Jean-Yves Le Drian : «Je suis très fier que les forces maliennes soient en tête du défilé du 14 juillet»

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Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian

Il y a six mois, le 11 janvier, l’armée française intervenait au Mali pour stopper l’offensive de deux colonnes jihadistes sur Bamako. Dimanche 14 juillet, à Paris, le Mali sera à l’honneur lors du défilé sur les Champs-Elysées. Les contingents de treize pays africains marcheront au pas aux côtés de l’armée française. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Le défilé du 14 juillet avec 13 contingents africains, est-ce que ça n’a pas un petit air de Françafrique ?

C’est le contraire. Je suis très fier pour la France que le défilé du 14 juillet soit ouvert par des unités des 12 pays africains qui ont soutenu le Mali dans son refus de perdre sa souveraineté. Que les forces maliennes soient là en tête et qu’elles soient suivies par les forces françaises qui ont permis à ce pays d’éviter de devenir un sanctuaire terroriste. Qui aurait dit au mois de janvier, alors que la population avait peur, appelait au secours, que six mois après ce serait un soldat des forces armées maliennes qui le premier saluerait le président de la République française au bas des Champs-Elysées. Et pas seulement le président de la République française, mais aussi le président de transition du Mali Dioncounda Traoré et aussi le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Que de chemin parcouru !

 

Mais certains voient dans ce défilé comme le deuxième acte de cette cérémonie du cinquantenaire des indépendances avec Nicolas Sarkozy où on sentait comme un parfum de nostalgie coloniale ?

C’est l’ouverture d’une nouvelle ère où les Africains prennent en charge leur propre sécurité et où la sécurité de l’Afrique est partagée par d’autres. C’est le contraire de ce que vous décrivez.

 

 

Mais ce défilé demain, cette conférence sur la sécurité au mois de décembre prochain à Paris, est-ce que tout cela n’est pas aussi pour relégitimer la présence militaire française en Afrique ?

Ce qui se passera au cours du sommet de la fin de l’année, initié par le président de la République François Hollande, c’est l’affirmation d’une volonté de sécurité partagée parce que ce qu’il ne faut pas oublier qu’au mois de mai, la réunion des chefs d’Etat africains a décidé la mise en place d’une force de réaction rapide africaine.

 

 

Parmi les 13 pays africains qui seront sur les Champs-Elysées, il y aura le Tchad. Et l’ONG Survie se dit choquée par cette présence alors que le régime du président Idriss Déby en profite pour renforcer la répression contre ses opposants…

Les Tchadiens ont apporté au Mali leur capacité d’intervention. Ils ont été, à un moment donné de l’intervention, essentiels. Ils ont perdu des hommes. Ils doivent être respectés et je trouve logique qu’ils soient présents. Ils ont contribué aussi à la libération du Mali et évité que ce pays ne sombre dans une véritable dictature jihadiste qui aurait eu des conséquences énormes sur l’ensemble de la région, mais aussi sur l’Europe. Quand on découvre plus de 350 tonnes d’armement depuis six mois, ces armes-là n’étaient pas destinées uniquement à contrôler Bamako.

 

 

Six mois presque jour pour jour après le début de l’opération française, est-ce que la guerre est finie au Mali ?

On peut considérer que les opérations les plus déterminantes sont achevées, mais il faut garder la vigilance. C’est pourquoi nous garderons à la demande du gouvernement malien un millier d’hommes sur place à partir de la fin de l’année pour sécuriser. Il peut y avoir encore quelques risques individuels résiduels, mais globalement la sécurité est revenue sur ce territoire, la stabilité aussi. Et la présence des forces des Nations unies permettra la mutation du Mali pour que demain la démocratie et le développement reviennent.

 

 

Est-ce que vous concourrez à la surveillance des frontières du sud de la Libye ?

Pas directement. Il y a une vraie difficulté dans cette zone puisque qu’on peut penser qu’un certain nombre de jihadistes sont en voie de réorganisation dans cette région même si c’est beaucoup moins significatif que ce qui se passait au Mali. L’Etat libyen est en reconstitution et ils ont fait appel à l’Union européenne pour une mission d’assistance visant à aider les Libyens à assurer eux-mêmes la sécurité de leur frontière. C’est ce que nous souhaitons.

 

 

Pensez-vous que les otages d’Arlit sont en Libye ou plutôt en Algérie ?

C’est une question à laquelle je ne réponds pas. La seule chose que je dis, c’est que le gouvernement français met tout en œuvre pour que ces otages retrouvent leur liberté. Le président Hollande a rencontré les familles il y a quelques jours et leur a fait part de cette détermination.

 

 

Est-ce que vous avez eu récemment des preuves de vie ?

Le président de la République a dit aux familles que tout laissait à penser que ces otages étaient vivants.

Donc il y a peut-être une preuve de vie récente ?

 

A Kidal, l’accord entre les autorités maliennes et les anciens rebelles touaregs semble très fragile à tel point que le gouverneur envoyé par Bamako est reparti au bout de quelques heures. Est-ce qu’on ne va pas au clash ?

Il est fragile mais il existe. Depuis six mois, on me dit « il n’y aura jamais d’accord à Kidal ». Il y en a un. En conséquence de quoi, les élections se dérouleront aussi à Kidal.

 

 

A la date du 28 juillet, ou peut-être plus tard ?

Les élections auront lieu le 28 juillet. La campagne est commencée. Il y a 28 candidats. Cela montre que ça intéresse. Il y a des meetings où il y a plein de monde.

 

 

En Centrafrique, trois mois et demi après l’arrivée au pouvoir de la Seleka, l’ex-rébellion, les habitants de Bangui et de beaucoup de préfectures de province vivent dans la terreur des braquages quotidiens. Et beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi l’armée française qui est là, ne fait rien.

C’est vous qui me parliez de Françafrique… Quand il y avait Françafrique, la France décidait du gouvernement. Aujourd’hui la France est présente à Bangui. Nous avons à peu près 400 militaires sur l’aéroport. Elle est présente pourquoi ? D’abord parce qu’il faut assurer la sécurité de nos ressortissants et des ressortissants européens. Elle est présente parce que nous avons une mission auprès de la Micopax [ Mission de consolidation de la paix en Centrafrique, ndlr ]. Elle est prête à appuyer ce que demandent les autorités militaires de la Micopax. Elle est présente pour préserver l’aéroport de Bangui qui est le seul lien entre ce pays et le reste du monde. Elle n’est pas là pour décider qui doit diriger ce pays. Nous n’avons pas, nous, à nous immiscer dans le choix des gouvernements.

 

 

Et quand vous avez 400 hommes sur l’aéroport de Bangui M’Poko, on ne peut pas parler de non assistance à personnes en danger ?

Nous n’avons pas à intervenir. On ne peut pas à la fois dire, il ne faut pas de Françafrique et en même temps regretter que les autorités françaises, les militaires français ne désignent pas un gouvernement.

 

Par RFI

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