Les épouses des militaires de l’ex-junte de Kati détenus dans l’affaire d’assassinat des 21 bérets rouge au Mali, se mobilisent actuellement. À l’initiative de ces femmes, quelques milliers de personnes sont prêtes à manifester à Bamako, pour exprimer leur ras-le-bol, face à ce qu’ils qualifient de « détention politique et arbitraire de l’ancien chef de la junte de Kati et sa soldatesque » et réclamer sa libération hic et nunc.
Un accès de colère humainement compréhensible d’autant que la détention préventive de l’ancien patron de la junte de Kati et de ses hommes, dure depuis presque cinq ans. Si bien que cette longue durée est apparue aux yeux de certains Maliens comme… une curiosité. Près de cinq ans à moisir en prison sans jugement ? Est-ce normal ? Est-ce acceptable ? Et qui sait si le cauchemar des prévenus ne sera pas prolongé, au cas où l’on assiste à un second report du procès ?
Certes, d’aucuns brandiraient l’argument défendable, selon lequel l’agenda de la Justice n’est pas celui des Hommes et que, ce faisant, elle va à son rythme. L’on avancera dans la foulée que la Justice doit travailler en toute indépendance, affranchie de toutes pressions. Soit. Mais, il faut bien reconnaître que près de 5 ans derrière les barreaux sans bénéficier du moindre jugement, c’est quand même fort de … cachot. Assurément, il faut crever l’abcès ! Au risque que la plaie dont beaucoup de maliens se mettent de plus en plus à dénoncer la purulence, ne vienne à écorner davantage l’image d’une Justice déjà accusée de tous les noms de partialité et de manque d’équité. «Les épouses des généraux et des militaires détenus dans l’affaire de disparition des 21 bérets rouges sont indignées, révoltées contre cette justice à double vitesse (…) », déclarait la porte-parole du collectif des époux des généraux et militaires détenus, Mme Dembélé Madina Sissoko. « Justice à deux vitesses » ? Voilà une accusation pour le moins grave, qui devrait interpeller la justice malienne. Elle devrait se garder d’avoir le dos rond face aux derniers événements des épouses des militaires détenus qui, du reste, ne sont pas les premières ni les dernières du genre.
On risque de faire de Sanogo un martyr
Si des Maliens ont la fâcheuse impression que la Justice traîne les pieds dans le dossier Sanogo, pour des raisons qu’ils jugent suspectes, la Justice malienne doit s’employer, au plus vite, à démontrer le contraire. Mieux, elle a l’absolu devoir de sonner le réveil de ses énergies en apparence, assoupies. En tout cas, cette Justice a tout intérêt à entendre la clameur qui monte de plus en plus des rangs pourfendeurs qui prennent de l’ampleur. Au rythme où vont les choses, elle ne gagnerait rien à voir le pays tout entier s’embraser, pour la simple raison qu’elle doit encore se donner du temps. De deux choses l’une : ou elle est incompétente, si l’on en juge par le renvoi du procès, ou il y a des non-dits dans cette affaire. La main du politique derrière tout cela ? L’Exécutif s’en est constamment défendu. Que ces épouses des militaires détenus aient été instrumentalisées ou pas, que ces mouvements d’humeur aient été suscités ou non, il reste que ces protestations ne rendent pas service à la Justice malienne. L’espace de liberté plus élargi concédé par le pouvoir en place et visant à lui donner plus d’indépendance, est-il aujourd’hui utilisé à bon escient ? La Justice malienne n’en fait-elle pas finalement un peu trop ? On peut s’interroger. Toujours est-il que près de cinq années après son incarcération, on a du mal à comprendre que l’ancien chef de la junte militaire ne soit pas jusque-là situé sur son sort. Qu’on le juge enfin s’il y a des éléments de preuves contre lui. Qu’on le libère si jusque-là l’on n’a rien trouvé contre lui. Autrement, on risque d’en faire un martyr. Et si c’était le cas, la Justice malienne, toute drapée de son indépendance, en porterait toute seule la responsabilité.
Cyrille Coulibaly