Au delà de l’aspect festif du cinquantenaire de nos forces armées et de sécurité, une analyse du parcours de l’homme malien de tous les temps met en exergue un héroïsme sans précédent de leur part. Chose que le suprême des armées n’a pas manqué de souligner dans son discours à la nation de la veille du 20 janvier 2011.
Face aux dérapages de certains de nos jeunes recrues, la commémoration du cinquantenaire de notre armée doit être un cadre d’immersion dans l’histoire héroïque du mali précolonial, colonial et postcolonial. Allant dans ce sens, le chef de l’Etat Amadou Toumani Touré n’a pas manqué de le rappeler et de fort belle manière. « Les hauts faits d’armes de nos héros de la résistance restent encore méconnus des Maliens eux-mêmes et surtout des tous jeunes, d’où la nécessité d’inscrire durablement dans notre mémoire collective des pages tant glorieuses que douloureuses de notre Histoire ». A-t-il souligné lors de son discours à la nation. Pour rectifier le tir en notre manière, nous avons initié un large tour d’horizon sur les trois temps de l’histoire de notre pays. A tout point de vue, ils affichent des hommes héroïques les uns après les autres.
La période précoloniale
A la lecture du parcours de nos ancêtres d’avant la pénétration coloniale, on se rend compte que notre bravoure et notre héroïsme, qui ont tendance à s’effriter de nos jours, ne sont pas usurpés. Parmi tant d’exemples, nous pouvons citer entre autre : l’empire du Ghana de Kaya Makan Cissé, le royaume Sosso de Soumangourou Kanté et l’empire du Mali de Soundjata Keita, l’empire Songhoï de Sonny Ali Ber et Askia Mohamed, le royaume Bambara des Coulibaly et Diarra, du royaume du Macina et Toucouleur de El Hadj Oumar Tall.
La résistance à la pénétration
Malgré l’inégalité des forces en présence, la résistance contre la pénétration coloniale au Soudan français a été l’une des plus meurtrières d’Afrique. Pour cause, nos ancêtres ont chèrement vendu leur peau avant d’être spolié de leur terre. Préférant la mort à la honte, ils ont parfois forcé l’admiration de leurs ennemies.
Sabouciré en 1878, Kita en 1881, Bamako en 1883, Ségou en 1890, Nioro en 1891, Tombouctou en 1894, Sikasso en 1898, Gao en 1899 sont des dates charnières qui ont vu les forteresses de nos ancêtres tombées les unes après les autres, à partir du Sénégal vers l’Est. Cette conquête d’un territoire divisé en plusieurs royaumes s’est opérée essentiellement par la force. Parmi nos résistants emblématiques, nous avons Niamodi Sissoko du Royaume Kassonké de Logo Sabouciré, Samory Touré de l’empire du Ouassoulou, qui a résisté longtemps avant d’être arrêté et déporté au Gabon où il mourût en 1900. A ceux-ci s’ajoute le plus connu des résistants Ba bemba Traoré du royaume du Kénédougou. Farouchement opposé à la visée expansionniste des français sur Sikasso, il s’est donné la mort après une résistance sans pareil dans la sous région après sa célèbre phrase, « plutôt la mort que la honte ».
En reconnaissance de cette héroïsme, le Lieutenant-Colonel Baratier dans son ouvrage A travers l’Afrique, et dans le chapitre intitulé l’Honneur des Noirs, écrit ceci, je cite :
le monde les ignore. Personne ne connaît ni Ouéssédougou, ni Dosséguéla, ni Djenné. On sourit fréquemment en France de l’emphase avec laquelle les journaux parlent des combats coloniaux ; bien souvent j’ai moi-même haussé les épaules en voyant qualifier de batailles des rencontres où nous avons subi des pertes insignifiantes, où parfois nous n’avions eu que des blessés.
Pareille critique ne peut s’adresser au Soudan. On s’y battait et on y mourait en silence pour éviter d’émouvoir l’opinion et de provoquer un mouvement qui eût entravé l’œuvre dont on ne devait comprendre l’importance que plus tard.
Jamais conquête ne fit moins de bruit ; jamais peut-être nous ne nous sommes trouvés en présence d’une résistance plus opiniâtre ; nulle part nous n’avons sacrifié tant de vies.
Dans une lutte en rase campagne, la supériorité des armes et de la tactique suffit à mettre un ennemi en fuite ; lorsqu’il s’agit d’un village fermé, si primitives que soient ses fortifications, il n’y a qu’un moyen de vaincre : l’assaut, la brèche emportée, puis la guerre de rues, le corps à corps dans l’intérieur des cases, la lutte sans merci.
Ces combats, on ne les compte pas au Soudan, et cependant tout ne citer que ces noms.
S’ils méritent d’être retenus, ce n’est pas seulement pour la glorification des vainqueurs, c’est encore pour l’honneur des vaincus. Nous avons eu en face de nous des adversaires héroïques, et j’écris ce mot sans craindre les sourires sceptiques : des hommes qui se défendent jusqu’à la mort sont des héros ; des hommes qui savent mourir comme les chefs de ces trois villages ont un honneur à la hauteur du nôtre. Fin de citation. Chose que le président de la République Amadou Toumani Touré a fait allusion dans son adresse à la nation.
La période coloniale et postcoloniale
En dépit de la domination coloniale, certains de nos pères et grands pères ont émergé sur tous les plans. Parmi ces figures nous avons entre autres, Fily Dabo Sissoko, Mamadou Konaté, Jean Marie Koné, Mahamane Haïdara, Hamadoun Dicko, etc, sans compter nos tirailleurs sénégalais.
Concernant la période postcoloniale, la plus part des acteurs coloniaux qui sont aussi les pères de notre indépendance ont tenu les reines de notre pays.
Sur le plan militaire, l’arrivée de nos hommes qui étaient sous le drapeau de la métropole avait aussi des héros en plus des jeunes recrues pour les besoins de la cause. Au nombre de ces icônes de notre armée, nous avons entre autres : le général Abdoulaye Soumaré, Kissima Doukara, le chef d’escadron Balla Koné, le capitaine Yoro Diakité, le colonel Youssouf Traoré, le général Kafougouna Koné…
Sans prétendre être exhaustif, ces quelques héros doivent constituer pour notre jeunesse, après un demi-siècle d’indépendance de référence au delà des mots. Car il n’est un secret pour personne que tout avenir sûr doit s’inspirer du passé. C’est à ce seul prix que le cinquantenaire qui a permis de jeter un regard rétrospectif sur le parcours de notre pays, aura son sens.
A bon entendeur salut
Lemzo Diallo