Des hommes armés sèment la terreur au nord-Mali : 700 mineurs chassés de Taoudénit

1

De mystérieux hommes armés auraient débarqué à Taoudénit, une localité coupée du monde dans le grand nord, intimant aux mineurs l’ordre d’évacuer les carrières de sel.

 

rebellesTaoudénit est une localité du nord du Mali située à peu près à 750 km au nord de Tombouctou et dans la partie sud du désert algéro-malien du Tanezrouft, la partie méridionale du Sahara. Ce n’est pas une ville à proprement parler, et actuellement ne subsistent que les ruines de l’ancien bagne abandonné il y a quelques années.

 

 

Environ 700 mineurs artisanaux originaires de la région de Tombouctou ont été sommés de quitter les lieux par des hommes armés inconnus. L’on rapporte que depuis jeudi dernier, par camions entiers ou en voiture, ils ont commencé d’affluer à Tombouctou et dans les communes rurales qui entourent la ville.

 

 

Un ultimatum de 72 heures leur avait été donné pour quitter les lieux il y a une dizaine de jours aurait été prolongé. Malheureusement, la panique s’emparant des mineurs, personne ne veut risquer sa vie. Un a notamment raconté qu’il y avait plusieurs hommes armés à bord d’une voiture mais affirme ne savoir qui ils sont, encore moins pourquoi ils leur ont demandé de partir.

 

 

Ces hommes armés n’ont pas été identifié, mais dans la surenchère qui entoure les négociations de paix il faut s’attendre qu’il s’agisse d’un enjeu politique. Des témoins affirment que parmi les envahisseurs certains parlaient arabe, d’autres arabe et tamashek.

Le suspect idéal serait le terrorisme, même si le véhicule décrit par les pauvres mineurs n’arborait pas le drapeau noir des djihadistes d’Aqmi.  Les rebelles touaregs du Mnla et les combattants du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) ont intérêt à ce genre d’agissements, au moment où les négociations de paix buttent toujours contre les ambitions territorialistes de la minorité touareg.

 

 

 

Comme un air d’apartheid

Toute fois, le Mnla a annoncé que ce ne sont pas leurs combattants, mais à sa charge peut rappeler les camions chargés de populations noires invitées à quitter la ville de Kidal. Même son de cloche du côté du MAA qui dit ne pas être irraisonnable pour s’attaquer à des ressortissants du bercail : Taoudéni.

 

 

La localité de Taoudéni est, depuis des siècles, le site d’une importante exploitation des mines de sel gemme. C’est à cet endroit que l’on confectionne les fameuses plaques de sel qui sont encore vendues au sud du pays, jusque sur les marchés de la région de Mopti.

A l’époque du commerce transsaharien, ce sel était transporté dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, par des caravanes de dromadaires. Ces caravanes ainsi que les expéditions qu’elles forment sont appelées Azalaï en langue tamasheq.

 

 

Les caravanes sont formées d’une centaine ou plus de dromadaires, menées par le chef de clan. Les mineurs peuvent voyager avec l’Azalaï à condition de se débrouiller seuls. Les caravaniers se déplacent uniquement grâce au vent, aux dunes et aux étoiles et parcourent environ 40 km par journée d’environ 10 h de marche.

 

 

Il  est difficile de dénombrer les travailleurs exploitant le sel affleurant dans cette zone composée d’anciens fonds marins. La plupart d’entre eux travaillent pour rembourser des dettes contractées auprès des caravanes, le labeur allant de quelques mois à plusieurs années malgré des conditions de travail épouvantables.

 

 

En attendant le pétrole

Certains mineurs restent sur place et exploitent la mine pour nourrir leur famille, tout en étant obligés de passer par les Azalaï pour vendre le sel.  Les conditions de vie des mineurs sont particulièrement éprouvantes dans cet environnement hostile. Ils sont entièrement dépendants des caravanes auxquelles ils troquent nourriture, eau, combustible contre du sel (un litre d’huile pour trois plaques de sel par exemple, alors qu’un mineur doit extraire au moins 12 plaques par jour pour rembourser ses dettes).

 

 

Les mineurs travaillent sans équipement de protection, souvent pieds nus, avec des outils rudimentaires identiques à ceux employés depuis des siècles. L’appétit vorace des groupes armés en ajoute à leur malheur sur la terre de leurs ancêtres.

 

 

De récentes prospections ont mis en évidence des gisements pétroliers. Il s’agit probablement des mêmes gisements que ceux découverts en Mauritanie, non loin de la zone de Taoudéni. Des permis de prospection et d’exploitation ont été délivrés. Un réaménagement des pistes de ce qui reste de l’aéroport était à l’étude avant le coup d’Etat pour permettre le développement de cette activité.

 

 

En s’attaquant à de pauvres mineurs noirs du Sahara malien, ces assaillants ont planté un couteau dans le cœur d’un mode de vie presque sacré: l’Azalaï. C’est aussi porter atteinte à une économie de survie qui a résisté à tous les bouleversements historiques.

 

 

Soumaïla T. Diarra

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

  1. Dans le droit international, ce genre de conditions de travail a un nom: il s’agit de l’esclavage pour dettes. Et tout est calculé pour que le travailleur, l’esclave, ne rembourse jamais sa dette.

Comments are closed.