Après avoir manifesté une certaine réticence ou plutôt une résistance surtout du côté de l’ex-junte, les autorités maliennes ont fini par accepter l’intervention des troupes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour épauler l’armée malienne à reconquérir les 2/3 du territoire du pays occupés par des djihadistes, d’Ançar Dine, du MUJAO et d’AQMI. Ce qui ne pourra se faire sans que les troupes disposent d’une base de coordination à Bamako.
Cet accord apparaît comme le fruit d’une résignation au regard des conflits d’appréciation que son application peut générer. Visiblement, les autorités militaires de Bamako se sont montrées pendant longtemps opposées à tout débarquement de “troupes étrangères” sur le sol malien. L’ex-junte et ses alliés politiques ont souvent affirmé que la libération du nord de la pègre islamiste est l’affaire de l’armée malienne, qui n’avait besoin que d’appuis logistiques en formation et en renseignements. Mais, face à l’urgence qu’impose la reconquête des régions occupées du fait des exactions que les envahisseurs font subir aux populations, l’appui des troupes de la CEDEAO était devenu indispensable. C’est ainsi que des voix ont commencé à s’élever du côté de l’ex-junte et de ses soutiens que ce débarquement des troupes devait s’opérer directement sur le théâtre des opérations, soit dans les villes de Gao, Tombouctou et Kidal. Le président de la République, Pr Dioncounda Traoré, visiblement sous pression, a embouché la même trompette : des troupes combattantes dans la capitale Bamako est sans objet. Or, selon plusieurs experts, il est matériellement impossible, stratégiquement erroné d’installer une base opération des troupes de la CEDEAO à l’intérieur du pays. C’est ainsi que le ballet diplomatique entre Abidjan et Bamako s’accéléra : le président en exercice de la Cédéao, Alassane Ouattara, fait pressions pour convaincre les autorités de Bamako.
Il accepte l’exigence malienne : il n’y aura pas de troupes combattantes étrangères dans la capitale. En contrepartie, il exige “un QG opérationnel et une base logistique à Bamako avec des forces de police “.
Dimanche matin, après des heures de travail entre ministres ivoirien et malien de la Défense, les présidents Dioncounda et Ouattara s’entendent sur l’esprit de cette opération de reconquête du Nord qui se fera, précise le texte, “en synergie permanente avec les autorités maliennes” et en …toute discrétion pour ne pas choquer les populations déjà suffisamment traumatisées ! Que de garde-fous ! On peut se demander quels seront les critères d’appréciation de cette “discrétion “ dont parle le ministre de la Défense colonel-Major Yamoussa Camara. Si par définition, une base opérationnelle est prioritairement chargée de coordonner les opérations sur le terrain, tout en assurant un rôle de veille permanente par rapport “aux infiltrations éventuelles” dont parlait le président Compaoré, il y a de quoi être circonspect à propos de ce devoir de discrétion.
On s’interroge en outre sur l’effet de choc qu’occasionnera aux populations un QG “indiscret ” à Bamako. Un tel traumatisme n’’a-t-il pas été subi lors des affrontements fratricides entre bérets rouges et bérets verts ou dans les amputations, les lapidations et autres exactions subies par les Maliens au nord du pays?
Que dire enfin de la promesse faite par le président ivoirien de faciliter le déblocage rapide de l’armement malien, retenu depuis des semaines en Guinée après un tel accord ? Les dirigeants de la CEDEAO ne font-ils pas preuve d’un certain chantage en monnayant l’intervention de leurs troupes contre le déblocage des cargaisons bloquées dans les ports de la sous-région ?
Ce qui est sûr, l’accord qui vient d’être trouvé entre le Mali et la CEDEAO semble trop fragile tant des appréhensions subsistent. La requête malienne sera à New York ce mercredi devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Bruno D SEGBEDJI