Tout se passe désormais au Mali comme si rien ne sera plus comme avant dans le monde. Les faits et les chiffres.
Ni la première (14-18), encore moins la seconde grande guerre (39-45) n’a mobilisé autant de nations du monde, de logistiques et de ressources financières sur le théâtre des opérations en aussi si peu de temps. Et pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation Onusienne, les Casques Bleus auront un mandat offensif. Et, en marge de ces constats primaires, la guerre d’influence entre Américain et européen se passe désormais au grand jour. Encore pour une des rares fois, des pays européens et africains, traditionnellement opposés, se retrouvent sur le même théâtre d’opération face à l’ennemi commun: les groupes terroristes et jihadistes. Le Mali est visiblement en passe de changer la face du monde.
Quand l’Europe se reconstruit au Mali
Un conflit européen, politico-ethnique et religieux vieux de plus de 40 ans connaîtra-t-il enfin son épilogue au Nord du Mali ? Des indices sérieux permettent de l’espérer. Il s’agit de celui opposant Irlandais et Britanniques. Dans les années 60, les deux voisins connaîtront des troubles suite à des divergences confessionnelles, politiques et ethniques incitant l’Irlande à contester l’autorité de la Reine sur l’Ile. Le conflit fit de nombreux morts et suscita le froid entre les deux territoires.
Aujourd’hui, loin, très loin de la grande Ile, et pour la première fois un une unité conjointe Royaume-Uni / Irlande est déployé au Mali. Les deux armées ont, déjà certes opéré sur le même théâtre d’opération sous l’égide de l’ONU et de l’OTAN, mais pour la première fois, elles constituent un seul et même contingent. Une sérieuse option dans le rapprotchement entre Londres et Dublin.
Dimanche 24 mars dernier, un contingent balto-nordique entamait pour la première fois, une opération militaire en Afrique et plus précisément au Mali. Ils participent, à l’heure actuelle à la mission de l’Union européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali). En somme, ils sont désormais cent formateurs venus de 7 pays européens dont la France (48), le Royaume-Uni (21), la Suède (12), la Finlande (10), l’Irlande (6), la Lituanie (2), le Luxembourg (1)… Ils seraient au total 22 nations européennes à prendre directement et indirectement part aux opérations.
Les pays d’Europe n’ayant pas envoyé d’instructeurs participent à travers l’assistance technique, logistique ou sanitaire. Aucun ne reste cependant en marge.
On eut dit que l’armée Européenne est en train de se reconstruire au Mali. Et pour cause. L’une des grande défis qui se posait jusqu’au aujourd’hui aux armées de l’Union, était la coordination. Le test grandeur nature qui se déroule en ce moment sous nos yeux au Mali témoigne désormais de la fin de cette contrainte.
La guerre d’influence en fond sonore
Parce que le Congrès américain n’intervient pas dans un pays en rupture avec la démocratie, l’Oncle SAM s’est théoriquement abstenu de prendre part aux opérations militaires au Mali. Mais ne vous y fier pas. La récente visite à Bamako en début du mois de mai, du chef du commandement militaire américain pour l’Afrique (USAFRICOM) le Général David M. Rodriguez, témoigne de l’intérêt américain pour la sous-région.
Dans un communiqué rendu public, l’on note que « cette visite des responsables militaires américains permet d’acquérir des connaissances de première main sur la situation actuelle au Mali, afin de mieux comprendre et évaluer l’efficacité du soutien américain à l’effort d’intervention, ainsi que les besoins et les défis à venir ». Et de poursuivre que « le gouvernement américain est déterminé à travailler avec la communauté internationale pour rétablir la stabilité et la sécurité au Mali».
La visite au Mali du Général américain, nonobstant les réserves du congrès fait suite à un engagement certain de la représentation diplomatique du pays à Bamako. En somme, les Etats-Unis ne sont jamais restés très loin du conflit malien, au grand dam du Congrès. L’atteste encore mieux, la présence de ses drones dans le Sahel. C’est au sol que son absence a été particulièrement remarquée.
En clair, le sacro-saint principe de l’Oncle SAM (pas d’intervention militaire dans un pays non-démocratique) lui a visiblement joué un vilain tour au Mali. L’Europe, sous la poussée française, a bien profité de cette réserve et de son absence pour s’installer au sol et visiblement pour toujours. La preuve. Avant le conflit, il (l’Oncle SAM) jouait au coude avec l’armée française. Sur le terrain en effet, il était presque parvenu à imposer l’ETIA (Echelon Tactique Interarmes) en lieu et place de la FIR (Force d’Intervention Rapide) d’obédience française. Et avec l’opération FLINTLOCK, il prenait chaque jour de l’envergure pour les armées de la sous-région. Mais aujourd’hui, l’Europe et la France en tête viennent de prendre leur revanche en réunissant autour d’elles la quasi-totalité des armées des pays de la sous-région et même au-delà, ce, au regard de la présence tchadienne. Et la conférence des donateurs pour le Mali a enfoncé davantage le clou avec sa cagnotte de 3,25 milliards d’Euros. Joli coup ! L’on doit cependant s’attendre à un retour en force de l’Oncle…
Du Grand Frère et de son Allié aussi !
En visite à Moscou la semaine dernière, le secrétaire Général de l’ONU, M. Ban KI-Moon a invité Moscou à augmenter son effectif dans les contingents des Casques Bleus (source : Ria NOVOSTI). Le ministre russe de l’Intérieur Vladimir Kolokoltse s’est contenté d’en faire l’annonce au journaliste. Une manière diplomatique d’accepter le principe.
Pour sa part, Pékin (Chine), allié inconditionnel de Moscou, se propose d’envoyer au moins 500 militaires, soit « sa plus importante contribution de l’histoire à une mission d’opération de maintien de la paix de l’ONU, ont annoncé mercredi des diplomates au siège de l’organisation internationale à New York » (source : l’Essor). Selon le quotidien national, il s’agit d’un moyen pour la Chine de se réconcilier avec l’Occident pour cause de sa présence encombrante en Afrique. Signalons en outre que la chine a toujours assimilé les interventions militaires occidentales en Afrique à une ingérence néocoloniale. Comme pour dire, que le Mali contraint aujourd’hui la Chine aussi à revoir sa politique internationale.
L’ONU aussi revoit sa copie
En marge des traditionnels Casques Bleus dévolus à des missions de maintien de la paix, les 1.200 militaires de la force parallèle de l’ONU devant être déployés au Mali à partir de juillet, auront un mandat offensif. Ainsi en a décidé le Conseil de Sécurité de l’ONU.
Même scénario au Congo, où désormais, une brigade de l’ONU aura un mandat offensif.
Notons que les traditionnels Casques Bleus de l’ONU ont, jusqu’à ce jour montré leurs limites dans les conflits pour cause de principe de non-ingérence. Là aussi, le Mali a changé la donne.
L’Afrique aussi et surtout
NIGERIA: 900 hommes ; TOGO: 540 hommes soit un bataillon d’infanterie ; NIGER : un bataillon de 500 hommes ; BURKINA FASO: un bataillon de 500 hommes SENEGAL: un bataillon de 500 hommes; BENIN: 300 hommes; GUINEE: 125 hommes ; GHANA: 120 hommes (escadron du génie) ; Tchad : 2.000 hommes, composé d’un régiment d’infanterie et de deux bataillons d’appui ; Côte d’Ivoire : 103 hommes et d’importants moyens matériels Mauritanie : 400 hommes déjà déployés sur une prévision de 18.000… (Nous en oublions certainement). Ajoutons que certains pays ont déjà promis des renforts en hommes, des appuis matériels logistiques, sanitaires et du carburant.
Au delà de la solidarité africaine et du principe de bon voisinage, il faudra signaler que le phénomène islamiste menace tous ces pays. C’est ici, par exemple, que le BOKO HARAM nigérian tire ses origines puisque se réclamant du conquérant El Hadj Oumar Tall. Et c’est ici au Mali, que le MUJAO a lancé son ambitieux programme de Jihad destiné à la sous-région.
Prendre part au conflit malien ne constitue donc pour ces Etats que le moyen le plus sûr d’anticiper et surtout, de comprendre. Comprendre, les contours de la menace, les risques, mais aussi et surtout les enjeux géopolitiques du moment. Il va sans dire que les troupes africaines aujourd’hui en présence au Mali auront, chacune dans leurs pays respectifs, un rôle prépondérant à jouer si elles ne constituent d’ores et déjà, le premier noyau d’une véritable armée africaine. C’est bien ce qu’a laissé entendre, samedi dernier, le président français à Addis-Abeba (Ethiopie) lors de la 50e anniversaire de la création de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) : « La sécurité de l’Afrique, c’est l’affaire des Africains,
Allah ne serait pas le même pour tous
Lentement mais sûrement, s’érige une frontière confessionnelle et géopolitique non, entre le Sud et le Nord, mais désormais entre pays musulmans et arabo-berbères. A la Ponce Pilat, ceux de du Maghreb et d’Arabie en général, ont observé un mutisme déconcertant face à la crise malienne. L’appel de l’OCI (Organisation de la Communauté Islamique) en faveur du Mali est en effet resté lettre morte dans ces Etats. Ce, pendant qu’au nom de l’Islam, leur détermination restait intacte en faveur de la Syrie. En clair, les pays de la UHMA ne se sont pas montrés solidaires avec le Mali au contraire de ceux qu’ils qualifient pourtant de mécréants, de Gens de la Croix, Le constat est en effet, criard : les aides les plus précieuses en faveur du Mali, ne sont pas venus des Etats islamiques ou d’une telle obédience, mais plutôt des pays traditionnellement chrétiens. Tout se passe comme si le critère ethnique et culturel avait la primauté sur celui confessionnel. Allah ne serait pas le même pour tous. Aux musulmans d’Afrique noire d’en tirer les leçons.
La guerre au Mali ne fait visiblement que commencer. Un bouleversement de l’ancien ordre mondial aussi, certainement.
B.S. Diarra
C’est vrai que notre pays a bénéficié de la solidarité internationale, ce qui est positif mais nous avons aussi été la risée du monde (négatif). Pourvu que nous tirons les lecons.
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