Alors que le chiffon de la lutte contre l’impunité est constamment agité sur tous les toits, certains dossiers sulfureux passent délibérément sous le boisseau, sur fond de motivations pour le moins douteuses. Ici, il est question de blindés, mais pas forcément des fameux «engins en carton» ou encore de cette commande laquelle certains concitoyens sont l’objet de mandat d’arrêt international. Il s’agit de cette vieille nébuleuse ayant défrayé la chronique sous le régime IBK et sur laquelle les équivoques persistent au bénéfice probablement d’un intérêt arbitraire pour les affaires scandaleuses. Aucune démarche dans le sens d’une clarification ne s’annonce, en tout cas, quoique le dossier soit d’une nature aussi crapuleuse que les affaires qui occupent le devant de la scène. Il concerne, en effet, plus d’une centaine de véhicules parmi lesquels 80 sont des véhicules blindés que la présidence de la République avait réceptionnés dans le cadre de l’organisation de la France – Afrique. Le don est une contribution gracieuse de l’Arabie Saoudite à cet événement, mais les engins en question devaient logiquement enrichir le parc automobile d’un pays qui dépense annuellement une fortune énorme pour l’acquisition de nouvelles logistiques et dont le parc relativement ancien est généralement très convoité par les avides repreneurs.
Mais, avec les véhicules saoudiens, les observateurs avertis ont été sidérés de voir des arrivages flambant-neufs, acquis au nom du peuple malien, échoir aux mains de particuliers triés sur le volet. Pour ce faire, le président d’alors, aujourd’hui défunt président, a usé et abusé de son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à l’obligation de verser ledit matériel dans le patrimoine public de l’Etat. Aucune autorité habilitée pour ce faire ne lui a d’ailleurs recommandé une quelconque observance des formalités et procédures en la matière, puisque très peu de gens ne comptaient sur sa débauche de libéralités pour se servir. En définitive, IBK, en toute liberté et sans le moindre droit, a fait parler sa générosité aux frais de l’Etat en distribuant à tour de bras des présents reçus en son nom. Sauf que cette largesse ne paraissait pas totalement désintéressée, pour s’être manifestée dans la foulée de l’atmosphère électorale de la présidentielle de 2018 où le président sortant rempilait. La centaine de véhicules de l’Etat, devenue à la fois un appât et un objet de convoitise, ont ainsi attiré de nombreux indécis ou fidélisé des soutiens faiblement acquis au projet électoraliste du plus généreux des candidats.
Comme il est loisible de s’en douter, parmi les bénéficiaires figurent des élus, des camarades de même obédience, des figures politiques influentes, des responsables de structure politique de base, etc. Autant d’acteurs dont l’influence était d’une utilité certaine dans la compétition électorale à l’issue incertaine. Le hic est que la démarche n’a rien à envier à un détournement contre laquelle certaines voix s’étaient élevées au lendemain de son renversement pour réclamer que l’ancien président rende gorge des préjudices matériels causés par ses largesses aux dépens de l’Etat malien. Il était également question de faire restituer sans ménagement les précieux joyaux par leurs heureux bénéficiaires que certains avaient jugés poursuivables pour recel de biens détournés. Surtout qu’il se rapporte, par ailleurs, que la plupart desdits engins ont fait le bonheur de locataires de voitures proches de la présidence de la République, qui les avaient cédé à l’époque à des usagers très liquides comme la mission de l’EUTM au Mali.
Il en fallait peut-être plus pour que le dossier ne soit relégué aux oubliettes et étouffée dans l’œuf, en dépit des grands enjeux financiers qu’il recèle et de sa portée criminelle. Vérification faite, il se trouve que ce black-out n’est pas fortuit et s’expliquerait aussi par la gêne qu’en éprouvent de nombreux hauts gradés tapis dans les rênes du pouvoir ou qui les contrôles tout simplement.
A KEÏTA