Coup d’Etat du 22 mars : Le CNRDRE confronté à l’hostilité de la classe politique et de plusieurs associations de la société civile

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Six jours après le coup d’arrêt qu’il a porté à la démocratie, le nouvel homme   fort du Mali, le capitaine Amadou Aya Sanogo continue  d’essuyer les tirs croisés des principaux partis politiques et des associations les plus représentatives de la société civile. Tous ont, sans ambages, condamné le coup d’Etat perpétré le 22 mars par des soldats mutins regroupés depuis au sein du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE). Même si, de l’autre côté, le parti Sadi de Dr Oumar Mariko et certains partis lilliputiens ont constitué le MP22 (Mouvement populaire du 22 mars) pour soutenir les nouveaux tenants du pouvoir. C’est dire que le CNDRE devra faire face maintenant au principal défi qui est celui de sa propre existence voire de sa propre survie dans un environnement où il est de plus en plus contesté. 

 

La mutinerie, le 21 mars dernier, d’une partie des troupes appartenant à la garnison militaire de Kati, a abouti à un coup d’Etat quand les militaires qui avaient conduit cette opération ont annoncé à 4h50 le lendemain à la télévision nationale la dissolution du gouvernement, la suspension de la Constitution et de toutes les institutions de la République. Six jours après ce coup de force contre les institutions républicaines, les nouveaux tenants du pouvoir dans notre pays ont multiplié les interventions à la télévision nationale qu’ils ont occupée dès les premières heures de la mutinerie. D’après un communiqué signé du président du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE, nouvelle instance dirigeante), le capitaine Amadou Sanogo, le but de la junte est de lutter contre les bandits armés et de ramener la paix au nord du pays. Ce n’est qu’après cette mission menée à terme que le CNRDRE compte organiser des élections pour le retour à une vie constitutionnelle normale. C’est dire que le CNRDRE n’envisage pas de s’éterniser au pouvoir.

Face à cette irruption des militaires au plus haut niveau de l’Etat, la classe politique malienne s’est mobilisée, à travers différentes déclarations, pour exiger « le retour à l’ordre constitutionnel ». C’est ainsi que dix formations politiques (ADEMA, URD, PDES, UDD, UFDP, MPR, PSP, PDJ, PDP et MDD) ont, dans une déclaration datée du 23 mars, condamné « fermement ce coup de force qui constitue un recul grave pour notre démocratie »  et ont exigé «  le retour a une vie constitutionnelle normale ».  Ces partis politiques avaient dans la même déclaration fait le constat « qu’un coup d’Etat militaire vient de s’opérer, empêchant du coup l’aboutissement normal du processus démocratique par lequel le peuple du Mali devrait choisir librement ses nouveaux responsables a la tête de l’Etat ».  De ce fait, ils ont demandé « que le rétablissement de la paix dans le nord du pays et l’organisation d’élections libres et transparentes soient les deux priorités de l’heure » et appelé  « l’ensemble de la classe politique et toutes les forces vives de la Nation a s’unir pour la réalisation de ces objectifs ».  Ecœurés par les pillages et arrestations, les partis susmentionnés ont également exigé « l’arrêt immédiat des pillages et des exactions, et demandent la libération immédiate de toutes les personnalités civiles et militaires ».

Quant au RPM, troisième force à l’assemblée nationale qui a été dissoute par la junte, son président et candidat à la présidentielle qui était prévue le 29 avril prochain, l’honorable Ibrahim Boubacar Kéïta a réuni la presse le vendredi 23 mars dans sa résidence de Sébénicoro pour faire une déclaration sur la situation. Dans cette déclaration, le président du parti des tisserands a dit comprendre « le désarroi et la colère des soldats. Mais l’armée doit, en toute circonstance, garantir l’ordre constitutionnel…Par conséquent, il a demandé à la junte « l’arrêt immédiat de toute violence, de tout tir, de toute arrestation et de tout acte de vandalisme…de libérer dans les meilleures conditions les personnalités arrêtées ».  IBK d’ajouter « je veux le dire aujourd’hui avec force et solennité : je condamne ce coup d’Etat avec la plus grande fermeté ».

Selon Ibrahim Boubacar Kéïta « ce coup de force ternit l’honneur du Mali et entache gravement l’image de notre pays, jusqu’ici considéré comme un exemple en Afrique ».

Le candidat de l’URD à l’élection présidentielle, Soumaïla Cissé, depuis un endroit gardé secret où il se trouve, a fait publier un communiqué dans lequel il a condamné « de la façon la plus ferme et la plus énergique ce coup d’Etat qui remet en cause l’ensemble de nos acquis démocratiques et isole totalement le Mali de la marche du monde…Je demande la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées et exige un retour à l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais ».

Quant au président de l’assemblée nationale et candidat de l’ADEMA-PASJ à l’élection présidentielle, Dioncounda Traoré (le coup d’Etat l’a trouvé en mission au Burkina Faso où il visitait les camps des réfugiés maliens selon certaines sources), il  a lui-aussi condamné le coup d’Etat.

Le PARENA de Tiéblé Dramé dit comprendre « les raisons de la légitime colère et de la frustration des forces armées et de sécurité qui auraient dû et qui doivent être mises dans toutes les conditions matérielles et morales pour s’acquitter de leur mission sacrée de défense du territoire et le la sécurité de la nation ». Pour le PARENA « ce coup d’Etat n’est pas justifiable, d’autant qu’il survient à la veille d’échéances électorales qui auraient permis l’élection d’un nouveau président de la République…C’est pourquoi le PARENA n’accepte pas ce coup d’Etat et le condamne ».

Au titre de la société civile, la Coordination des Associations et Groupements des Commerçants Détaillants du Mali a condamné « avec la dernière rigueur les actes de vandalisme, la destruction des boutiques, des magasins, des édifices, des stations d’essence, des containers, des équipements marchands, des saisies illégales de véhicules privés, etc…Compte tenu de la situation qui prévaut, la Coordination demande l’arrêt des exactions et des actes arbitraires contre les biens publics et privés et  un retour rapide à l’ordre constitutionnel ». L’Association pour le progrès et la défense des droits des Femmes (APDF), a condamné le coup d’Etat avec plusieurs autres mouvements et associations qui étaient d’ailleurs en conclave à la Bourse du travail les vendredi et samedi derniers avec la classe politique en vue de dégager une plateforme unique de retour à l’ordre constitutionnel normal à remettre aux nouveaux tenants du pouvoir.

Quant au CNID, son président Me Mountaga Tall a été reçu par le président du CNRDRE. Ce qui sous-entend une forme de reconnaissance et peut-être d’allégeance. En tout cas, cette formation politique a été curieusement absente du concert des condamnations et réprobations de la classe politiques qui ont accueilli le coup d’Etat du CNRDRE.

Contrairement aux autres acteurs de la classe politique, le parti SADI de Dr Oumar Mariko n’a pas caché sa satisfaction à la suite de la déposition du régime d’Amadou Toumani Touré de qui une haine réciproque le séparait. Sous l’instigation du leader de la SADI, il a été mis sur les fonts baptismaux une coalition de partis sous le vocable de Mouvement populaire MP22. Une rencontre a eu lieu hier au siège de la SADI en vue de proposer un plan d’action.

Le président du CNRDRE, le capitaine Amadou Aya Sanogo a reçu également le président du Haut conseil islamique (HCI), El Hadj Mahmoud Dicko et les représentants des Eglises catholique et protestante. Dans leurs vœux en décembre 2012 à l’ex-président de la République, les leaders religieux avaient touché du doigt les plaies béantes qui minent le pays, à savoir la guerre au nord et l’éternelle crise du système éducatif. Des leaders des principaux partis politiques tels l’ADEMA, l’URD, le RPM, YELEMA, la CODEM…ont été reçus à Kati au Quartier Général du CNRDRE. Tout cela prouve une sorte d’ouverture des militaires aux propositions qui lui leur sont faites dans le cadre d’un retour à l’ordre constitutionnel. Face à l’hostilité de la classe politique et de la société civile, les militaires auront du mal à asseoir leur pouvoir.

 

Mamadou FOFANA 

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