Les militaires abrègent la lutte : IBK renversé hier

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Une liasse populaire a accueilli jusque tard dans la nuit la chute du locataire de Koulouba, Ibrahim Boubacar Keïta, placé sous bonne garde des militaires avec sa famille et plusieurs personnalités de son défunt régime qui avait essuyé une vague de contestations amenées par l’imam Mahmoud Dicko.

IBK a semé le vent, il a récolté la tempête. Emmuré dans un tour d’ivoire, il a tenté de retrouver par le biais de  la Communauté économique des Etats de l’Afrique (CEDEAO) toute la légitimité perdue au niveau national dans le naufrage de la mauvaise gouvernance. Alors qu’il suffisait de prêter une oreille attentive aux incontestables revendications populaires portées à bout de bras par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques pour désamorcer la bombe.

On n’était pas sorti de l’auberge. Le Mouvement du 5 juin Rassemblement des forces patriotes (M5 RFP) n’est pas seul à faire obstruction au plan de sortie de crise. Il s’est enfermé à double tour dans son refus catégorique en insinuant que les menaces de sanctions ne l’ébranlent guère dans son combat contre la mauvaise gouvernance et la non gouvernance. Et joignant l’acte à la parole, la campagne de désobéissance civile avait repris de plus belle avec à la clé des manifestations monstres de la semaine dernière, après une trêve décidée à un doigt de la fête de Tabaski.

 

Le bricolage juridique

Dans un premier temps, adossé à un fétichisme constitutionnel, IBK s’en est vite éloigné. Nez sur le guidon, le désormais ex-président de la République a foncé tête baissée dans la concrétisation de la piste de sortie de crise élaborée par l’institution sous-régionale. Au besoin, en recourant au bricolage juridique fortement décrié.  A  suivre l’éminent constitutionnaliste, Dr Bréhima Fomba enseignant à la Faculté des sciences juridiques et politiques « aux termes de l’article 82 de la Constitution, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a pour missions de veiller sur la gestion de la carrière des magistrats et donner son avis sur toute question concernant l’indépendance de la magistrature, de statuer comme conseil de discipline pour les magistrats. L’article 82 atteste bien que la Constitution ne donne à cet organisme aucune compétence en matière de régulation du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. C’est plutôt à la Cour constitutionnelle et à elle seule qu’incombe de droit cette attribution en vertu de l’article 85 de la Constitution en faisant l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics… Néanmoins la session qui s’est précipitamment tenue le 30 juillet 2020 s’est dédouanée de toute contrainte constitutionnelle en faisant fi des articles 82 et 85. Pour tout dire, le CSM s’est arrogé des prérogatives qui n’ont rien à voir avec l’article 82 de la Constitution. C’est ainsi qu’il a largement outrepassé son pouvoir de désignation de ses trois membres de la Cour constitutionnelle pour aller empiéter sur les domaines de compétences réservés au Président de l’Assemblée nationale en la matière. Pour comprendre ce processus qui fait dévier ainsi le CSM de sa trajectoire institutionnelle et l’amener à explorer des questions étrangères à son périmètre constitutionnel de compétence, il faut rappeler que le CSM est et demeure avant tout, et à double titre, la chose publique de l’exécution qui le tient par la gorge à son niveau le plus élevé à travers sa présidence présidentialisée. En vérité, c’est le président de la République et son ministre de la Justice qui tiennent le CSM en laisse. »

 

Le temple des illusions

La trentaine de mal élus invités à se défaire de leur veste et boubou de député ont opposé une fin de non recevoir. Persuadés qu’ils sont de ne point à se plier aux injonctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui n’a pas hésité ainsi à tordre le cou de la loi fondamentale. Nulle trace d’ombre dans leur propos : « nul ne peut obliger un député à rendre le tablier, la décision est stricto-personnelle. » A moins d’une dissolution de l’Assemblée nationale, une cartouche dont dispose le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta dont il s’est privé d’en faire usage.

Les candidats spoliés aux législatives sont venus mettre une touche de vernis supplémentaire, excluant la tenue d’élections partielles, au motif qu’ils n’ont plus les moyens de battre campagne. Par contre, ils sont acquis à l’idée de déferrer le contentieux électoral devant la nouvelle Cour constitutionnelle. Une piste de solution qui est loin de remporter l’adhésion des trente et un députés élus dans les circonscriptions litigeuses.

 

Réponse du berger à la bergère

Tous les regards étaient désormais tournés vers IBK qui ne donnait pas l’air de dominer la situation. Ses récents pics contre Mahmoud Dicko, assimilé à un terroriste, et à qui il a prêté des dessins de « coup d’Etat rampant » et « d’instauration d’un Etat islamique » n’étaient pas de nature à faciliter les négociations avec le M5. On n’en est encore à se demander quelle mouche avait pu piquer le président de la République au point de tenir de tels propos en réunion extraordinaire de la CEDEAO par visioconférence ? En dépit de ses dénégations, la manœuvre s’est avéré un coup d’épée dans l’eau. Mahmoud a gardé profil bas. Et l’ancien ministre de la Justice, puis des Domaines de l’Etat, Me Mohamed Bathily, a soutenu détenir la transcription intégrale de la conférence. Révélant au passage une invitation du numéro un guinéen à soutenir mordicus IBK. Alpha Kondé redouterait plus que jamais une extension du printemps malien à l’ensemble des pays de la sous-région. Confirmant la perception de l’opinion publique vis-à-vis de l’institution sous-régionale considérée comme un syndicat des chefs d’Etat en activité. Dès lors, on ne pouvait attendre d’elle quelque chose de plus excitant, d’original. De son échec cuisant a germé l’option de recourir à une médiation, endossée par le guide spirituel de Nioro Bouillé Haïdara, à l’issue incertaine.

Le Nil est arrivé au Caire

Hier matin, les nouvelles se bousculaient les unes après les autres. Des arrestations massives sont opérées au sommet de l’Etat, d’abord le ministre des Finances Abdoulaye Daffé, puis tous les autres membres du gouvernement. Et enfin, les vidéos de l’arrestation d’Ibrahim Boubacar Keïta et sa famille escortés jusqu’à Kati par des militaires armés ont fait le buzz sur les réseaux sociaux. Une liasse populaire a accueilli jusque tard dans la nuit la chute du locataire de Koulouba, Ibrahim Boubacar Keïta, placé sous bonne garde des militaires avec sa famille et plusieurs personnalités de son défunt régime qui avait essuyé une vague de contestations amenées par l’imam Mahmoud Dicko.

Dès la nouvelle tombée, des scènes de pillages étaient visibles partout, y compris la résidence privée – sise à Sébénikoro – du chef de l’Etat renversé. Elles se sont d’ailleurs poursuivies à la tombée de la nuit, au moment où mettions sous presse.

Ousmane Mariko

Georges François Traoré

 

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