Réunis du jeudi au vendredi dernier dans la capitale tchadienne, les ministres de l’Aviation civile des pays du G5 Sahel ont finalement retenu une option pour la création de la compagnie aérienne commune.
Le consensus a été difficile à arracher et une réflexion diligente doit être menée sur les modalités de l’opérationnalisation effective de la compagnie. « Les ministres ont approuvé le rapport du comité de pilotage et adopté l’option 5 retenue par les experts. Pour la suite du processus, les ministres ont instruit le secrétariat permanent du G5 Sahel et le comité de pilotage à l’effet de développer l’option retenue, et leur soumettre à l’occasion de la prochaine réunion du comité des ministres en janvier 2019 à Nouakchott le schéma d’opérationnalisation de cette option », indique le communiqué final de la réunion de N’Djamena.
L’option retenue, le ministre tchadien de l’Aviation civile et de la Météorologie, Mahamat Tahir Orozi, l’a révélée: il s’agit d’une “compagnie multinationale avec un nouvel AOC (certificat de transporteur aérien, CTA) entre les cinq pays suivant un schéma à définir par un audit financier, un audit technique et opérationnel et un audit de capacités humaines”. Plus clairement, la future Air Sahel aura un certificat de transporteur aérien délivré à la fois par le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la Mauritanie et le Tchad.
Pour arriver à cette solution consensuelle sur l’ouverture de l’espace aérien, les cinq pays sahéliens ont mis près de trois ans. C’est à N’Djamena, lors du premier sommet ordinaire du G5 Sahel le 20 novembre 2015, que les chefs d’État des cinq pays du Sahel ont décidé de créer une compagnie aérienne communautaire. Au cours de cette rencontre historique, quatre décisions majeures avaient été prises sur les questions de sécurité et de développement : création de la force conjointe du G5 Sahel, création de l’école de guerre qui a évolué en un collège de défense, construction de la ligne de chemin de fer dénommée “Le Transsahélien” et création de la compagnie aérienne Air Sahel.
« Aujourd’hui, tous ces projets majeurs et structurants ont connu un début de mise en œuvre ne serait-ce que du point de vue institutionnel, avec notamment la mise en place des structures ad hoc de pilotage qui complètent ainsi le portefeuille des projets contenus dans notre programme d’investissements prioritaires, qui fera l’objet d’une conférence de coordination des partenaires en vue de son financement le 6 décembre à Nouakchott », a déclaré Maman Sambo Sidikou, secrétaire permanent du G5 Sahel.
Concernant spécifiquement le projet de création d’Air Sahel, les ministres en charge de l’Aviation civile des pays membres du G5 Sahel ont adopté, le 22 avril 2016 à Ouagadougou au Burkina Faso, la feuille de route du projet et créé un comité pour le piloter. Placé sous la responsabilité directe des ministres et composé de deux experts par pays (soit dix membres au total), ce comité de pilotage du projet de création d’Air Sahel est coordonné par Mohamed Mahmoud Bouassriya, directeur général de l’Agence nationale de l’aviation civile de la Mauritanie. Sa principale mission : conduire l’étude de faisabilité économique de cet important projet intégrateur de l’espace commun sahélien.
En mai 2016, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) a approuvé le financement de l’étude de faisabilité. Un consultant a été choisi : l’Association internationale du transport aérien (AITA, plus connu sous son sigle anglais IATA), basée à Montréal (Canada). L’IATA a proposé la création d’un opérateur par deux compagnies nationales existantes, à savoir Air Burkina SA et Mauritania Airlines International, un modèle d’affaires s’appuyant sur un réseau de services régionaux, une propriété détenue à 100% par des capitaux publics et une option de flotte et de choix d’équipes à affiner dans la phase 2 de l’étude.
Mais les 13 et 14 décembre 2017 à Bamako, les débats autour du rapport du comité qui a entériné la proposition de l’IATA mettent en exergue des divergences d’appréciation sur l’option retenue. « En conséquence et faute de consensus, le comité de pilotage a invité le consultant à produire un rapport complémentaire qui devrait reprendre toutes les options possibles de création de la compagnie », a précisé M. Bouassriya. Cinq options sont alors proposées, chacune faisant l’objet d’une analyse exhaustive, incluant les aspects de réseaux et de flottes ainsi que les estimations financières et une évaluation comparative. C’est la cinquième option qui a été entérinée vendredi à N’Djamena grâce à un ultime consensus. “Nous avons mis par-dessus tout le sens de l’intérêt général qui tient compte aussi des intérêts de tous les États membres ; personne ne sera donc laissé de côté. Nous sommes condamnés à avancer ensemble”, a confié M. Orozi.
En ouvrant la veille la rencontre, le ministre tchadien de l’Aviation civile et de la Météorologie avait exhorté ses pairs de la sous-région à compléter et mutualiser leurs efforts pour enfin donner naissance à la compagnie communautaire, un projet intégrateur très attendu par les populations de la bande sahélienne qui souffrent de la mauvaise desserte tant aérienne que terrestre de l’espace commun.
« La mise en œuvre du projet Air Sahel est une impérieuse priorité pour notre programme de travail annuel », a conclu le secrétaire permanent du G5 Sahel. La compagnie aérienne commune « bénéficiera notamment de l’excellente visibilité de nos cinq pays et au-delà, démontrera que le G5 Sahel est réellement en train d’œuvrer pour le décollage économique de la sous-région », s’est-il réjoui.
Mariam Konaré