Le limogeage des chefs de la sécurité :« Au lieu d’accuser là où tu es tombé, accuses plutôt là où tu as trébuché ! »

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Devant l’indiscipline caractérisée et l’insouciance de certains agents de sécurité (policiers, gardes et gendarmes), les plus hautes autorités, au lieu de chercher à résoudre le problème de fond, s’en prennent plutôt aux chefs des différents corps de la sécurité qui sont eux aussi souvent dépassés par le comportement de leurs poulains. Ainsi, cet adage bamanan : « ya ni ika djigui i ben yoro la ; ika djigui i talo yoro dela » (au lieu d’accuser là où tu es tombé, accuses plutôt là où tu as trébuché !) convient bien à la décision de Koulouba de limoger les chefs d’état major de la garde et de la gendarmerie et le Directeur Général de la police après les incidents du premier mai.

Des policiers qui se bagarrent devant des Ministres de la république et tabassent en même temps un citoyen pour une banale lutte interne syndicale. Et ceci devant leurs compagnons qui n’ont pas bronché. On appelle ça indiscipline caractérisée et ignorance totale des principes de son corps.

A qui la faute ? Les chefs d’Etat Majors ou le DG de la Police ? Le Ministre ? Le Président ?

La faute, c’est nous tous maliens dans la mesure où chacun d’entre nous œuvre à faire recruter, d’une manière ou d’une autre, le plus délinquant de son enfant ou de son frère ou encore de son cousin dans l’armée, dans la police, à la garde Nationale ou à la gendarmerie Nationale.

Voici le problème de fond des corps habillés aujourd’hui au Mali. Les enfants ratés sur toute la ligne. Ceux qui n’ont d’autres soucis que son thé quotidien, ses mégots de cigarettes, son joint (cannabis). C’est des enfants qui n’ont peur de rien. Ils ont été mal éduqués, ils ne respectent rien. Ils ne savent même pas ce que c’est l’autorité. Et les familles, pour s’en débarrasser les envoient à la police, à l’armée ou à la gendarmerie. Comment voulez- vous qu’ils changent de comportement une fois arrivé dans les corps habillés ? N’est-ce pas un adage bamanan dit : « Woulou ta sigui tiogo bila ko aba bourana la » (le chien n’abandonne jamais ses habitudes parce qu’il est dans sa belle famille !)

La faute, c’est nous tous maliens parce que nous éduquons mal nos enfants. Le chef de la cinquième région militaire (Tombouctou) en répondant à quelqu’un lors du lancement à Tombouctou du Programme Spécial pour la Paix, la Sécurité et le Développement dans le Nord du Mali qui remettait aussi en cause le système de recrutement, disait : « Oui, je suis d’accord avec vous, monsieur. Mais ces porteurs d’uniformes délinquant qui ne respectent rien sont nos enfants. Ils ne sont pas venus d’ailleurs. Qu’est ce qu’on va faire d’eux ? Les radier tous et les voir chômer ? Je crois d’ailleurs que le même problème se pose dans d’autres corps, comme l’enseignement par exemple. Là-bas aussi, on a recruté n’importe qui et les problèmes se multiplient à l’éducation aussi… »

Nous sommes tous coupables, certes, mais l’Etat l’est encore davantage pour avoir trop assoupli la formation des nouvelles recrues. A un passé récent, soit avant l’avènement de la démocratie, la formation des nouvelles recrues aux corps habillés était costaud. A l’époque, six mois étaient consacrés à la formation communes de base pendant lesquels, le nouvel recrue se familiarise avec les principes généraux des corps de défense et de sécurité tant sur le plan intellectuel que physique. Ils sont, ensuite, affectés dans leurs corps respectifs. Là-bas, ils apprennent pendant six nouveaux mois les principes et les règlements spécifiques de leurs corps. Cette formation solide de base était un moyen pour redresser les nouvelles recrues. C’était un tremplin pour récupérer les défaillants tant intellectuellement que physiquement pour les besoins de leurs nouveaux métiers.

Aujourd’hui, la formation des nouvelles recrues est très légère. Au lieu de 12 mois, les nouvelles recrues ne font que trois mois de formation. Non seulement ils ne font que trois mois de formation, mais encore ils sont rois pendant la formation. L’encadreur qui est généralement un Caporal n’est plus libre dans le manoeuvrage des nouvelles recrues. Il a même peur d’eux. Car, non seulement c’est lui qui supporte les frais d’ordonnance en cas de blessure d’une nouvelle recrue, mais aussi ses chefs hiérarchiques que sont les officiers lui mettent incessamment en garde par rapport au cas de leurs protégés. Comment voulez-vous que ces jeunes puissent avoir une bonne formation ?

Conséquence, les jeunes qui sont aujourd’hui dans les corps de défense et de sécurité ignorent tout de ces corps. Ils ne peuvent pas citer même un principe de base de la discipline militaire. S’ils désobéissent, s’ils violent les règlements, c’est parce que généralement ils les ignorent. Ils ont été mal formés ou pas du tout formés. Oui, on ne plus durcir la formation sinon tous les « arrangés » qui sont déjà détruits par la cigarette et autres excitants y laisseront leurs vies. Aujourd’hui, si tu n’es pas un fils de… ou sous couvert de…., tu n’as plus droit au recrutement au Mali. Et le résultat sur le terrain est là pour l’attester.

Voici les problèmes de fond de nos corps habillés aujourd’hui : le recrutement et la formation. Au lieu que Koulouba s’attaque à ça, non, il relève les chefs d’état major et les DG. Peut-être que ces chefs n’ont pas quelque part joué leur rôle, mais si le Président doit relever les chefs à chaque fois qu’un agent se comporte mal, aucun chef ne fera un mois à son poste. Car c’est monnaie courante, la maladroiture de nos corps habillés. Chargés initialement de sécuriser les personnes et leurs biens et de maintenir la quiétude et l’ordre public ; les corps habillés sont devenus au Mali des prédateurs de la quiétude et de l’ordre public et sont à la base de l’insécurité des populations.

Le diktat de Bamako lors des recrutements dans les corps de sécurité et de défense !
Lors des recrutements à l’armée, à la garde et à la gendarmerie, un quota est accordé à chaque région y compris le district de Bamako. Ce qu’on constate généralement, c’est qu’une grande partie des quotas accordés aux régions est finalement absorbé par Bamako. Comment ?

Les hauts gradés et autres cadres dans la haute administration d’Etat conscients que le quota de Bamako est très minime pour absorber tout les « sous couverts lourds », envoient leurs protégés dans les régions. Ces protégés portent dans leurs affaires des lettres de recommandation dûment signées par des hauts gradés de l’armée et des hauts cadres de l’administration d’Etat. Une pression interminable est ainsi mise sur les chefs militaires régionaux. Et ils n’ont pas le choix. Les jeunes venus de Bamako doivent être recrutés au détriment de ceux habitant dans les régions. Pour la seule et unique raison que ces derniers n’ont pas quelqu’un dans le cercle fermé des « mangeurs du beurre de la république ».

A Tombouctou par exemple, la ville est remplie de jeunes venus de Bamako au moment des recrutements. Ils sont venus tous pour se faire recruter au détriment des jeunes de la ville. Généralement, la plupart de ces nouveaux venus passent justement. Et le sens de donner à chaque région un quota est raté. Car le quota est accordé aux régions pour avoir une armée véritablement nationale. Par exemple, parmi les recrus de Tombouctou, on doit rencontrer des sonrhaïs, des tamasheqs, des arabes… A Kayes, on doit compter parmi les recrues, des Sarakolés, des malinkés, des khasokés… A Sikasso, des senoufos, des miniankas ; ainsi de suite.

Ces jeunes venus de Bamako sont généralement des délinquants irrécupérables. Ils sont pour la plupart fils de porteurs d’uniformes et fils à papa ou à maman.

« La corruption est gérable quand elle se limite à certains niveaux, mais quand elle s’amplifie jusqu’à atteindre ceux qui détiennent les armes (les corps habillés), c’est que le tir doit être rectifié très vite, sinon le pays va à sa perte ! »

BABA OULD

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