Reportage auprès d’un bataillon malien dont les instructeurs européens ont achevé, le 14 septembre, la formation à Koulikoro.
Scènes de guerre à Koulikoro, le paisible chef-lieu de la deuxième région du Mali adossé au fleuve Niger, à une soixantaine de kilomètres de Bamako. Dissimulée dans la végétation, une section d’infanterie attend de faire la jonction avec une section du génie. Quand les hommes du sous-lieutenant Momo Saye la rejoignent, le cortège s’ébranle le long d’un cours d’eau famélique avant de stopper à quelques centaines de mètres de là. Les sapeurs maliens empoignent leurs détecteurs de métaux et inspectent la piste. “Nous avons reçu un message du maire, précise Momo Saye. Une personne a été aperçue en train de creuser à proximité de la rivière.” Le jeune sous-officier et ses sapeurs ont pour mission de repérer un éventuel “engin explosif improvisé”. Autour d’eux, la section d’infanterie commandée par le lieutenant Traoré sécurise le périmètre, tandis qu’au-dessus de leur tête deux Mirage 2000 alternent les passes à haute ou basse altitude.
La scène pourrait se dérouler dans le Nord-Mali, mais dans la verdure de Koulikoro il ne s’agit que d’une simulation. En retrait de la section de sapeurs, qui vient de détecter un écho suspect, un groupe d’une douzaine de soldats venus de Suède et d’Allemagne n’en perd pas une miette. Ils sont rattachés à l’European Union Training Mission (EUTM). En avril 2013, cette mission de formation et de conseil dépêchée par l’Union européenne (UE) pour renforcer les capacités de l’armée malienne a débuté ses entraînements au camp militaire de Koulikoro, qui abrite en temps normal une école d’état-major et un centre de formation pour officiers. “Notre mandat initial prévoyait une période de quinze mois, à raison de dix semaines de formation par bataillon, précise le colonel italien Di Sarra, commandant adjoint de l’EUTM. Mais il faudrait prolonger la mission pour former l’équivalent de quatre autres bataillons avant de pouvoir prétendre refonder l’armée malienne en profondeur.”
Dans les fourrés de Koulikoro, l’exercice est un succès. Dissimulé dans une ornière gorgée d’eau, l’engin explosif improvisé a été mis au jour en une trentaine de minutes. “Ils n’ont pas commis d’erreur”, se réjouit un sergent allemand qui supervise l’exercice. Encadré par 184 formateurs venus de 19 pays de l’UE, le bataillon Elou (“éléphants”, en tamasheq) est arrivé, le 14 septembre, au terme de ses dix semaines de formation.
Chaque nation enseigne une spécialisation
Pour rationaliser le fonctionnement de cette Tour de Babel, la décision a été prise d’attribuer chaque domaine de spécialité à une nation possédant une expertise reconnue en la matière. Les Italiens se chargent du combat blindé et du guidage d’avion, le Royaume-Uni de l’artillerie, les Français de l’infanterie, l’Espagne des commandos, les Allemands du génie, les Grecs du renseignement… En parallèle, une composante de l’EUTM, l’Advanced Liaison Task Force (ALTF), assure une mission de conseil et d’expertise auprès de l’état-major malien. À la demande de ce dernier, ses équipes ont contribué à l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, portant sur la période 2014-2018. Un enjeu essentiel pour restructurer en profondeur l’outil de défense malien.
“Nous avons trois priorités, détaille le lieutenant-colonel Daviet, adjoint du commandant de l’ALTF. Le renforcement de la chaîne de commandement, afin de doter cette armée d’un état-major à même de planifier et de conduire les opérations militaires ; la mise en oeuvre d’un système de gestion des ressources humaines moderne pour offrir aux soldats une perspective de carrière à long terme ; et les conditions d’emploi des forces, à savoir l’adoption d’une doctrine adaptée et l’entraînement des troupes.” Un soutien extérieur qui semble revigorer les recrues maliennes rencontrées sur place. “On sent une adhésion et un enthousiasme très forts, insiste un officier français de l’EUTM. Ils sont désireux de racheter les échecs du passé.”
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