La Junte franchit le Rubicon

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Ceux qui croyaient encore en la bonne foi du Capitaine Sanogo et de ses affidés en sont désormais pour leurs frais. Moins de quarante huit heures après un accord sur la conduite de la Transition conclu avec les émissaires de la Cédéao, les putschistes de Kati ont effet entamé l’exécution du plan machiavélique arrêté par eux  pour rester au pouvoir  et bloquer le processus de retour à l’ordre constitutionnel.

Amadou Haya Sanogo
Amadou Haya Sanogo

Pour parvenir à leurs fins, ils ont tout simplement opté pour la solution extrême : attenter à la personne du Président Dioncounda Traoré, pourtant fraîchement désigné de commun accord avec la Cédéao pour diriger la Transition.

Cet énième coup porté à la démocratie malienne par la Junte malienne a été planifié et froidement mis en exécution le lundi 21 mai 2011 lorsqu’à la faveur d’une marche de protestation organisée par le Collectif des associations et Organisations Patriotiques du Mali, le Président de la Transition a été pris à partie et quasiment lynché  par des manifestants au Palais de Koulouba, avec la complicité évidente des militaires chargés de sa garde. Et des services de sécurité.

Cette manifestation  des partisans du Cnrdre, en fait les membres de l’association Yéréwolow Ton, une excroissance du Parti Sadi, avait en effet été annoncée au moins vingt quatre heures à l’avance et les organisateurs n’avaient fait aucun mystère de leur intention de « déloger » du Palais de Koulouba le Président Dioncounda Traoré.

L’attentat d’hier, qui  a valu à l’intéressé de nombreuses blessures et une hospitalisation d’urgence à Gabriel Touré, avait plusieurs objectifs. Il visait d’une part à provoquer des affrontements sanglants  entre manifestants et militaires affectés à la garde du président afin de justifier l’intervention des militaires de la Junte, qui en tireraient prétexte pour dénoncer l’accord conclu  quelques heures auparavant avec  la Cédéao,  et à créer  un vide constitutionnel par l’élimination physique du Président intérimaire d’autre part.

Ce qui justifierait la tenue d’une convention nationale destinée à définir les règles de la Transition et à choisir, sans aucune contrainte constitutionnelle, les hommes chargés de la conduire, c’est-à-dire le Capitaine Amadou Haya Sanogo, dont le retour au pouvoir était scandé par les manifestants, et les récupérateurs du coup d’Etat du 22 mars regroupés au sein de la Copam.

L’on sait, en effet, qu’en cas d’empêchement définitif ou de démission  du Président intérimaire, et en l’absence d’un Président de l’Assemblée nationale comme c’est le cas aujourd’hui, la Constitution est muette sur les mécanismes de succession à la Présidence de la République.

Fort heureusement pour le Mali, le schéma ourdi par la junte et ses partisans a échoué par le simple fait que Dioncounda Traoré, passé à tabac et laissé pour mort par ses agresseurs, a survécu. Le vide constitutionnel n’aura donc pas eu lieu et une intervention militaire de la junte couplée de la convocation d’une convention constituante, n’aurait aucune justification légale.

Si le coup de force diabolique du 21 mai a été finalement un flop pour ses concepteurs et exécutants, il suscite de nombreuses interrogations sur les rôles et comportements des différents acteurs de la crise politique malienne.

D’abord, on peut se demander si, en faisant du Cnrdre son seul interlocuteur dans la résolution de la crise et en lui consentant d’importantes concessions, la Cédéao  a bien analysé la situation issue du coup d’Etat du 22 mars 2012. La question se pose avec d’autant plus d’acuité que tout porte à croire que l’organisation sous – régionale ouest africaine n’est pas prise au sérieux par le Capitaine Sanogo et ses alliés. Ces derniers en tout cas administré la preuve à maintes reprises qu’ils ne faisaient que très peu de cas des décisions et directives de la Cédéao.

De nombreux faits corroborent ce point de vue. Il s’agit entre autres de  la constitution du Gouvernement de Monsieur Cheick Modibo Diarra en violation totale de la lettre et de l’esprit de l’accord – cadre qui préconisait explicitement la formation d’un gouvernement d’union nationale et de transition ; du refus  par la junte de l’intervention des troupes de l’organisation pour assurer la sécurité de la Transition et pour aider à la reconquête des zones occupées par la rébellion, et enfin la complaisance affichée des putschistes à l’égard des manifestants du 21 mai 2012 dont l’agression contre le Président Dioncounda Traoré est survenue quelques heures seulement après la signature d’un accord sur la Transition.

D’ailleurs, certains indices montrent que la gestion par la Cédéao de la crise politico- sécuritaire issue du coup d’Etat militaire ne fait plus l’unanimité au sein de la communauté internationale. C’est le  représentant français au sein du Conseil de Sécurité de l’Onu dont une délégation avait été dépêchée ces jours – ci à Abidjan pour s’enquérir de l’évolution de la situation au Mali et en Guinée Bissau , qui a eu, aussitôt connue l’agression contre Dioncounda Traoré, à prendre subtilement à la date même du le 21 mai 2012, ses  distances à l’égard de l’organisation ouest africaine, en affirmant qu’il était peut – être temps d’explorer d’autres voies que celles de la négociation pour trouver une solution à la crise malienne.

Cette déclaration sera confortée quelques heures plus tard par celle du nouveau Président de la République française, François Hollande qui, depuis Chicago où il participait à un sommet de l’Otan, a fermement condamné le 22 mai  l’agression. Enfin , en affirmant publiquement que le Président par intérim du Mali a été pris à partie « au vu et au su des agents des forces de l’ordre affectés à sa garde », le Ministre ivoirien Adama Bictogo, l’un des deux émissaires de la CEDEAO en charge du Mali, n’a-t-il pas implicitement mais publiquement admis les limites de la médiation mise en œuvre par l’organisation ?

Quid du Premier ministre de Transition ?

On peut se demander, au vu des prises de positions successives qu’il a récemment faites, notamment à la suite des affrontements entre les soldats de l’armée de Terre et les bérets rouges, si en définitive Cheick Modibo Diarra est à hauteur de mission. Tout porte  à croire que l’homme, s’estimant probablement redevable à vie envers la Junte – c’est elle qui l’a proposé à la Cédéao pour occuper la Primature pendant la période de Transition – se sent obligé de la défendre, ou à tout le moins de la ménager en toutes circonstances. Sinon comment comprendre la déclaration proprement scandaleuse faite par le Premier Ministre suite à l’agression du Président par intérim ?

Se posant en moraliste à l’égard des manifestants, qu’il a soigneusement évité de nommer alors que leurs meneurs et leurs organisations sont identifiés, M. Diarra n’a eu ni le courage de condamner l’agression, ni l’idée de prendre une décision que n’importe qui, dans sa situation, aurait pourtant envisagée : l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités et faire la lumière sur les évènements d’une gravité extrême survenus à Koulouba le  21 mai. Mieux ou pis : en aucun moment il n’a eu à prononcer le nom de la victime, préférant débiter des professions de foi et un plaidoyer moralisateur qui, croyait – il benoitement, allait mettre en valeur ses propres mérites. Affligeant.

Ibrahim Mohamed GUEYE

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4 COMMENTAIRES

  1. Bonjour, si c’est vrai que le capitaine Sanogo á accepter le titre d’ancien president du Mali, et les faveurs qu’un president doit avoir,je pense qu’il ne plus parler de corruption au Mali, parce que je pense qu’on lui a corrompu, et qu’on veut lui faire taire. C’est dommage, il a fallit a toute ses ambitions.

  2. Blaise est disqualifie pour etre mediateur dans cette crise. Comment un militaire, qui de surcroi est venu au pouvoir en tuant “son frere” peut-il persuader d’autres militaires a se retirer des delices du pouvoir? il faudrait etre borne pour ne pas voir et sentir ca a mille lieu.
    Quand au PM, ses manieres avec le chef de la junte, me font penser a un doberman courant derriere son maitre.
    Dans tous les cas, avec tous ces gens, le Mali est mal parti.

  3. Chacun a ses arrière-pensées parce que le PM ne peut pas dire qu’il ignorait que le Président était sous la menace de ces manifestants endoctrinés et déchainés. Peut-être qu’avec l’élimination naturelle de Dioncounda, lui serait président et son ministre d’état PM. Belle transition.

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