A la tribune du Conseil de sécurité des Nations Unies, le ministre des Affaires étrangères a souligné les efforts consentis par le gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix. Toutefois, Abdoulaye Diop convient du retard accusé dans le processus.
Alors que le Mali est sous le choc d’un attentat suicide qui a fait au moins 60 morts dans un camp à Gao, le Conseil de sécurité des Nations unies se réunissait, mercredi 18 janvier 2017, à New York, pour l’examen du rapport trimestriel du Secrétaire général de l’ONU sur la situation du pays. A cet exercice, a pris part une délégation malienne, conduite par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine, Abdoulaye Diop. Ce fut l’occasion pour le chef de la diplomatie malienne de revenir sur les nombreux efforts consentis par le gouvernement malien dans le processus de mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger. Abdoulaye Diop a aussi souligné la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de certaines dispositions importantes de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.
Complexe
A la tribune du Conseil de sécurité de l’ONU, le ministre Diop a d’abord adressé des mots aimables au tout nouveau Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, « pour sa vision des Nations Unies et pour son engagement renouvelé à accompagner le processus de paix en cours au Mali ». Lequel processus de paix reste très complexe et jalonné d’obstacles, selon Abdoulaye Diop. Il en a ainsi voulu pour preuve l’attentat suicide qui a endeuillé la nation malienne le mercredi 18 janvier 2017, faisant au moins 60 morts et plusieurs dizaines de blessés dans le camp du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC). Et le diplomate malien de rassurer que ces attaques de sabotage du processus de paix ne vont nullement distraire le Gouvernement qui, dit-il, reste déterminé à honorer ses engagements au titre de l’Accord.
Impatience
Parlant du rapport du Secrétaire général de l’ONU, Abdoulaye Diop s’est félicité du fait que le document reconnaît les progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord. « Le Gouvernement du Mali est également d’avis que le rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national demeure un défi important à relever, afin de mettre un terme au vide sécuritaire et à l’absence de l’administration, conditions essentielles pour fournir les services sociaux de base aux populations maliennes dans le besoin », a souligné l’orateur. Ce facteur, greffé à la dégradation de la situation sécuritaire au Nord et au Centre du pays, constitue, dit-il, une entrave majeure à la mise en œuvre diligente de l’Accord. Cette situation devrait interpeller toutes les parties impliquées dans le processus, y compris la communauté internationale, a estimé le M. Diop. Si l’on croit le ministre des Affaires étrangères, le gouvernement malien est conscient de l’impatience des partenaires du Mali quant au retard pris dans la mise en œuvre de certaines dispositions pertinentes de l’Accord. Il a tout de même tenu à souligner les efforts consentis par les autorités maliennes, notamment au cours des trois mois écoulés, pour faire avancer le processus de paix. Il s’agit du déclenchement du processus de révision constitutionnelle, la nomination des membres des autorités intérimaires, la tenue des élections communales, l’opérationnalisation de la Commission vérité, justice et réconciliation, l’élaboration d’une stratégie spécifique de développement des régions du Nord, entre autres. Sur le plan sécuritaire, Abdoulaye Diop a déploré le retard accusé dans l’opérationnalisation du processus des patrouilles mixtes à cause des exigences multiples formulées par les autres parties prenantes à l’Accord de paix, en particulier les demandes relatives à l’adoption d’un décret reconnaissant les grades des éléments proposés pour les patrouilles mixtes avant même le démarrage de ces opérations. A ces difficultés, s’ajoutent la fragmentation des groupes armés signataires, multipliant ainsi les interlocuteurs et rendant l’application de l’Accord plus complexe, avec des effets indus sur les échéances convenues. Partant, il a lancé un appel pressant aux autres parties maliennes pour plus d’engagement et de bonne foi, avant d’inviter la communauté internationale et le Comité de suivi de la mise en œuvre de l’Accord à exercer leur rôle de garant du respect des engagements pris par les parties en situant les responsabilités et ce, conformément aux dispositions de l’article 54 de l’Accord.
Moyens adéquats
La résolution 2295 du 29 juin 2016 n’a pas échappé à l’analyse du ministre Abdoulaye Diop. Selon lui, les innovations qu’elle apporte tardent à se matérialiser sur le terrain. C’est pourquoi, il a demandé au Conseil de sécurité de doter la Minusma de moyens adéquats, lui permettant de s’acquitter convenablement de son mandat de stabilisation et d’accompagnement du Gouvernement du Mali à rétablir progressivement l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national. « En particulier, j’attire l’attention du Conseil de sécurité sur l’urgence de renforcer la coopération sur le terrain entre la Minusma et les forces de défense et de sécurité du Mali », a insisté le chef de la diplomatie malienne. Avant de souligner la nécessité d’accélérer le processus de cantonnement et du DDR qui reste, estime-t-il, la condition sine qua non de la stabilisation du Mali.
Inquiétante
Abdoulaye Diop n’a pas manqué d’évoquer Kidal, dont la situation inquièterait le gouvernement. Car, a-t-il expliqué, les groupes terroristes tentent de s’y sanctuariser et commettent des exactions sur les populations civiles et mènent leurs activités illicites liées à l’économie criminelle. « La présence des groupes armés et terroristes dans cette région constitue un frein à l’acheminement normal de l’aide humanitaire et à la fourniture des services sociaux de base », a-t-il déploré. Le ministre Diop a ainsi invité la communauté internationale à « exercer la pression nécessaire sur les autres parties maliennes, en particulier la CMA afin d’honorer ses engagements découlant de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali».
Amélioration
Le ministre malien des Affaires étrangères a par ailleurs noté que sur la période allant de septembre à décembre 2016, le rapport du Secrétaire général fait état de 104 cas de violations et d’abus en matière des droits de l’Homme. Cela fait, dit-il, apparaitre une diminution des cas de violations et d’abus, comparativement au rapport précédent, donc une amélioration sensible de la situation des droits de l’Homme au Mali. Il a ensuite fait remarquer que la grande majorité des cas sont l’œuvre des groupes armés ou terroristes et sont commis dans des zones où les services judiciaire et d’enquête sont absents du fait de l’insécurité. Si la division des droits de l’Homme de la Minusma a imputé une dizaine de cas de violation des droits humains aux autorités maliennes, Abdoulaye Diop a rappelé que tous les cas documentés ont fait l’objet d’une prise en charge judiciaire soit par l’ouverture d’une enquête soit par des poursuites judiciaires effectives. Avant de rassurer : « aucune impunité ne saurait être réservée à quiconque. Et dans le souci de toujours améliorer la situation des droits de l’Homme, le Gouvernement a adopté en novembre 2016 une politique nationale ambitieuse sur les droits de l’Homme, assortie d’un plan d’action ainsi qu’une loi de protection des défenseurs des droits de l’Homme ».
Bakary SOGODOGO