Expulsion de la Guinée de maliens présumés djihadistes : Conakry s’emballe et le HCR est préoccupé

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Le week-end dernier, 26 personnes originaires du Nord du Mali ont été expulsées de la Guinée Conakry  pour cause : la Gendarmerie guinéenne les soupçonnait de conspiration. Cette accusation intervient au moment où  se prépare une intervention militaire internationale pour réunifier le Mali.  C’est dire que la crise au Mali n’a pas encore fini de dévoiler  toutes ses facettes.

Le président Alpha Condé

Les autorités du pays d’Alpha Condé ont décidé d’expulser de leur sol 26 Maliens qu’elles soupçonnent d’être des djihadistes. Composés de 25 jeunes âgés de 25 à 30 ans et d’un vieil homme, ces ressortissants maliens originaires de la région de Gao ont été remis aux autorités maliennes  le 14 octobre 2012. Si les faits dont on les soupçonne sont avérés, il faut s’en inquiéter, mais aussi s’en réjouir. S’en inquiéter car cela voudrait dire que les djihadistes ont déjà infiltré les villes de la sous-région pour  y  répandre leurs tentacules. S’en réjouir parce que l’opération signifierait que les services de renseignements de la Guinée sont efficaces et que le pays d’Alpha Condé ne tient pas à vivre ce que les Maliens sont en train d’endurer comme souffrance. Dans les années 1990 à  2000, la Guinée avait payé un lourd tribut lors des conflits libériens et sierra-léonais du fait de l’infiltration d’éléments en provenance des zones en guerre. C’est pourquoi le pays n’acceptera pas sur son sol des ressortissants non identifiés en provenance du Nord du Mali. C’est avec cet argument que la Guinée explique l’expulsion ou la reconduite à la frontière de 26 personnes, dont 25 fraîchement arrivées de Gao. Selon la Gendarmerie guinéenne, ces personnes tenaient, tous les vendredis, des réunions nocturnes dans la périphérie de Conakry. Après investigation et infiltration, les forces de sécurité guinéennes ont d’abord procédé, dans un premier temps, à l’audition des Maliens qui aurait révélé qu’un projet de conspiration visant à déstabiliser la Guinée était en cours de préparation.

Après avoir saisi les autorités diplomatiques maliennes en poste à Conakry, la décision de reconduire ces soupçonnés à la frontière a été prise par les autorités guinéennes. Ce que contestent pourtant des responsables de la communauté malienne résidant en Guinée : ils affirment qu’en venant à Conakry, leurs compatriotes n’étaient autres que des hommes en difficulté en quête d’abris, de protection ou à la recherche d’une terre d’asile. Selon toute logique, cette expulsion des Maliens devrait interpeller les autorités maliennes qui traînent les pieds pour la libération du Nord du Mali. Le fait d’accuser ces  Maliens d’islamisme constituera une très mauvaise image pour le pays qui en prendra ainsi un sérieux coup. Si les Maliens en sont conscients, ils devraient donc se débarrasser rapidement de ces islamistes qui dictent leurs lois au Nord afin que le Mali retrouve son statut de pays laïc où les citoyens pratiquent un Islam modéré et tolérant. Nul ne peut nier le fait que le Mali a longtemps été un pays où le savoir coranique s’acquiert dans la paix, sans aucune distinction de race ni de couleur. C’est au Mali que d’éminentes personnalités du monde musulman ont reçu les enseignements et les vertus de l’Islam. Déjà, le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR)  exprime sa préoccupation concernant la procédure d’expulsion de la Guinée des 26 Maliens soupçonnés par les autorités de conspiration. Dans une déclaration en date du vendredi 19 octobre dernier adressée au ministre guinéen des Affaires étrangères François Louncény Fall, le HCR indique qu’il s’agit de commerçants.

« Il nous revient que ces personnes, commerçants de leur état, ont été appréhendées à Conakry et reconduites à la frontière du Mali en raison de leur appartenance supposée au nord du Mali, ethniquement et culturellement », affirme le HCR tout en exprimant sa préoccupation concernant la procédure suivie et laissant entendre qu’il n’y a pas été associé. Mais l’organisation espère que les autorités guinéennes trouveront à l’avenir le moyen de permettre au HCR de s’assurer que les personnes concernées n’expriment aucune crainte de persécution en cas de retour dans leur pays. Selon la Gendarmerie guinéenne, ces Maliens étaient soupçonnés de conspirer pour déstabiliser la Guinée. « Bien que ces personnes n’aient pas formellement indiqué un risque éventuel pour leur sécurité en cas de retour au Mali, dans les circonstances actuelles, le HCR n’est pas en mesure de savoir si les expulsés ont consenti à retourner dans leur pays et n’ont pas exprimé de craintes de persécution », déclare le HCR qui reconnaît cependant qu’en cas de menace,  la Guinée a le droit de prendre les mesures appropriées pour sa sécurité, mais souligne que l’éloignement des personnes indésirables doit être fait dans le respect des procédures légales et ce, même en cas de circonstances graves.

Dans un communiqué, le gouvernement malien regrette ces expulsions tout en indiquant qu’elles ont été effectuées à l’insu des autorités maliennes et de l’Ambassade du Mali à Conakry. Selon le texte, contrairement à certaines allégations, les 26 Maliens expulsés sont de paisibles Maliens établis en Guinée depuis plusieurs décennies, pour certains d’entre eux. Ni la représentation diplomatique du Mali à Conakry (pourtant en contact avec les autorités guinéennes), ni les autorités maliennes n’ont été au préalable averties de leur expulsion, affirme le gouvernement malien. Quel qu’il en soit, notre pays a tout intérêt à se réveiller vite avant que ces djihadistes ne transforment définitivement le Nord en laboratoire indestructible de terrorisme. Le Mali doit donc prendre le mors aux dents et aller en guerre contre le djihadisme. Cela est d’autant plus urgent, que plus la crise perdure, plus elle aura des conséquences fâcheuses pour les Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur. Si des mesures ne sont pas prises à temps, cette nouvelle donne survenue en Guinée pourrait porter un grave préjudice à la mobilité de ses compatriotes à l’étranger. C’est en cela qu’il faut souhaiter que l’opération des autorités guinéennes soit menée dans les règles de l’art et qu’elle soit fondée sur des preuves solides et non sur de simples soupçons. Quand on sait ce que les Maliens de l’étranger apportent à leur pays, il faut craindre que de telles situations ne plongent davantage le pays dans une misère encore plus grande alors qu’il est déjà mal en point.

Jean Pierre James

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6 COMMENTAIRES

  1. kassin, je suis vraiment convaincu de votre commentaire.
    Le mali et la guinée ont une histoire en commun! Tout rentrera dans l’ordre, inchallah, après la crise du nord.
    Merci

  2. Les maliens ne sont pas des talibans.
    Nous sommes à mojorité de confession musulmane comme les guinéens et les guinéens viennent faire le commerce à Gao.
    Des guinéens sont dans les rangs du MUJAO mais le Mali n’a expulcé aucun guinéen.Avant cette affaire de fabriquation Algérienne les maliens n’avaient jamais été assimilés à des terroristes et aujourd’hui encore nous sommes pas terroristes.
    Seuls les algériens sont des terroristes.

  3. LE PRESIDENT LASSANA CONDE VEUT SPOLIER L’ARMEE MALIENNE DE SES MATERIELS ACQUIS.
    POURQUOI?
    PARCE QUE IL YA BIEN UN LITIGE ENTRE LE MALI ET LA GUINEE DANS UN NOMBRE DE VILLAGES.
    DES GUINEENS OCCUPENT ILLEGALEMENT DES TERRES MALIENNES.
    LASANA CONDE SAIT TRES QU’EN RENDANT CES ARMES AU MALI ILS SERONT CHASSES DE CES TERRES APPARTENANT AUX MALIENS.
    L’EXPULSION DES 26 MALIENS N’ETAIT AUTRE QUE DE LA PROVOCATION. L’OBJECTIF DE CETTE EXPULSION ETAIT D’OBTENIR UNE REACTION NEGATIVE DES AUTORITES DE LA TRANSITION MALIENNE ET PROFITER DE CETTE SITUATION DE CONFLIT POUR CONFISQUER DEFINITIVEMENT CES ARMES.
    ENCORE UNE FOIS MERCI DIONCOUDA TRAORE POUR TON SANG FROID ET TON INTELLIGENCE.

  4. Les Crises en cascade, l’insécurité, les réflexes sécuritaires en Afrique occidentale et les maliens de Guinée:
    Pourquoi la Guinée a raison.

    26 maliens accusés de “conspiration” ont été expulsés de la Guinée Conakry par les autorités de ce pays plus que frère pour le Mali, une première dans les relations millénaires des deux peuples.

    L’incompréhension et l’indignation qui ont accompagné cette décision inédite guinéenne nous invitent à plus de questionnement et d’analyse sur cette situation qui, au delà des réflexes sécuritaires, pose le problème de l’africanité et de ses limites.

    Il est vrai que Niani, en territoire de l’actuelle Guinée Conakry, est considéré par beaucoup d’historiens comme étant la capitale de l’Empire du Mali déjà au treizième siècle de l’ère chrétienne.

    Il est vrai que beaucoup d’écoliers maliens ont appris, ce paysage historique, quand ils préparaient leur Certificat d’Etudes Primaires, CEP, que voici:
    “… Naquit vers 1835 à Miniambaladougou, près de Kankan, grand chef militaire, il conquit l’empire du Wassolo…”

    Ceux qui ont fréquenté les écoles fondamentales maliennes, auront compris que je parle de l’Almamy Samory Touré, grande figure de la résistance africaine à la pénétration française en Afrique, ancêtre de Sékou Touré, lui-même, l’âme de la Guinée Conakry qui préférait “la liberté dans la pauvreté, à l’esclavage dans l’opulence” devant le Général De Gaulle en 1958 à Conakry.

    Bref, le “Mandjou” de Salif Keïta (l’artiste le plus célèbre de la chanson malienne) avait une même vision politique, économique et sociale africaine que Modibo Keita, père fondateur du Mali actuel avec Mamadou Konaté, descendant de Soundiata Keïta, lui même fondateur de l’empire du Mali avec capitale comme Niani sur le territoire de l’actuelle Guinée.

    Modibo Keïta comme Soundiata Keïta, est un pur manding, comme beaucoup de manding guinéens et gambiens et malin est celui qui pourra différencier trois manding de ces trois pays.

    Malin est celui qui pourra me dire le nombre de Guinéens qui vivent actuellement et seulement à Djikoroni et à Sébénikoro, deux quartiers ouest de Bamako.

    Normal, car nous sommes le même peuple, la preuve, la célèbre bataille du Woyowayanko entre Samory et les troupes de la pénétration française a eu lieu à la lisière de Sébenikoro et de Djikoroni et non dans la Guinée Forestière, tout un symbole.

    Aussi palpables et évidentes que sont l’histoire et la géographie de nos deux pays, le Mali et la Guinée doivent se construire sur la vérité et le respect du droit et des deux républiques.

    Aucun peuple aussi grandiose soit il ne peut continuer à nier la vérité et s’aventurer, perpétuellement, dans le déni du droit et des règles du fonctionnement établies dans la société pour espérer un développement harmonieux voire sa survie et sa pérennité.

    Aussi unique soient-ils, les peuples guinéens et maliens forment aujourd’hui deux états différents qui ont chacun leurs propres règles de fonctionnement dont les citoyens et les étrangers résidents respectifs des deux pays doivent respecter pour la quiétude et la sécurité de tous.

    Aussi longtemps qu’un malien réside en Guinée, il ne deviendra pas un guinéen si jamais il ne prend pas la citoyenneté de la Guinée du point de vu du droit positif et vice versa.

    Même étant malien en Guinée, on ne doit pas s’offrir le luxe de semer le doute d’un certain danger sécuritaire de par ses agissements quels qu’ils soient par ces temps qui courent.

    Les maliens de l’extérieur doivent, dans ces moments difficiles pour notre pays, faire preuve de beaucoup d’intelligence et de retenue, pour ne pas embarrasser les autorités de leurs pays hôtes surtout s’ils sont emprunts à l’amalgame de part leur origine ou leur apparence ethnique.

    La Guinée sort à peine d’une grave crise politique et sociale et elle n’a pas le droit de laisser prospérer les germes d’une instabilité supplémentaire quels qu’ils soient.

    La crise sécuritaire malienne actuelle, est en large partie attribuée aux politiques successives de laxisme et de l’irresponsabilité des autorités maliennes.

    Si la Guinée voisine et souveraine décide de ne pas être laxiste et irresponsable, devant des situations de doute non dissipé, nous devrons le comprendre, même si sa décision sort quelque peu du cadre historique des relations entre les deux pays.

    La fraternité africaine ne se construira jamais sur du laxisme d’état, mais sur un langage de vérité entre frères africains et le respect des règles de droit établies dans chaque pays africain.

    Qu’on soit à Siguiri, Kankan, Kita ou à Koutiala, cela doit être compris par tous sans que les livres d’histoire ne bougent d’un iota.

  5. Ce viel opposant est devenu un despote un fois au pouvoir: qu’il commence par organiser les legislatives dans son pays. Cela fait un an que les guinéens attendent!!!

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