Hier le capitaine Sanogo a déclaré solennellement le retour à l’ordre constitutionnel. Est-ce par sagesse qu’il a mis le Mali au-dessus de n’importe quel autre égo ou c’est la pression de la CEDEAO qui a été forte ? S’il y a un acteur clé à saluer dans le dénouement de cette crise, c’est bien la diplomatie burkinabé.
Un coup d’Etat reste toujours une expérience assez difficile pour un pays, la gestion de l’après-coup d’Etat l’est encore plus. La CEDEAO a indiqué qu’elle n’était disposée à accorder aucune légitimité à la junte et a également annoncé des mesures contre la libre circulation des putschistes, ainsi qu’un embargo diplomatique et financier qui entrera immédiatement en vigueur s’ils ne rendent pas le pouvoir au président renversé, Amadou Toumani Touré. Si ces sanctions ne suffisent pas pour déloger les putschistes, la CEDEAO s’est engagée à prendre toutes les mesures nécessaires, dont l’usage de la force pour rétablir l’ordre constitutionnel au Mali. Pour prouver que ce n’était pas des menaces en l’air, elle avait décidé l’envoi à Bamako d’une délégation de six chefs d’Etat, le jeudi dernier. Sûr d’elle, la junte fait avorter la venue de cette délégation, en lui réservant un comité d’accueil épouvantail. Alors, un mini sommet s’est tenu, à Abidjan le même jour. A 24heures de la fin de l’ultimatum, le chef de la junte militaire, le capitaine Sanogo, a officiellement déclaré le retour à l’ordre constitutionnel. C’est après s’être entretenu, samedi soir, avec un émissaire du président burkinabé Blaise Compaoré. Ce retour à l’ordre institutionnel imposé par la CEDEAO à un pas de l’exécution de l’embargo diplomatique et financier, soutenu par la fermeture des frontières enlève une grosse épine des pieds du CNRDRE. Sans s’en rendre compte, le CNRDRE était en proie à une insurrection de la part des populations civiles, dans les jours à venir. Avec les prises de Kidal, Gao et les menaces rebelles sur Tombouctou, doublées de l’isolation économique que le peuple malien s’apprêtait à vivre avec les sanctions de la CEDEAO, les putschistes s’acheminaient vite à un échec éminent. Dans toute l’histoire de sa belligérance, le Mali n’a jamais connu autant de défaites en si peu de temps. Pour mieux sortir leur tête de l’eau, le capitaine Sanogo a déclaré que le CNRDRE a décidé d’engager des consultations dans le cadre d’une Convention nationale. Il sera très difficile pour le CNRDRE de trouver, dans le contexte actuel, un dénominateur commun avec les forces vives de la nation pour la mise en place d’organes de transition, une fois que la Constitution du 25 février et rétablie.
Que dit la Constitution du 25 février 1992
La Constitution stipule, dans son article 36, : «qu’en cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le ; président de l’Assemblée nationale ou le premier ministre, les fonctions du président de la République sont exercées par le président de l’Assemblée nationale. Il est procédé à l’élection d’un nouveau président pour une période de cinq ans. L’élection du nouveau président a lieu vingt et un jours au moins et quarante jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement. Dans tous les cas d’empêchement ou de vacance il ne peut être fait application des articles 38, 41,42 et 50 de la présente Constitution ». Le coup d’Etat, selon la Constitution, est un crime imprescriptible et le capitaine et les autres membres du CNRDRE pourront, sous l’égide de la CEDEAO, bénéficier d’une loi d’amnistie que l’Assemblée nationale votera.
Prouesse de la diplomatie burkinabé
Désigné médiateur dans la crise malienne, le président du Faso, Blaise Compaoré, a jugé utile de ne pas laisser les putschistes, avec leur marge de manœuvre, mettre le Mali entier dans un profond chaos. C’est dans cette directive le CNRDRE à Ouagadougou. Arrivée dans la nuit de vendredi à samedi à Ouagadougou, la délégation de la junte militaire était conduite par le colonel Moussa Coulibaly comprenant également le capitaine Adama Diarra et le lieutenant Amadou Konaré, porte-parole de la junte. Le médiateur a prêté une oreille attentive aux préoccupations de la junte militaire. La gestion de la rébellion dans le Nord-Mali et l’amélioration des conditions de vie des militaires sont au centre de ces préoccupations. Adroit dans la gérance des conflits de ce genre, le président Blaise Compaoré a mandaté son ministre chargé des affaires étrangères, Djibril Bassolé, pour raccompagner les émissaire du capitaine Sanogo avec des solutions concrètes et faciles de sortie de crise. En bon diplomate averti, Djibril Bassolé, après son arrivée à Bamako, samedi soir, a pris le soin de laisser les membres du CNRDRE se consulter entre eux avant de rencontrer le capitaine Sanogo. Hier, dimanche, le capitaine Sanogo, paré de son plus beau uniforme, avec à ses côtés le ministre Djibril Bassolé et l’ambassadeur du Burkina Faso au Mali. Cette déclaration qui annonce le rétablissement de la Constitution du 25 février 1992 met fin à une des épisodes les plus pénibles de l’histoire du Mali.
Rokia Diabaté