaire au nord du Mali : Qui est le point focal à Bamako ? Quelle est sa vulnérabilité ?

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Elle n’a pas encore pris du plomb, mais la médiation burkinabé pour une sortie de crise au Nord du Mali battrait de l’aile, à ce qui est rapporté par la presse. Pour un autre bol d’oxygène, les regards se tournent-ils déjà vers d’autres pays du champ ? A ce qui semble, notre diplomatie attend de s’en laisser compter.

La question qui revient maintenant sur toutes les lèvres : faudra-t-il l’ouverture d’un second front de la médiation ? Posée ainsi, la question rebondit sur le principe admis « d’appropriation régionale que les grandes puissances extérieures au continent soutiennent… ». Tout ça pour nous dire que l’Algérie et la Mauritanie rentrent de nouveau dans les visées stratégiques ? Le Sahel vérolé par ces guerres intestines, ce n’est pas leur jardin, c’est leur basse-cour. D’où une mise en perspectives de nos relations avec deux ou trois pays parmi nos voisins immédiats qui instruit une autre approche de la médiation. Non pas pour dire, il faut le souligner, que la médiation ouagalaise a déjà failli dans ce problème du Nord où des bandes armées ont pris refuge et tentent de sanctuariser le fait dans l’infini des sables. Si la solution à cette crise sécuritaire doit être conduite par des experts régionaux, alors interrogeons-nous de savoir, comme le disait Carlson, que la faiblesse d’un règlement négocié durable dépendra de la présence d’un interlocuteur venant de tel gouvernement.

Toute médiation est en quête d’avantage comparatif

Le Mali gère-t- il sa médiation ? La CEDEAO qui s’est entremise nous a donné un Médiateur, Blaise Compaoré, et déjà, elle s’est réunie plus de 6 fois sur le cas du Mali. De son côté, en moins de deux petites semaines, Alger recevait la visite de Cheick Modibo Diarra et de son ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères, Sadio Lamine Sow, le 2 juillet dernier. En y allant, le Premier ministre avait été prié par des amis d’adoucir un peu ses humeurs car il s’était montré prêt à ruer dans les brancards. Ce qu’on ne sait pas trop de lui, c’est que non seulement Cheick Modibo Diarra en avait gros sur le cœur, mais qu’il était aussi « pressé » d’en découdre avec les mouvements rebelles. De fait, le Premier ministre ne partait pas pour discuter, mais pour nous rapprocher. Mais il y a eu cette « bourde » diplomatique : on ne va pas voir nos amis algériens pour se rendre tout de suite après à Rabat. Comme pour Paris, ceci est inscrit dans les gênes de la classe politique actuelle au pouvoir à Alger. Comment la parole du Premier ministre sera-t- elle utilisée dans les capitales étrangères ? Comment avait-il pris du reste le fait que son ministre des Affaires étrangères qui l’accompagnait à Nouakchott ne soit pas reçu à l’audience avec le Président mauritanien ? Sur le front d’une bataille diplomatique, il est bon d’en arriver souvent à faire le point de doux appointements qui pourraient mener à son gré les actions attendues. C’est le journal algérois « El Wattan » qui disait, lors de son interview avec le ministre Sadio Lamine Sow : « Il est connu de tous qu’il y a eu une régression dans les relations algéro- maliennes ». Si la volonté algérienne est déclarée et soutenue par des échanges entre nous, il n’en demeure pas moins qu’on s’est posé des questions à Bamako lors de la visite de notre ministre à Alger. Cette visite pouvait-elle sceller un pacte ? Le ministre d’Etat malien a été accueilli (le protocole l’obligeait-il ?) par le ministre M. AbdelKader Messabef chargé des Affaires magrébines et africaines. Il rappellera qu’Alger et Nouakchott ne font pas partie de la CEDEAO et que ces deux pays n’avaient pas été démarchés. Mais tout le monde savait que derrière le rayonnement de la partition dansait l’ombre tutélaire de Blaise Compaoré. Or entre les palais nationaux de ces deux pays et Compaoré existeraient des « turbulences » d’un passé traduites ici en méfiance. Derrière toute manœuvre diplomatique d’un Sadio Lamine Sow, on y verrait une méthode de cooptation. Ainsi, tout rayonnement régional du burkinabé se briserait plus haut sur le mur d’incompréhension d’autres pays faisant aujourd’hui de ceux qu’on appelle les pays du champ. Sera-t- il facile d’admettre ouvertement que la réussite de la médiation en cours dépendra lourdement d’hommes aux commandes des manettes ? On se souviendra de cette ambition à hauteur de souhait du ministre Sadio Lamine Sow qui, en son temps, visait le poste de Premier ministre de la transition. Pas moins. Aujourd’hui, si la question est de savoir  si on veut négocier la paix. Mais avec qui donc ? Quand Compaoré demande à rencontrer les gens d’Ançardine, on sait qu’Iyad Ag Ghali n’y va pas, préférant envoyer quelqu’un d’autre à sa place. Quand c’est au tour MNLA, on sait qui se rend à Ouaga. Avec les pays du champ, qui envoie- t- on de Bamako lors des discussions ? Quels sont jusqu’ici les résultats escomptés ? Avec Compaoré aux manettes de la médiation, on était à même de penser que Sadio Lamine Sow pouvait jouer un rôle plus spécifique aux Affaires étrangères pour nous amener à des « niveaux stratégiques » dans la résolution de cette crise sécuritaire au Nord. Il avait bien dit, dans le journal « El Wattan » : « Nous sommes en guerre. Le gouvernement ne peut pas mettre sur la place publique certaines actions qu’il mène… ». Espérons que ces mots lâchés ne soient pas accueillis dans les capitales environnantes pour une extrême modestie. Dans une autre de ses sorties médiatiques dans la presse nationale, le ministre nous expliquera ce qu’il attend d’une diplomatie efficace qui marque sans bruit des points. Mais que n’a-t il donc pas réuni à ce jour l’ensemble du corps diplomatique pour « envisager »? Nous sommes donc partis chercher du secours en terre étrangère contre les hordes armées au Nord. Aujourd’hui, avec la médiation Compaoré, quel esprit ne bat la campagne ? Sadio Lamine Sow avait bien déclaré chez l’ami algérien : « Le Nord de notre pays n’attendra pas longtemps pour être libéré… ». Un bel optimisme que nous partageons volontiers. Mais pour toute diplomatie en temps de guerre, il vaut mieux chercher un centre de gravité, une sorte de place de sûreté. Au moment où l’on pense à une ouverture pour un gouvernement dit d’union nationale, le Chef du gouvernement doit penser à des choix préventifs comme il n’avait pas su le faire auparavant.

S. Koné 

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