ll n’est pas aisé de parler de la grande muette. Malgré les nouvelles dispositions prises depuis l’avènement de la démocratie dans notre pays, notamment la création de la Direction des informations et des relations publiques (Dirpa) qui ne ménage aucun effort pour emmener les journalistes à mesurer l’enjeu de l’information concernant l’armée.
Il ne s’agira pas à travers les colonnes de L’Observateur faire comme un journal qui, à l’époque, avait jeté la pierre dans le jardin de la hiérarchie militaire. C’était pendant les premières années de l’avènement de la démocratie et au chaud moment de la rébellion touareg.
Avec le recule et face à la réalité qui prévaut dans les cantonnements, un constat s’impose, avant d’alerter les décideurs et l’opinion nationale sur les insuffisances de l’armée malienne.
A la faveur des évènements du 23 mai 2006 et de la signature de l’Accord d’Alger, une vive discussion opposa votre fidèle serviteur à un confrère de la place. Le confrère avait mis en doute la capacité réelle de notre armée à neutraliser le Colonel Fagaga et sa bande. C’est là où il situait justement l’explication du refus du président de la République, chef suprême des armées, à lancer les troupes aux trousses de cette poignée de Touareg égarés. Cette explication et le manque de confiance de notre confrère avaient heurté notre fibre patriotique. Alors, nous avons étalé tous les hauts faits de notre vaillante armée sur les théâtres d’opération nationale et internationale. Le doute de notre confrère a aussi fait défiler sous nos yeux toute la puissance de feu de l’armée malienne, longtemps redoutée dans la sous région. Mais, toujours avec le recul, par rapport à ce que nous avons entendu, vu et constaté, nous nous interrogeons à juste titre sur sa capacité réelle. Le récent don au département de la Défense, en début octobre dernier, portant essentiellement sur des véhicules de luxe pour le commandement en dit long. C’est dire que le commandement militaire beigne dans l’opulence. Alors que le matériel roulant de l’armée et l’équipement militaire, semi lourd et lourd, en l’occurrence les véhicules de transport des troupes, les véhicules de combat, les chars d’assaut et d’artillerie datent pour certains des années de l’indépendance. Si des manœuvres étaient organisées régulièrement, tous les Maliens s’en rendraient compte.
D’origine russe, pour la majeure partie, l’essentiel de l’équipement de l’armée malienne vieilli. Les avions de combat, tel les Mig ne font pas exception. D’ailleurs, à l’armée de l’air on a annoncé depuis longtemps un hélicoptère, indispensable pour contrôler le vaste territoire du nord dont les velléités pourraient aller grandissantes avec l’exploitation probable du pétrole.
«Qui veut la paix, prépare la guerre», dit le stratège. Au cours des différents défilés et des prises d’armes, dans les garnisons, pendant les fêtes nationales, il suffit d’être un observateur attentif pour se rendre compte de l’obsolescence de l’équipement de notre armée. Nous l’avons ici la prétention de dire tout haut ce que certains militaires nous disent tout bas.
Pas plus tard que deux semaines, la presse internationale montrait la nouvelle armada du Burkina Faso. C’était en présence des chefs d’Etat-major de la Cedeao réunis à Ouagadougou pour discuter sur la paix et la sécurité dans la sous-région. C’est un signal fort du Burkina en direction des voisins belliqueux.
Même, la Côte d’Ivoire s’est lourdement équipée suite à la crise qu’elle connaît depuis 2002. Pourquoi le Mali ne renouvelle pas son armada ?
Le moyen le plus sûr pour prévenir la guerre, c’est d’être persuasif. La sagesse bambara dit : «Si la pluie vous voit dans une veille hutte, elle ne cessera jamais de tomber» («Ni san ye môgô ye togo kolon kônô, a tè tikè abada»).
Arrêter de séduire la hiérarchie et de dorloter les troupes ! Une armée, c’est le sacrifice de soi. Si l’Etat malien est en passe de résoudre le problème d’effectif de qualité reconnue de tous, il doit préparer dès maintenant la troupe, psychologiquement et moralement. Afin qu’elle soit en mesure d’accomplir sa mission première, la défense de l’intégrité territoriale. Sinon on risque de voir des scènes comme que promet un sous-officier qui dit : «Quand la guerre va éclater, je creuse un trou dans lequel je mets mes cartouches. Je me cache quelque part en attendant l’accalmie ». Mais pourquoi nous lui avons demandé ? « Parce que ceux qui ont été blessés au cours des précédentes guerres se prennent eux-mêmes en charge aujourd’hui». C’est loin d’être une blague. C’est état d’âme, un signe déterminant dans ce qu’est ce jour le moral de la troupe.
L’armée est devenue un refuge pour des milliers de jeune désemparés. Dans les rangs, des éléments violent tous les jours leur serment. Et ce malgré tous les avantages accordés depuis l’avènement du Mali démocratique, (loi de programmation militaire, grille spéciale de salaires, etc). Il y a certes lieu de préserver ces acquis. Car, comme l’a si bien dit le président Alpha Omar Konaré, «on ne peut pas bâtir une démocratie avec une armée frustrée».
L’armée dans son essence n’est pas un lieu où on vient faire fortune. C’est malheureusement le cas aujourd’hui. Ce qui ne rassure nullement le citoyen. Alors, procédons tranquillement au réarmement matériel et moral de notre armée, gage de la quiétude nationale.
Drissa SANGARE“