La vicieuse crise socio-politique qui s’est invitée dans la crise globale au Mali, après un long enlisement, connait une évolution spectaculaire, depuis mardi dernier, avec l’intervention peut-être prévisible mais très surprenante de l’armée à travers son incontournable garnison de Kati. Il s’agit notamment de la même caserne militaire où Capitaine Sanogo et ses hommes avaient pris leurs quartiers, en 2012, suite au coup de force ayant obligé ATT à abandonner Koulouba. Et où le pouvoir d’IBK avait été mis en couveuse par ses connexions militaro-religieuse.
La fin dramatique d’une tragédie
Pendant que tous les regards étaient rivés sur les résultats de la énième stratégie déployée par le M5-RFP, la semaine dernière, c’est une junte militaire conduite par des colonels qui est entrée dans la danse pour dénouer le bras-de-fer tragique que le pouvoir entretien avec le front politico-religieux-associatif né des clivages post-législatifs. Après des arrestations en cascade de généraux et de la poignée de membres du gouvernement restreint, les super-bidasses, en parade irrésistible dans la capitale, atteignent finalement sans encombre le président de la République dont la garde rapprochée subissait la vieille un intrigant remue-menage. Accompagné de son Premier ministre, Boubou Cissé, IBK est conduit manu-militari au même QG de Kati où son pouvoir avait été négocié et concocté, en 2012, auprès d’Amadou Haya Sanogo et compagnie. C’était de là, en effet, qu’était partie la préférence du Cnrdre pour l’ancien PM de Konaré, parmi tant d’autres sérieux prétendants tous éliminés du schéma de cette junte, à coups de menaces et d’humiliants harcèlements pour certains, de supplices et sévices corporels pour d’autres. Le mentor des putschistes de 2012 a-t-il subi huit (8) années plus tard un traitement similaire ? Rien n’est moins sûr, même si le long suspense ayant jalonné l’épisode ne pouvait résulter que de fortes pressions infligées à l’illustre détenu, aux fins d’obtenir de lui qu’il arracher l’ensemble des concessions naguère refusées à ses contestataires du M5-RFP : «J’ai décidé de démissionner de toutes mes fonctions avec les conséquences de droit : la dissolution de l’assemblée nationale et du gouvernement». Le ton grave, les traits tirés et l’air pathétique, le chef Suprême des Armées n’a pas omis d’effleurer les conditions l’ayant contraint à lâcher du lest. Il a laissé entendre, en effet, n’avoir aucune autre alternative face à la volonté d’une armée pour le confort de laquelle rien n’aura été épargné pendant son règne inachevé.
À la lecture des éléments de langage, on en a par ailleurs comme l’impression que ses «geôliers» n’ont pas manqué de mettre dans la balance la portée et la gravité des tueries du 11 juillet dernier. On peut en juger par la précipitation du président démissionnaire pour s’exonérer de toute responsabilité dans la répression sanglante de la désobéissance civile, ainsi que par l’expression d’une compassion pour ses victimes. «…Des victimes que je n’ai jamais souhaitées, chacun dans ce pays le sait», s’est-il défendu, ajoutant par ailleurs, comme pour se justifier, qu’on ne sait jamais ce qui pourrait résulter de la conduite des masses dans la rue.
Coup d’Etat ou parachèvement ?
Retirer de la sorte les prérogatives régaliennes à un président régulièrement installé fait naturellement jaser, au nom d’un certain attachement à la légalité républicaine dans la transmission du pouvoir. Les interprétations et jugements vont ainsi bon train sur la nature et la teneur de l’intervention conduite par le Colonel Hachimi Goïta avec l’onction de la quasi-totalité des composantes de l’armée. Ainsi, pendant que l’interruption du mandat d’IBK est clairement assimilée à un coup d’Etat par la communauté internationale et tous les regards extérieurs, elle est nuancée par des voix intérieures qui y voient pour certains le simple parachèvement d’une oeuvre de déstabilisation d’un pouvoir à bout de souffle. C’est le cas du M5-RFP, dont les acteurs se sont rassemblés trois jours après sur la Place de l’Indépendance, endroit habituel de leurs convergences, pour savourer l’aboutissement de longues semaines de combat pour «la démission d’IBK et de son régime». Une perception partagée par leurs alliés objectifs de la junte désormais désignée par l’acronyme CNSP (Comité National pour le Salut Public). Interrogé par les confrères d’Africable, le Colonel Ismaël Wagué, son porte-parole, a réfuté catégoriquement l’appellation de «coup d’Etat» en lui préférant celle de «changement» pendant que les condamnations de l’extérieur fusent (avec à la clé des sanctions de la Cedeao dans l’air et la suspension de l’aide militaire des USA), quoiqu’elles ne retentissent que sur le bout des lèvres dans les rangs des loyaux partenaires politiques du régime défunt. Mais, quel que soit l’euphémisme, la réalité demeure qu’avec le consentement mitigé de son détenteur, il y a eu interruption de mandat électif et que celle-ci est d’autant contraire à la constitution que le parachèvement des soulèvements populaires ne figure point au nombre des missions régaliennes dévolues à l’armée dans la loi fondamentale en vigueur. Quid des motivations profondes d’une junte ? Par-delà les arguments fondés sur les impairs politiques du pouvoir sortant et l’enlisement de la crise socio-politique, il est fort probable que les implications de la répression de «la désobéissance civile» aient été déterminantes dans le coup d’Etat que ses auteurs rechignent à assumer et qu’il semble avoir perpétré comme à leurs corps défendant. Car c’est la première fois, depuis 1991, qu’une manifestation de rue se solde par une tournure aussi sanglante au Mali avec une vingtaine de morts, une ampleur propre à effrayer quant aux enquêtes en cours pour situer les responsabilités. Elles sont tout logiquement recherchées du côté des donneurs d’ordre, mais il est tout aussi évident que les exécutants appartiennent aux rangs des mêmes forces armées et de sécurité, qui ont probablement préféré la réconciliation avec le camp des victimes par un coup d’Etat à la loyauté à un régime de moins à moins apte à leur offrir la protection contre d’éventuels ennuis judiciaires sur la question.
Un putsch si proche et si loin de 2012
L’absence de terreur et de violence, de scènes de pillage des biens de l’Etat et de vandalisme des édifices publics sont entre autres des traits distinctifs très enviables du CNSP qui, sans en être forcément fréquentable, a le mérite de ne détenir dans ses geôles aucune personnalité autre que les généraux de l’armée mis hors d’état de nuire, les trois premières personnalités de l’Etat ainsi que les membres du gouvernement restreint.
À en juger toutefois par la crainte qu’éprouve ses acteurs d’assumer un acte auquel la Constitution du 12 février confère la teneur de crime imprescriptible, le pronunciamiento du Mardi 18 Août 2020 présente une forte similitude avec celui de la bande à Amadou Haya Sanogo. Laquelle s’était farouchement battue – lors du vote de la loi d’amnistie relative aux événements de Mars-Avril 2012 – pour obtenir des gages de protection judiciaire intemporelle en faisant passer leur agissement pour une simple «mutinerie ayant abouti à la démission du président de la République». L’actuelle junte des colonels se trouve manifestement dans une posture similaire avec une crainte manifeste d’assumer le putsch, une fuite de responsabilité que respirent à la fois les terminologies nuancées et l’extrême prudence vis-à-vis de certaines mesures propres aux coups d’Etat classiques : pas de suspension de la constitution, ni d’acte fondateur du Comité National pour le Salut Public, entre autre. Le CNSP s’affiche par ailleurs en usurpateur, certes, de prérogatives régaliennes indues lorsqu’il décrète un couvre-feu, une fermeture des frontières ou renvoie avec autorité les secrétaires généraux de département ministériel à leurs tâches, mais, à la différence du Cnrdre, aucun acte de nominations administratives n’émane pour l’heure de Hassimi Goïta et de ses hommes, intervenus néanmoins dans un contexte où l’armée n’est guère moins irréprochable que le politique, au regard de ses prestations peu enviables sur les fronts du Nord et du Centre. Toutefois, contrairement à 2012 où la responsabilité des pertes essuyées était imputée à toute la haute hiérarchie militaire, ce sont des officiers supérieurs qui en veulent à d’autres officiers supérieurs pour une situation n’ayant guère évolué depuis 6 ans que le secteur de la défense est arrosé de milliards du contribuable.
Et les politiques en sont certes pour quelque chose, mais pas au point d’être tous frappés par le même bâton, aux yeux d’une junte dont le penchant pour le camp des contestataires du régime est à peine voilé.
Qui pour tirer parti du crime ?
Ainsi, les appels du pied et démarches périphériques en direction de la junte se multiplient et sont si harassants que Kati a dû donner de la voix en demandant que cessent les influences extérieures et tentatives de récupération. Celles-ci pourraient provenir d’opportunistes mais aussi des rangs du mouvement anti-IBK où les positionnements et autres chocs d’ambitions ne peuvent que gagner en ampleur avec la vacance du fauteuil présidentiel et l’apparition de nouveaux faiseurs de rois. Qui de ceux qui se bousculent aux portillons de Kati et de l’imam désintéressé sera dans leurs bonnes grâces ? En tout cas, la bataille pour succéder au président déchu fait plus rage que la hâte d’affronter les écueils ayant précipité sa chute ou de juguler l’avalanche de malaises où s’est incrustée la crise socio-politique : problèmes du Nord et du Centre, lutte contre le terrorisme, ébullition du front social, applicabilité de l’Accord issu du processus d’Alger, etc.
Quoi qu’il en soit, la transmission du pouvoir est au cœur des hantises et risque de passer par les mêmes canaux et connexions militaro-religieux qu’en 2012 : d’un côté une junte préoccupée par les assurances d’une protection contre d’éventuelles poursuites imprescriptibles, de l’autre l’autorité morale du M5 mieux écoutée que les politiques.
Ainsi réapparaissent au-devant de la scène les mêmes entités ayant jadis transformé mosquées et casernes militaires en QG de campagne pour l’avènement d’IBK et rien n’indique que la boucle de l’histoire se ferme définitivement après l’épisode en cours.
A KEÏTA
IBK est un français, il a la nationalité même Macron ne peut pas l’empêcher de rentrer en France,
C’est la loi et la loi est au dessus de Macron
Vu le manque de vision de la junte pour le Mali J ai peur que ça ne soit pas les memes.
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