Le septentrion connaît un regain d’insécurité. Pis, les joutes meurtrières sont de retour. En plein cœur de la cité des Askias est une odeur de poudre. Un vacarme tonitruant d’explosions nous rappelant que les batailles victorieuses ne constituent pas, pour l’instant, une guerre gagnée. La horde mortifère veut terroriser la nation entière en sévissant au cœur d’une urbanité alambiquée. Le sable ne lui suffit plus pour fantasmer sur les houris du paradis. Elle veut trouver laboratoire pour expérimenter sa chimie de la terreur, sa physique du crime et sa mathématique des massacres. Dans sa mue tactique, l’ennemi a décidé d’opter pour plus de mobilité ajoutée à son culot suicidaire. Ne se contentant plus de ses propres tanières, il ose s’infiltrer dans l’antre de feu de l’armée malienne, de la Misma et de l’armée française. Les derniers évènements à Gao nous inspirent donc trois enseignements.
Primo : Les djihadistes déterminés sont prêts à mourir, donc enclins à se sacrifier. Un état d’esprit suicidaire rendant difficile notre souhait à tous de ne plus les voir revenir à Gao ou ailleurs. Organisation éclatée en de petits groupes mobiles, des candidats prêts à mourir, les suppôts d’un islamisme aux accents anachroniques, peuvent traîner pourtant une capacité de nuisance. On l’a vu en Irak, en Afghanistan contre la plus puissante armée du monde, les Etats-Unis. Si l’on peut s’interroger sur la stratégie de sécurisation des voix d’accès de Gao, des points stratégiques et souhaiter que les nôtres aient plus de vigilance, on ne peut pas voir disparaître définitivement du jour au lendemain des terroristes qui, dans une stratégie de repli il y a un mois, ont préféré préserver leurs forces face aux bombardements français afin de les utiliser plus tard. Ce qu’ils sont d’ailleurs en train de faire.
Secundo : En dépit de sa faiblesse sinon de son dénuement en puissance aérienne, l’armée malienne ne fuit pas au moindre coup de fusil. On l’a vue, sous les feux nourris, tenir ses positions bien qu’il arrive que toute armée débordée opte souvent pour des replis et ne pas offrir généreusement la poitrine comme le font les djihadistes. Notre propos ici n’est pas d’exalter une certaine bravoure mythique encore moins d’occulter la réalité dure d’une guerre non conventionnelle mais juste reconnaître qu’il y a encore, au sein de cette armée, des hommes ayant laissé femmes et enfants à la maison pour continuer à défendre le drapeau malien. Nous devons les soutenir pour que ceux qui continuent à tenir face à la charge terroriste, à mourir pour le Mali, sachent que sur eux nul opprobre n’est jeté ; que leur sens du sacrifice est bien compris et considéré par la nation agressée comme quelque chose de hautement digne et patriotique, méritant toute notre reconnaissance.
Tertio : Malgré les efforts et les sacrifices de notre armée (Devoir pour le gouvernement d’user des moyens diplomatiques, financiers pour davantage la doter en armements et autres moyens conséquents), il a fallu l’intervention française pour bombarder le bâtiment dans lequel les «suicidaires» s’étaient retranchés. Ce qui prouve bien que le cœur seul ne fait pas la guerre. La victoire a besoin de moyens conséquents. Certes les terroristes n’utilisent pas de moyens aériens (heureusement) mais ne perdons jamais de vue que partout où ils jurent de mourir en «martyrs», endoctrinés qu’ils sont par des gourous moyenâgeux, aucune armée au monde ne les éradique en quelques semaines. Ce qui se passe actuellement était donc attendu depuis qu’on les a vus, déguerpir des grandes villes du Nord, prises sans difficultés. Revenant en de petites unités mobiles, déterminées, infiltrées et prêtes à attirer l’attention des médias pour susciter de nouvelles vocations djihadistes, la nébuleuse nous met à l’épreuve. Le défi majeur reste donc l’endiguement de l’infiltration terroriste dans les grandes villes, la sécurisation des routes d’accès mais également l’efficacité du renseignement sur les complicités locales sans évidemment tomber dans une chasse au faciès. S’il faut être sans pitié pour les terroristes, nous n’avons pas besoin d’innocents inutiles au sein des populations civiles pouvant être injustement victimes de suspicions et de soupçons non fondés. On ne tue pas les suspects, on les met à la disposition d’autorités compétentes et légitimes en la matière en vue d’interrogatoire. Le Mali vit un moment instable, Gao, une situation de panique et de dangers mortels. L’armée malienne, tant qu’elle n’aura pas abandonné la ville aux mains des terroristes, tant qu’elle continue à se battre pour nous, pour l’honneur, pour le Mali, mérite notre soutien à tous. Les vrais héros de cette armée sont, à notre sens, ceux sur le terrain. Ne pas les soutenir en ces moments difficiles, c’est rendre insensé le sacrifice pour le pays. N’oublions pas cette phrase terrible que nous entendons souvent au Mali et cela depuis de nombreuses années, phrase symbolisant -plus que tout- la perte de l’Esprit de sacrifice pour la nation : «N’i sara Maliko la, a kèra é de la.» (Si tu meurs pour le Mali, tu es mort vainement et inutilement), pour dire que ce pays s’est toujours montré ingrat envers ses martyrs. Raison suprême devant donc nous pousser à soutenir résolument ceux qui, en dépit de cette phrase diffusée et ancrée dans les imaginaires, portent en eux la dignité d’une nation humiliée. La guerre contre le terrorisme est une guerre dite asymétrique. Le nomadisme de la nuisance peut mettre à l’épreuve toute armée, même la plus puissante. Surtout quand l’échiquier belligène est autant fluide qu’énigmatique. Aux complicités locales, se mêle la réalité de toiles sociales entretenues à coups de dollars, si ce ne sont des liens de mariage, donc de sang. L’ennemi a bien des ancrages socioculturels qu’il faut prendre en considération. S’y ajoute sa parfaite connaissance du terrain. Soyons donc prudents, patients et unis !
La France nous soutient mais ne sera jamais un succédané définitif à notre armée. Marianne quittera un jour les bords du Djoliba pour rejoindre ceux de la Seine. L’armée malienne sera celle sur qui nous devrons demain compter. En dépit de ses faiblesses structurelles et ses difficultés conjoncturelles, elle est notre premier rempart sécuritaire. Bien que révélant la symptomatologie d’un affaissement institutionnel, son soutien est une question de survie collective. De ce soutien populaire, elle peut puiser d’immenses ressources pour exorciser la traumatologie de 2012. La reconquête passe d’abord par le réarmement mental. Vive le Mali ! Vive l’armée malienne ! Vive la fraternité entre les Peuples ! Vive l’Afrique !
Yaya TRAORE
Politologue Consultant-Directeur d’OXYGENIE SSEECCO
VIVE L’ARMEE MALIENNE!
VIVEMENT LA RECONNAISSANCE DE LA PATRIE ENVERS CEUX QUI SONT TOMBES SUR LE CHAMP DE L’HONNEUR ETT LEURS AYANTS DROITS.
“J’aurais bien voulu que la presse de mon pays rapporte la bataille et la mort de ce jeune patriote à leurs lecteurs, aux autres jeunes, le cite comme référence aux « grin », sur les lieux de rassemblement et de marches.
Toutes les grandes armées guerrières, d’Alexandre Le Grand à Staline en passant par Napoléon et Hitler, Soundiata, les Askia, Dah Monzon … avaient non seulement d’éminents propagandistes, d’éloquents et téméraires, grands griots toujours premiers sur le front…
Les armées modernes contemporaines d’Occident … ne sont vaillantes et conquérantes que parce qu’elles sont suivies, racontées et soutenues par de riches et forts médias d’information et de désinformation acquis à leur cause…
Mandé Alpha
(sur la ligne de front)
Les Echos du 20 Février 2013
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