A suivre la marche politique du Mali de l’indépendance à ce jour, on a le sentiment que son destin est dans le coup d’Etat en dépit des dispositions constitutionnelles et des promesses des hommes politiques de bien gouverner.
En novembre 1968, ce fut le premier coup tenté par un groupe d’officiers peu connus à l’époque, même dans les casernes, qui mirent fin au régime du président Modibo Kéita pourtant bien parti pour construire le pays. On croyait alors indéboulonnable le régime de l’US-RDA tant ce parti de type unique était bien assis tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Mais ce fut sans compter avec la rancune du Général De Gaulle qui ne pardonnait pas à Modibo Kéita non seulement sa hauteur dans les négociations mais également son nationalisme proche du chauvinisme. Le néocolonialisme amené par Jacques Foccart alors Secrétaire d’Etat aux Affaires africaines à l’Elysée, était passé par là pour le retour du Mali dans l’influence française d’où il était sorti depuis le 22 septembre 1960.
La série noire continue depuis pour ce peuple et on est loin d’en voir le bout du tunnel. En dépit de la création d’une armée nationale en janvier 1961, censée s’atteler aux efforts de développement économique et social et non à la politique, le Mali vit dans la hantise du coup d’Etat. Les textes de loi en vigueur semblent impuissants à enrayer cette dérive tout comme les organisations internationales qui ne font que menacer en brandissant un embargo dont les conséquences ne font peur à personne. La Cédéao, remplie d’anciens chefs d’Etat ayant accompli des crimes multiples et de présidents plus ou moins mal élus en exercice, est peu qualifiée pour interdire les coups de force d’autant qu’un certain nombre de chefs d’Etat sont issus de coups de force soit par la voie militaire, soit par la violation de la constitution. Même les chefs d’Etat de la sous-région en exercice qui tentent de briguer un 3è mandat aux dépens des dispositions constitutionnelles sont plus ou moins cautionnés par l’organisation sous régionale qui semble plus aux ordres qu’au service des peuples.
Si l’on prend par exemple le coup d’Etat de Mars 1991 au Mali contre Moussa Traoré, on se rend bien compte que ce passage était bien obligatoire, vu l’entêtement de l’UDPM à organiser coûte que coûte son fameux congrès qui ne visait qu’à organiser une nouvelle présidence pour son Secrétaire général et à le pérenniser au pouvoir au détriment des intérêts de la grande majorité du peuple. Le coup le plus idiot vint en novembre 2012 quand un groupe d’officiers et de sous-officiers de la garnison de Kati chassa du pouvoir le président ATT qui était à seulement quelques mois de son dernier mandat et qui, il est vrai, avait plus gouverné pour sa fratrie que le 1/3 des Maliens.
Chacun sait ce qu’il advint récemment du président IBK littéralement tué par sa famille et ses amis et qui se fit enlever par le CNSP au moment même où il le souhaitait plutôt que de se rendre au M5-RFP. Un seul coup d’Etat, celui de novembre 1968, paraît injustifiable au vu de l’évolution ultérieure du pays, le CMLN et l’UDPM ayant plus encore enfoncé le pays dans le désordre que l’US-RDA. Après 60 ans d’indépendance, le Mali reste un Etat sauvage où les coups d’Etat se succèdent et se ressemblent de façon quasi cyclique. Selon Sénèque, philosophe romain du temps de l’Empire, “la pire des bêtises pour accéder au pouvoir, est de se servir des armes”.
Facoh Donki Diarra
(écrivain, Konibabougou)