Le juge Karambé, chargé de l’affaire des militaires disparus, a fait preuve d’un grand courage en convoquant le général Amadou Haya Sanogo. Mais la question est de savoir s’il aura totalement les mains libres pour engager des poursuites contre l’auteur du coup d’Etat de mars 2012, soupçonné d’avoir joué un rôle primordial dans la disparition de plus d’une vingtaine de soldats. Par ailleurs, il n’est pas certain que le chef de l’ex-junte obéisse à la justice de son pays. Cependant, les organisations de défense des droits de l’homme, précisement Human Rights Watch, restent inflexibles sur le cas de Sanogo. Il doit être traduit en justice. Et du coup : l’ex-chef de la junte se retrouve coincé entre le marteau de la justice malienne et l’enclume l’enclume de la justice internationale.
Dans un communiqué rendu public le premier novembre, Human Rights Watch appelle les autorités maliennes à prendre d’urgence des mesures pour assurer la sécurité de ce juge et d’autres membres de la profession judiciaire impliqués dans les enquêtes sur ces affaires, ainsi que des témoins, et aussi pour garantir les droits des accusés.
Le juge en question a pris la décision d’engager des poursuites contre trois membres des forces de sécurité et de délivrer des mandats d’amener contre 17 autres pour interrogatoire, pour leur rôle présumé dans des affaires de disparitions forcées. Les trois suspects, un capitaine de gendarmerie et deux militaires de rang subalterne, ont été arrêtés les 23 et 30 octobre 2013. Ils ont été accusés de complicité d’enlèvement de personnes dans le cadre de l’enquête sur les disparitions forcées en 2012 d’au moins 20 militaires.
Le 31 octobre, le juge a émis des mandats d’amener à l’encontre de 17 autres militaires pour leur rôle dans le même crime, dont le général Amadou Haya Sanogo, qui était à la tête du coup d’État de mars 2012, époque où il avait le grade de capitaine. «Le travail courageux des autorités maliennes qui enquêtent sur cette importante affaire constitue un progrès marquant et encourageant pour la justice au Mali», a déclaré Corinne Dufka, chercheuse senior sur l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch.
On se demande si le président IBK qui a été soutenu par le général Sanogo livrera ce dernier à la justice malgré la gravité des crimes qui lui sont reprochés. Très recemment, le 30 septembre dernier, d’anciens collaborateurs du général Sanogo s’étaient mutinés dans le camp de Kati. Plusieurs militaires impliquéS dans cette mutinérie sont portés disparus, mais certains ont été retrouvés sans vie dans les environs de la ville garnison.
Ce qui est reproché à Sanogo
Au petit matin du 2 mai 2012, des militaires qui avaient participé au coup d’État de mars contre le président de l’époque, Amadou Toumani Touré, ont fait disparaitre au moins 20 autres soldats qu’ils avaient arrêtés pour leur implication présumée dans une tentative de contre-coup d’État le 30 avril 2012. La plupart des militaires disparus faisaient partie d’une unité d’élite de commandos parachutistes. Les autorités de l’époque n’ont pas reconnu détenir ces hommes et n’ont pas non plus fourni d’informations sur leur sort, et il est à craindre qu’ils soient morts. De nombreux autres militaires qui avaient été arrêtés en même temps qu’eux ont subi des tortures et des traitements inhumains lors de leur détention.
Human Rights Watch a interrogé 32 personnes, dont 10 victimes et 13 membres de familles de victimes, au sujet des disparitions forcées et des tortures. Des témoins ont affirmé à Human Rights Watch que des tortures et d’autres exactions avaient été commises par des membres des services de sécurité pro-Sanogo. Les 20 militaires « disparus» ont été vus vivants pour la dernière fois le 2 mai au camp militaire de Kati, et qui servait à l’époque de quartier général à Sanogo et à ses fidèles.
Les actes de torture documentés par Human Rights Watch et par d’autres organisations nationales et internationales ont été commis pendant plusieurs semaines en mai 2012. Des victimes ont affirmé avoir été menottés et ligotés, frappés à coups de matraques, de bâtons et de crosses de fusil, et roués de coups de pied dans le dos, à la tête, dans les côtes, dans les parties génitales et ailleurs. D’autres ont dit avoir reçu des coups de couteau aux extrémités et des brûlures de cigarettes et de briquets sur le dos, les mains, les bras et les oreilles.
Les militaires disparus ont été vus au camp de Kati par plusieurs témoins, dont l’un a affirmé avoir vu des soldats faire monter les détenus dans un camion de l’armée. « Ils leur ont ligoté les mains et les jambes, les ont fait monter dans un camion, leur ont bandé les yeux et les ont emmenés. » Un autre témoin a remis à Human Rights Watch une liste manuscrite des détenus aperçus au camp et qui ont disparu depuis lors. La mère d’un soldat disparu a raconté que son fils avait eu accès à un téléphone portable et lui avait dit que les militaires discutaient entre eux pour décider s’ils allaient le tuer ou non.
Soumaïla T. Diarra
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