Dans l’une de nos précédentes publications, nous écrivions que comme dans un film western, les putschistes en Afrique se congratulent et se vantent de leur mérite après qu’ils aient réussi l’exploit de renverser un président, fut-il démocratiquement élu, dictateur ou un autre putschiste. Cet état de fait, le capitaine-général Amadou Haya Sanogo ne le démentira. Lui qui croupit actuellement au fond de sa cellule restée assez discrète pour le moment. Un dossier très sensible qui a l’allure d’une affaire d’Etat et de la Communauté internationale.
Alors qu’il se retrouvait en pleine tourmente judiciaire du fait d’ «actes de tortures, meurtres et disparition de corps», le général Amadou Sanogo découvre aujourd’hui cette vérité cruelle si chère au grand écrivain russe Léon Tolstoï: «Il n’y a pas de crime que l’on ne puisse accomplir en s’estimant irréprochable». En effet, la justice malienne a été contrainte d’émettre contre l’ex-putschiste Sanogo «un mandat d’amener», suite à son refus de répondre aux multiples convocations du juge Yaya Karambé.
Amener de force mercredi dernier devant le Procureur de la République Karambé, alors que selon certaines indiscrétions, il clamait haut et fort à qui voulait l’entendre que «ce n’est pas lui qui se présenterait devant un petit juge en sa qualité de général quatre étoiles», Sanogo n’a fait que constat ses dégâts. Il a été, après quelques heures d’audition, conduit directement en prison. Du coup, ses gradeurs dont il se vantait, se transforment désormais en véritables misères.
En effet, Amadou Haya Sanogo, après avoir «ramassé» le pouvoir à la suite d’une mutinerie au départ anodine, mais qui a fini par éclabousser le Général ex-putschiste ATT, est passé tristement du tâtonnement à l’amateurisme. Plus qu’un «perroquet», il adorait les gros airs et le bavardage, pour ne rien faire de bon au finish. La dictature, il l’avait dans son sang (arrestation d’hommes politiques, d’opérateurs économiques…), oubliant qu’on ne peut jamais régler les problèmes d’une Nation par un coup de baguette magique, même si pour se faire beaucoup remarquer, il s’était fabriqué un bâton dit magique.
Depuis son coup d’Etat dit débile du 22 mars 2012 qui a vu la fuite et l’exil du général Amadou Toumani Touré à Dakar au Sénégal (à un mois et demi de son dernier mandat), il se croyait le grand héros du peuple, réclamant à cors et à cris des armes pour aller bouter hors de nos frontières les groupes armés du Nord du Mali. Mais, contre toute attente, c’est son fantoche coup d’Etat qui précipitera le pays dans le gouffre, avec la prise des trois villes du nord : Gao, Tombouctou et Kidal. Et n’eut été l’intervention spectaculaire de la France de François Hollande, le Mali aurait pu disparaître de la carte du monde avec les velléités des jihadistes et autres bandits armés de prendre le Sud du pays pour faire de la Nation une République islamique de l’Azawad.
Et pendant toutes les hostilités engagées par la force Serval de la France, africaines et l’armée malienne, appuyées plus tard par les forces de la Misma transformée par la suite en Minusma, le capitaine Sanogo se la coulait douce dans son bunker de Kati, fuyant le front.
Tout cela aurait pu passer, mais le capitaine Sanogo avalera la couleuvre quand il acceptera le «cadeau empoisonné» de Dioncounda, alors président par intérim de la République du Mali. Bombardé donc Général 4 étoiles par le président intérimaire à quelques jours seulement de son départ de Koulouba après l’élection d’IBK de façon démocratique, tout un bouclier humain se dressera devant celui que ses fans appelaient «l’enfant fort de Kati». Début donc des ennuis et du cauchemar de Sanogo : il a failli perdre sa tête lors des récents événements dits de Kati, avant d’être délogé de cette ville garnison.
A rappeler qu’au temps de sa pseudo-splendeur politique, ce capitaine n’hésitait pas à se comparer au Général de Gaulle, «un vrai Général» et à défier la Communauté internationale.
Rappelons qu’après le coup d’Etat perpétré contre Amadou Toumani Touré (ATT), le 22 mars 2012, par Sanogo, suivi d’«une tentative de contre-coup d’Etat» par le corps des «Bérets rouges», le capitaine de Kati aurait commis, selon les témoignages de ses propres compagnons, des actes de tortures et divers crimes injustifiables. Depuis mercredi dernier, le capitaine devenu vertigineusement «général quatre étoiles», à sa propre demande (en vue de satisfaire ses pulsions et délires mégalomaniaques que procure l’ivresse du pouvoir), est rattrapé par l’histoire.
Aujourd’hui, avec son incarcération, certaines voix accusent IBK de trahison, d’ingratitude et de cynisme envers ce capitaine qui affichait fièrement son effigie à Kati durant la campagne présidentielle. Mais, depuis quand, l’amitié, la fraternité, sont-elles des «vertus en politique» ? Bien sûr, on éprouve de la pitié, à l’heure actuelle, pour ce «général», au moment où il est en décadence. Si, pour le Mali d’IBK, la vraie finalité politique reste «la réconciliation» et la «paix», cet espoir doit d’abord emprunter la voie longue de la «justice»
Mais, Sanogo ne peut méconnaître sa propre part de responsabilité morale et politique dans les évènements douloureux qui ont ébranlé la Nation malienne. En tout cas, désormais, rien ne semble arrêter la machine judiciaire malienne. Un signal fort pour tous ceux qui ont les mains souillées de sang et qui ont pris les armes contre la République malienne.
Désormais également, aucun Malien ne doit perdre la protection de «la loi civile» et se trouver à la merci de n’importe quel aventurier, de n’importe quel imposteur mégalomaniaque. Et, seule une bonne et sage décision de justice peut aider ce «général» en déroute, à devenir un homme meilleur, un républicain, au-delà des rancunes, des intérêts particuliers et des calculs politiciens. IBK ne peut, en aucun cas, donner aux Maliens le sentiment qu’au nom de la paix et de la réconciliation, il encourage l’impunité.
C’est ce que Sanogo doit comprendre en découvrant la réalité amère, dure, cruelle et impitoyable de la vie historique, ainsi que de la vie politique. Gloire, misère et décadence d’un Général quatre étoiles ! Une leçon strictement malienne ? Non Tout simplement, une tragédie humaine à forte saveur biblique et romanesque.
Bruno LOMA