Le coup d’Etat du 22 mars dernier, qui a mis fin au régime d’ATT, a été applaudi des mains et des pieds par de nombreux Maliens. En raison des motifs qui ont poussé les militaires à passer à ce coup de force. Mais, moins de deux mois après, et à moins de deux semaines de la fin des 40 jours d’intérim du Président de la République par intérim, nombreux sont les Maliens qui s’inquiètent devant le refus de la junte militaire de retourner dans leurs casernes.
Le Mali était sur le point de devenir un pays de non droit. La justice n’était plus juste. Des pauvres étaient dépossédés de leurs terres. Terres cédées à des nantis. Contre espèces qui sonnent en trébuchant.
Le fils de pauvre n’avait plus sa place dans la fonction publique. Car les recrutements se faisaient en fonction du rang social, des connexions sociales ou même en fonction des colorations politiques. Certains se faisaient en catimini et n’étaient ouverts à tous.
La crise du nord était gérée d’une manière confuse, et les Maliens craignaient des élections générales bâclées, avec un fichier électoral non fiable.
Raison pour laquelle, ce putsch a été salué de toutes parts par les Maliens, qui en ont vu une opportunité de rupture avec l’ancien système. Mais aussi, l’occasion pour notre pays de repartir sur de nouvelles bases. Afin de remettre le pays sur les rails.
Mais, après l’investiture du président de la République par intérim et la mise en place du gouvernement de transition, nombreux sont ceux qui pensaient que les choses étaient rentrées dans l’ordre. Erreur.
Le silence coupable de la classe politique et des forces vives de la nation
A moins de deux semaines de la fin du mandat de 40 jours du président intérimaire, Dioncounda Traoré, une chose inquiète le commun des Maliens : Ils ne savent plus à quelle sauce ils seront mangés. A la « sauce pimentée » du CNRDRE ou à celle de la classe politique.
Les Maliens ne savent pas comment va déroulera la transition. Pire, ils ne comprennent pas le silence de la classe politique et des forces vives sur la tenue d’une convention nationale, afin de déterminer la durée de la transition, ses acteurs etc.
A moins de deux semaines de la fin du mandat de Dioncounda Traoré, les Maliens devraient être en mesure de connaître la date de la convention nationale. Les forces vives, de même que la classe politique devraient être déjà à l’œuvre pour déterminer la durée de la transition, ses acteurs ainsi que le rôle de la junte dans cette transition.
Mais en l’état actuel des choses, les populations restent perplexes.
Car, la classe politique, les forces vives et même la junte seraient sur le point de sacrifier l’intérêt général sur l’autel de leurs intérêts personnels, de leurs strapontins.
La foule et le peuple
Le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE), au lendemain du coup d’Etat était considéré comme un sauveur, venu délivrer le peuple malien du système ATT.
Il fallait ce coup d’Etat pour mettre fin au système ATT pour que les Maliens découvrent la réalité, nous explique ce chauffeur.
Et ce mécanicien de poursuivre : « On nous a toujours raconté que le Mali est l’un des pays les plus équipés en matériels militaires dans la sous-région ouest africaine. Alors que c’était du bluff. Les Maliens connaissent maintenant la réalité, car notre armée, faute d’équipements adéquats, n’a pu se battre contre les rebelles qui occupent depuis plusieurs semaines, les trois régions du nord ».
Et cet ouvrier d’ajouter : « nous sommes avec les militaires et nous les soutiendrons jusqu’au bout. ». Un sentiment partagé par nombre de Maliens.
A coté de ceux-ci, nombreux sont ceux qui ont salué le coup d’Etat, mais qui dénoncent les « intentions cachées » du Capitaine Amadou Haya Sanogo et de ses compagnons.
« Il fallait ce coup d’Etat au Mali, car il a démantelé le système ATT. Mais je suis carrément opposé à une transition assurée par les militaires. A partir du moment où ils ont accepté le retour à l’ordre constitutionnel, la mise en place d’un gouvernement de transition. Ils doivent retourner dans leurs casernes. Nous ne voulons pas être dirigés par la loi du colt », indique un politicien.
Même refrain chez ce retraité qui explique : « les intentions des militaires se clarifient de jour en jour. Le Capitaine Sanogo et ses hommes espèrent diriger la transition. Et je pense qu’il faut tout faire pour éviter cela, en leur accordant l’amnistie générale. Et qu’ils concentrent leurs efforts sur la résolution du problème du nord. Car, ils doivent être envoyés pour aller faire la guerre à ces rebelles, qui occupent le nord. Les militaires devraient être au front parce que le Mali se trouve dans une situation de guerre de fait. Il fallait ce coup d’Etat, mais si Sanogo veut sortir pas la grande porte en héros, qu’il enlève cette histoire de transition de sa tête. Car cela ne lui réussira pas et le peuple ne le souhaite pas. Qu’il ne se fie pas à la foule qui crie son nom dans la rue ». Une opinion également partagée par de nombreux intellectuels maliens.
A coté de ceux qui crient sur tous les toits leur soutien au CNRDRE, il y a aussi ceux là qui ont salué le coup d’Etat et qui sont, fermement, opposés à toute transition dirigée par les militaires.
Ainsi, le Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE) se trouve entre le marteau de la foule et l’enclume du peuple. Un peuple qui observe le manège de la junte militaire, sans mot dire. Un silence, pourtant, qui en dit long sur la suite des évènements.
Dieudonné Diama