Du CNRDRE au gouvernement Cheick M. Diarra :La restauration d’abord, le Nord ensuite peut-être

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Un soldat monte la garde devant l'entrée du 33e régiment de parachutistes dans le camp de Djicoroni à Bamako le 2 mai 2012. AFP

Arrestations arbitraires, terreur sur les citoyens, confiscation de fait des libertés individuelles et collectives, justice à multiples vitesses, régime policier quand il ne s’agit pas tout simplement  de non droit, etc. L’énumération est loin d’être exhaustive des abus qui s’installent comme à demeure dans le Mali d’après ATT. Le redressement – vocable au détour et au nom duquel le processus électoral de 2012 a connu un brusque coup d’arrêt – est en passe (si ce n’est déjà effectif) de prendre les proportions d’un véritable pied-de-nez à la démocratie acquise de haute lutte et qui aura fait la gloire du pays deux décennies durant. Du coup, la restauration se hisse au rang de priorité, les missions patriotiques de défense de l’intégrité territoriale deviennent accessoires et sont reléguées au second plan. Au grand dam des millions de citoyens impuissants et désemparés, de centaines de  milliers  de personnes ayant emboîté le pas à l’armée malienne dans sa débandade devant la progression des assaillants.

 

CNRDRE-Gouvernement Cheick Modibo Diarra. Les éléments du duo ont visiblement en partage une aspiration naturelle à la restauration. Il s’agit d’une restauration au propre comme au figuré que le premier a ouvertement affichée à travers sa dénomination et dont le second n’est que le résultat d’une concrétisation, voire un simple instrument. Le moins averti des observateurs n’est en effet pas assez dupe pour ne pas s’apercevoir que la formation du gouvernement intérimaire – de la nomination de sa tête jusqu’à la composition du corps – procède d’une démarche vengeresse et résurrectionnelle sur fond de réhabilitation de l’ancien régime monopartite, vingt (20) années après sa déchéance par l’irrésistible vent des soulèvements populaires.

En atteste, pour ce qui est de la forme, l’apparition sur la scène publique de personnalités connues pour leur attachement inconditionnel aux anciens dignitaires : à commencer par le Premier Ministre jadis pressenti comme le candidat des héritiers de l’UDPM et en terminant par l’actuel patron de l’Hôtel des Finances, Tiénan Coulibaly, auquel nulle autre figure ne saurait disputer la nostalgie ainsi que l’incarnation de l’ordre ancien balayé par le Mouvement démocratique de 1991.

Installé dans ses missions régaliennes avec un style qui rappelle pour le moins la verticalité des décisions sous l’ancien ordre dictatorial – sans la moindre concertation étroite soit-elle avec les forces représentatives -, le nouveau gouvernement n’éprouve depuis lors aucune gêne à faire ménage avec certaines pratiques révolues et qui jurent avec les valeurs et normes élémentaires d’un Etat de droit démocratique. Comme au bon vieux temps de GMT, l’arbitraire, le diktat et la terreur ont droit de cité sans qu’aucune voix officielle n’ose lui refuser sa caution tacite. Les détentions injustifiées sont ainsi devenues la règle dans un pays qui a pourtant connu de glorieuses et enviables avancées en matière d’exceptionnalité des privations de liberté. Le CNRDRE, main anonyme d’un gouvernement factice, en a fait son instrument de répression et de terreur contre tout ce qui a respiré dans un sens opposé à l’acte perpétré le 22 Mars 2012,contre le processus démocratique et électoral au Mali. Du coup, toutes les composantes de la nation qui se sont singularisées par un refus de la confiscation du pouvoir par la voie des armes sont subitement devenues des potentats, des ennemis du peuple et de la nation, des malfrats trafiquants ou détenteurs de toutes sortes de produits illicites.

La signature de l’accord-cadre a certes quelque peu atténué les ardeurs liberticides de la junte – laquelle a consenti à la libération de nombreuses personnalités détenues selon cette règle triviale, mais les cerbères de la terreur et de l’arbitraire ont repris du service aussitôt après le sommet de la CEDEAO à Abidjan où la durée de la transition a été fixée par les chefs d’Etat de la sous-région. Et les abus de gagner considérablement en ampleur depuis les affrontements entre corps de l’armée, événements qui servent de plus en plus d’alibis plus ou moins sérieux pour des opérations irrégulières de perquisitions de domiciles privés, conclues dans la plupart des cas par des arrestations dénigrantes et humiliantes pour les personnalités ciblées. Les intéressés, le plus souvent, sont stigmatisés (très probablement à dessein) devant leur plus proche voisinage, aux yeux desquels ils apparaissent avec l’embarrassante étiquette de potentiels détenteurs d’armes, d’instigateurs de contrecoup ou d’importateurs de mercenaires. Toutes ces persécutions ont par ailleurs la particularité d’être spécifiquement orientées vers ceux qui ont refusé toute allégeance aux putschistes du 22 Mars et qui ont eu l’audace d’afficher  une préférence à l’ordre constitutionnel, plutôt qu’à une transition aux ordres des bottes. La terreur ciblait au départ de potentiels prétendants au pouvoir triés sur le volet, mais depuis , elle se répand au nom d’un instinct naturel de conservation de l’outil de restauration qu’est devenu le CNRDRE. La généralisation des harcèlements donne d’ailleurs des idées à des zélateurs isolés, dont le chantage et le racket présentent la junte militaire sous les traits d’un gang, ni plus ni moins.

En plus de faire un pied-de-nez à la démocratie malienne – à travers ce brusque retour aux anciennes pratiques abusives -, la tendance à la restauration a révélé son paroxysme, la semaine dernière, à l’occasion de la rencontre entre le nouveau ministre en charge de l’Administration des élections et la classe politique malienne. Pour cette toute première sortie, qui a essentiellement consisté en un étalage narcissique du background du Colonel Moussa Sinko Coulibaly, il nous revient que les partis politiques ont été clairement édifiés des intentions du nouveau gouvernement de remettre en  cause le multipartisme intégral, cet autre acquis de la lutte démocratique du 26 Mars 1991.

Le hic c’est que les chances de recouvrer la souveraineté territoriale font plus les frais de ce spectacle burlesque. Il a cours dans la capitale malienne pendant que les deux-tiers du territoire demeurent sous le joug d’occupants de tout acabit, depuis le coup d’Etat 22 Mars, et qu’aucune stratégie de reconquête n’est encore l’objet d’une quelconque élaboration du côté de ceux qui détiennent la réalité du pouvoir. L’arsenal d’armements devant servir pour ce faire est plutôt mis à profit pour effrayer et dissuader les paisibles citoyens,  soit dilapidé dans des affrontements entre corps d’une armée dont les effectifs s’amenuisent au rythme des macabres règlements de compte internes. Pendant ce temps Alqaïda et MNLA rivalisent en renforcement de leurs rangs respectifs, avec notamment la convergence massive d’activistes en provenance du Sahel et d’Afrique du Nord, qui trouvent dans le septentrion malien un sanctuaire inespéré pour leurs futurs desseins. Quant aux populations déplacées, ainsi que celles prises en otage et coupées du reste du pays, elles sont condamnées à se tourner le pouce dans de vaines expectative, réduites à la mendicité et ne doivent désormais leur survivance qu’à cette mansuétude nationale et internationale appelée solidarité. Tout simplement parce que la restauration doit précéder toute mesure de récupération du territoire, afin que les forces salutaires de la CEDEAO ne puissent constituer une puissance d’interposition entre la junte et les pouvoirs politiques dépossédés de leur consistance au non des desseins inavoués du CNRDRE.

A.Keïta

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2 COMMENTAIRES

  1. Je pense que M. Keita parle pour occuper les pages pages vierges de son journal. sinon, M. Keita vous dites rien de concret, ni de palpable. Tout ce vous dites on l’a vécu pendant les autres regimes.

    M. Konaré n’a pas fait mieux que Gal Moussa.
    M. ATT n’a pas non plus fait mieux que ces prédecesseurs.
    Les successeurs de M. Keita n’ont pas fait plus que lui.
    De 91 à nos jours voit l’école. Qui va construire le Mali si la relève n’est pas formée.

    Depuis 91 le Mali va de médiocrité en médiocrité.
    Vous les hommes de la presse, vous êtes destructeurs par vos pages qui ne font que diviser les citoyens. Vous êtes la plus part des irrespectueux dans vos propos.

    Laisse chacun faire son travail.

  2. C’est seulement au Mali qu’on choisi un grand scientifique comme Cheick Modibo Diarra a un tel poste pour constuire un pays tombe si bas. C’est du gaspillage. Ca place est ailleur. A ce poste, ses connaissances vont s’atrophier alors qu’on a besoin de lui pour transmettre ces belles connaissances aux jeunes. Un grand scientifique qui s’interesse a la politique contribue a son “self destruction.” Ce n’est jamais son champ d’intervention.
    En dehors de tout cela, je doute fort de la bonne volonte de CMD a se battre pour les interets superieurs du Mali. J’ai bien peur qu’il ne soit a la solde de son beau pere + le CNRDRE et consorts. Le temps nous en dira plus. Mais pour le moment, rassurez vous qu’il ne pourra rien de mieux que les grands politiciens. A chacun sa place. Domage que ces politiciens aussi placent leurs interets au dessus de ceux du peuple!

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