Intervention militaire au Nord du Mali : Comme dit l’autre : « Une guerre serait dangereuse pour la paix ».

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Ronald Reagan n’a pas été le président US le plus séduisant intellectuellement ; c’est le moins que l’on puisse dire. Pas plus politiquement qu’intellectuellement d’ailleurs. L’ancien acteur de série B, qui a assuré deux mandats à la Maison-Blanche (1981-1989), avait cependant cette capacité à dire des « conneries » qui, dans le même temps, n’étaient pas aussi « connes » que l’époque dans laquelle nous vivions alors (tout cela n’a pas évolué dans le bon sens depuis).

Dans Le Monde daté du 18-19 avril 1982, il déclarait ainsi : « Une guerre serait dangereuse pour la paix… ». Cette quasi litote devrait être méditée par ceux qui, concernant la situation qui prévaut au Mali, sautent à pieds joints toute la journée en hurlant : « la guerre, la guerre, la guerre… ». Même Abdou Diouf, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), malgré son âge, s’y est mis et a emboîté le pas (si j’ose dire) à Cheick Modibo Diarra, premier ministre du Mali (cf. LDD Mali 048/Mardi 2 octobre 2012). Diouf voit désormais des « narcotrafiquants, des preneurs d’otages et des criminels frontaliers » partout dans le Nord du Mali, mais pas un seul Touareg. « La situation est extrêmement grave. Personne ne sera à l’abri si ce cancer se développe », affirme l’ex-président sénégalais, qui ajoute : « Il n’y a pas d’alternative […] La seule façon de régler ce problème est militaire ».

Il ne faut pas être dupe. Du 12 au 14 octobre 2012, se tiendra à Kinshasa le XIVème sommet de la Francophonie. Et ce dossier malien est pour Diouf l’occasion de rappeler que la francophonie existe même s’il n’y a que ceux qui sont payés par l’OIF qui s’en souviennent. Les mauvaises langues pourraient rétorquer que « les narcotrafiquants, les preneurs d’otages et les criminels frontaliers » n’ont pas émergé subitement dans le Nord du Mali au cours des derniers mois. Ils sont là depuis longtemps et cela n’a, jusqu’à présent, dérangé personne ; surtout pas ceux qui, politiquement et financièrement, tirent profit de cette promiscuité « mafieuse ».

D’autres mauvaises langues pourraient rappeler à Diouf que la Casamance, terre sénégalaise en sandwich entre Gambie et Guinée Bissau, s’adonne depuis quelques décennies, avec délectation, aux pratiques mafieuses que l’on dénonce aujourd’hui au Nord-Mali. Enfin, s’il traîne encore des mauvaises langues ayant l’irrésistible envie de s’exprimer, qu’elles dressent un état des lieux du mode de production politique de la République démocratique du Congo (RDC) – qui a l’insigne honneur d’accueillir les chefs d’Etat de la francophonie – et expédient ceux qui aiment « battre le tambour avec les tibias des morts » voir ce qui se passe au Kivu, du côté de Goma, où le M23 soutenu par Kigali fait régner la terreur.

Même le premier ministre congolais, Augustin Matala Ponyo, dans le quotidien belge Le Soir (22 août 2012), reconnaissait que « cette guerre est fondée sur l’exploitation frauduleuse des minerais par des groupes mafieux qui ont des relais à l’intérieur du Congo », évoquant même des réseaux « transfrontaliers ». Autant dire que ceux qui sifflent « Malbrough s’en va en guerre » peuvent fourbir leurs armes : les zones rouges ne manquent pas en Afrique ; et je ne parle pas du Proche et du Moyen-Orient…

Mais pour ceux qui pensent qu’il faut « vaincre le terrorisme qui se développe dans le Nord du Mali » (dixit Diouf), un conseil : emportez quelques bouquins de T.E. Lawrence et, particulièrement, « Les Sept piliers de la sagesse ».

Lawrence, qui a conduit sur le terrain « la révolte dans le désert » (1916-1918), révolte « arabe » qui a donné au Proche et au Moyen-Orient, sur les ruines de l’empire Ottoman, sa physionomie actuelle (y compris avec les problèmes pendants), a écrit : « Qui est maître de la mer est le plus libre : il peut accepter ou refuser la guerre à sa guise. Nous étions maître du désert ». Aujourd’hui, qui est maître du désert dans le « corridor sahélo-saharien » ? Ce n’est pas Bamako ni la Cédéao. Ce ne seront ni les Français ni les Américains.

Le professeur Mathieu Guidère, un des meilleurs connaisseurs français du monde arabo-musulman contemporain, a écrit dans Le Figaro (27 septembre 2012) : « On compte sur les contingents du Nigéria, lequel peine à gérer les islamistes de Boko Haram à l’intérieur de ses propres frontières, et l’on craint déjà les débordements des Tchadiens. Les autres pays limitrophes du Mali proposent une contribution symbolique mais nécessaire pour donner corps à cette force « internationale ». La France n’apporterait qu’un « soutien logistique ». Quant à « l’armée malienne », citée dans la demande introduite à l’ONU, elle existe uniquement sur le papier. Enfin, on se demande de quoi on parle lorsqu’on évoque « les régions du Nord occupées ». Occupées par qui ? La principale faction présente au Nord du Mali – le groupe Ansar Dine (« défenseurs de la religion ») – est composée de combattants maliens, certes islamistes mais bien maliens. Ils sont, de surcroît, touaregs et revendiquent depuis belle lurette ce territoire comme le leur ».

C’est dire que l’agitation des « va-t-en guerre » a des allures de propagande qui ont des relents parfois nauséeux. « On est 460 millions d’Européens et en face il y a 1.000 gars vraiment dangereux, on ne va tout de même pas rester les bras croisés ! » affirmerait-on dans « l’entourage du ministre français de la Défense » (selon François Clemenceau – Le Journal du Dimanche du 30 septembre 2012). Eh, oui, on va aller casser de « l’islamiste radical » comme, il y a cinquante ans, la France « cassait du bougnoule », un ministre gaulliste de la Vème République (Alexandre Sanguinetti) pouvant même fanfaronner à cette époque, à la manière du lieutenant-colonel George A. Custer (qui, lui, a eu le mérite de mourir sur le champ de bataille) : « Un bon algérien est un Algérien mort » (selon Constantin Melnik in « De Gaulle, les services secrets et l’Algérie », éditeur Nouveau Monde – Paris, 2012).

En évoquant à longueur de journée un « Sahélistan » ou un « Malistan », les « va-t-en guerre » font l’impasse sur la dimension politique de la « crise malo-malienne » (à l’instar d’ailleurs du premier ministre Diarra) et au lieu de circonscrire le foyer de trouble, ils en répandent les tisons partout dans la région oubliant, au passage, que le Nord-Mali n’est pas le seul territoire dans le monde soumis à une charia effective : il suffit d’aller voir ce qui se passe quotidiennement du côté de l’Arabie saoudite ou du Nord du Nigéria pour s’en convaincre (deux pays massivement producteurs de pétrole, il est vrai ! ; « l’Occident » se doit donc d’être accommodant).

Hurler au loup (ou au « terrorisme ») à tout bout de champ est aussi peu productif que de fustiger, à longueur de JT, les jeunes des cités françaises (s’ils vendent de la drogue, il faudrait peut-être se poser la question de savoir qui sont leurs acheteurs, sans doute pas leur père, leur mère, leurs frères et sœurs… !). La résolution de la « crise malo-malienne » passe par Bamako avant Gao, Tombouctou, Kidal. Il faut se rendre à l’évidence : la crédibilité du gouvernement en place dans la capitale « malienne » est sujette à caution. Une intervention militaire « intra-africaine » ou/et « internationale » serait le détonateur d’un cataclysme dont on ne peut pas, aujourd’hui, envisager l’onde de choc.

Au Mali comme dans la région et particulièrement en Algérie qui est, militairement, le maillon fort et, politiquement, le maillon faible. Car aucune intervention militaire ne pourra se limiter à une opération ponctuelle ; il faut revenir à Lawrence : celui qui est le « maître du désert » peut « accepter ou refuser la guerre à sa guise ». Autrement dit mettre la main sur les « terroristes » va obliger à passer au tamis chaque grain de sable du désert. Hillary Clinton, secrétaire d’Etat US, l’a dit à New York en marge des réunions consacrées au Mali en marge de l’Assemblée nationale : seul « un gouvernement démocratiquement élu aurait la légitimité de négocier un accord politique au nord du Mali, de mettre fin à la rébellion et de restaurer l’état de droit ». On n’en est pas encore là !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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8 COMMENTAIRES

  1. Décidément avec autant de journaleux français qui ne connaissent rien de l’Afrique, pas étonnant que leurs anciennes autorités aient misé sur le mauvais cheval… Voilà le résultat. Il y a de véritable spécialiste de l’Afrique, et du Mali en particuliers comme André Bourgeot, qui savent de quoi ils parlent, parce que quand on lit cet imbécile puisque ce sont en partie des touaregs qui commettent toutes ces exactions au nord, les négros peuvent continuer à se faire massacrer, aucun problème puisque les criminels sont aussi chez eux. Tout ça pour tenter de convaincre que la guerre aurait des conséquences terribles, comprenez que tant que les meurtres, viols, lapidations et autres barbaries ne concernent que les populations maliennes du nord du pays c’est plus acceptable pour la paix et la stabilité de la région. Mais tout ça c’est plus acceptable pour qui exactement? Au nord du Mali, il n’y a pas que des maliens, et quand bien même il le serait tous, personne sur cette terre n’accepterait qu’on commette des crimes aussi barbares au nom de je ne sais quel conception de la religion ou pseudo-causes sans fondement. La main leur a été tendu plus d’une fois, qu’est-ce qu’il faut attendre? Qu’il nous la coupe sûrement…

  2. Il n y aura pas de paix durable dans cette partie du Mali sans une écrasante victoire du contingent militaire de la CEDAO. Une victoire des bandits armés serait la fin du Mali. A bon entendeur, salut!

  3. Les Touaregues ne remplissent pas les conditions pour reclamer l’autodetermination.Ils ne constituent pas un peuple au Mali.
    Ils sont une minorite parmi des minorites.Ce serait leur donner
    une position de domination dans la region.Pourquoi pas aux Sonhrais,
    aux peuhs; ils n’ont pas non plus de territoire propre.Ils le partagent avec d’autres minorites.Ils n’ont droit que les Droits des
    Minorites.

  4. Mr. Bejot allez raconter vos niaiseries ailleurs. Nous savons que porter atteinte a la vie de l’africain et au respect de ses valeurs culturelles n’est meme pas digne de l’expression de la moindre emotion de consternation chez vous. Nous ne valons rien pour vous, meme pas des chiens. Donc ca n’etonne pas que vous pondez des paperasses de ce genre d’une insensibilité indescriptible pour nos populations en detresse. Au diable avec vous! En enfer avec vous, espece de demon!

  5. DU N’IMPORTE QUOI
    QUI VEUT LA PAIX PREPARE LA GUERRE
    COMBIEN AS TU RECU POUR CET ARTICLE?
    Face AUX NAZIS ALORS QUE CERTAINS TERGIVERSAIENT
    CHURCHIL A REPONDU QU’ILS N’ONT PAS LE CHOIX POUR LA GUERRE PUISQU’ELLE A ETE IMPOSE.
    CELUI QUI T’OCCUPE VRAISEMBLABLEMENT NE VEUT PAS LA PAIX. 👿

    • Ajoutez simplement que ce niais de journaliste n’a aucun frère et sœur volé, violé, lapidé, fouetté, profané, assassiné.

  6. On fait quoi si ce n’est la guerre face à ses pieds et mains coupés, face à ces femmes violées, face à cette économie locale à terre et tout le Mali destabilisé. Soyons réalistes et faisons la guerre qui mettra fin à la guerre. L’occupant ne jure que par la charia, une pratique du moyen âge. La seule position réaliste est celle de la France. Ceux qui parlent de négociations nous font perdre du temps et font le jeu de l’algérie qui veut garder le nord du Mali comme un sanctuaire de terroristes venant de chez lui. L’algérie a tout fait pour que le CEMOc ne fonctionne pas.

  7. Le Mali est au centre de l’actualité internationale et cela par la faute du CAPITAINE sanogo, qui avide d’argent et de pouvoir a remis les 2/3 du pays aux bandits armés. Sinon comment comprendre qu’à près 6 mois du départ d’ATT, aucune action militaire n’a été entreprise pour la libération du nord mali. Pire cette coalition d’alcooliques de KATI refuse même l’arrivée de la CEDEAO pour aider le mali, que le ridicule ne tue plus.
    La junte a menti au peuple malien en disant qu’ATT n’avait pas commandé des armes et ne voulait pas faire la guerre mais aujourd’hui elle se rétracte pour dire que seules les armes commandées par ATT peuvent libérer le Nord. O vaillant peuple malien notre destin est entrain d’être bafouillé par la junte et le DICKO du HCI ? Nous devons prendre conscience et agir au plus vite.
    Un premier ministre qui ne fait que la promotion de l’ignorance et de la carence pour preuve la nomination du nullard capitaine comme président du fameux comité de reforme car bien avant le retour de Dionkounda la décision avait été prise. L’affaire du journaliste Aissat Ibrahim MAIGA , les promotions au niveau de la police …..
    Le rapport confidentiel de l’ONU confirme ce que nous savions déjà, la connexion de la junte avec les pros BAGBO pour déstabiliser la CI mais aussi le recrutement des mercenaires pour déstabiliser aussi le FASO. Oumar MARICO sert de trait d’union entre les opposants de ces deux pays et la junte d’une part et d’autre part entre les opposants de ces deux pays et les bandits armés qui sévissent au nord enfin de déstabiliser nos pays voisins qui veulent nous aider au non de la solidarité.
    La roue de l’histoire tourne et chacun aura son tour. L’exécution sommaire de plus de 20 militaires bérets rouges enfouis dans une fosse commune sera sans nul doute l’événement qui rattrapera cette clique de bandits de KATI qui en réalité font plus de maux que le MNLA et autres.

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