Chronique satirique : Quand l’armée fait de la propagande

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DGA  Dirpa
DGA Dirpa

Au lieu de traquer l’ennemi dans les montagnes du Tighergar, l’armée malienne a une mission plus urgente: servir à l’opinion publique des contes et des légendes. Pour qui nous prend-elle ?

Depuis que les Français sont venus nous sortir des griffes et de la barbe d’Iyad Ag Ghali, l’armée malienne s’est découvert une nouvelle passion: communiquer. Par communication, l’armée entend, bien entendu, bourrer le crâne des journalistes et, par leur intermédiaire, raconter des histoires au bon peuple.

En effet, dès la mi-janvier, l’armée a mis en place un machin qui s’appelle DIRPA (direction de l’information et des relations publiques de l’armée). Deux fois par semaine, deux officiers supérieurs – le lieutenant-colonel Souleymane Maiga, chef de la DIRPA, et son adjoint, le lieutenant-colonel Souleymane Dembélé- se tiennent au micro devant la presse pour, disent-ils, “faire le point de la situation au front”. En fait de point de situation, les deux braves officiers, j’allais dire les deux Souleymane, racontent plutôt des contes et des légendes. On dirait des disciples de Djéli Baba Sissoko ou de Jean de la Fontaine !

Tenez! Il y a trois semaines, ils affirmaient, la main sur le coeur, que l’armée nationale se trouvait déjà à Kidal. Or, comme l’avait noté en son temps votre journal, pas un soldat malien ne se trouvait dans la capitale des Ifoghas: les commandos français avaient nuitamment abandonné nos militaires à Gao pour se rendre, seuls avec les Tchadiens et les Nigériens, à Kidal.

La fois suivante, voyant que tout le monde savait que les Maliens ne se trouvaient point à Kidal, nos compères de la DIRPA corrigent le tir. Cette fois, à les en croire, l’armée malienne se trouvait “en route pour Kidal” (nuance!). Et pour ne pas risquer un nouveau et cinglant démenti des faits, les deux porte-parole de l’armée précisent avec instance: “Les Français sont allés à Kidal par avion; nous, nous y allons par la route et le chemin est très long!”. Comme si, en tant que journalistes, nous pouvions ignorer qu’un avion allait plus vite que les deux pieds !

Bon! La route est longue. Sauf que la semaine dernière encore, nos fameuses troupes “en route pour Kidal” n’y étaient toujours pas arrivées. Or là, il n’y a pas beaucoup d’explications plausibles au retard: même à dos de chameau, on ne met pas deux semaines à parcourir la distance Gao-Kidal, voire la route Bamako -Kidal.Les deux colonels Souleymane ont dû finalement reconnaître la vérité, la vraie vérité que Procès-Verbal a toujours livrée sans maquillage à ses aimables lecteurs: l’armée malienne n’est pas à Kidal, n’en a jamais pris le chemin et ne s’y rendra pas de sitôt!  Aveux circonstanciés des deux Souleymane: “Kidal n’est pas une zone rouge pour l’armée malienne; en accord avec la France, l’armée malienne a renoncé à gêner l’action des forces françaises à Kidal mais nous nous préparons à y faire notre entrée dès que la situation le permettra.”.Ouf ! Comme on respire quand on dit enfin la vérité !

Les deux Souleymane ne manquent pas, en réalité, de patriotisme. Et, tels des prêcheurs, ils conseillent longuement aux journalistes de veiller aux intérêts de la patrie, de taire religieusement les informations embarrassantes pour le pays et de pousser la population à faire confiance à son armée. Avant eux, la DIRPA avait même réuni 50 journalistes à la Maison de la presse pour leur enseigner “la communication en temps de guerre”. Entre autres leçons prodiguées aux malheureux élèves: censurer tout ce qui déplaît à l’armée ou va contre ses intérêts. Juste après cette conférence, le colonel Diaran Koné, ancien chef de la DIRP, a été relevé de ses fonctions parce que la hiérarchie le trouvait un peu trop bavard.

On est tous d’accord qu’il faut aider la patrie, mais chacun doit le faire à son niveau, l’armée en cessant de fuir au premier coup de canon et les journalistes en disant la vérité, rien que la vérité et toute la vérité. Si un journaliste transforme sa tête en caisse à secrets pour faire de la propagande militaire, qui lui fera confiance après la guerre ? Est-ce l’armée qui va faire bouillir la marmite du journaliste qui aura perdu sa crédibilité ?

Autre sujet assez cocasse: les deux Souleymane se plaignent que le nom “opération Serval” donné par la France à son intervention militaire ait éclipsé l’“opération Badenko”, nom que l’armée malienne donne à sa propre intervention. commentaire amusé d’un journaliste en petit comité: “Sans le chat Serval, Iyad Ag Ghali serait déjà à Bamako ! Badenko a montré ses limites à Konna! “.

Tiékorobani

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9 COMMENTAIRES

  1. Haaa!! quand le clash s’invite à la presse les rappeurs trouverons mieux. Honte à Mr le vrais journaliste qui ne sait pas que la DIRPA est un organe de presse au même titre que l’AMAP ou l’ORTM et qui existe depuis des décenies. Mais comment pourrait-il le savoir s’il écrit juste pour que la marmite puisse bouillir cher lui ”est-ce l’armée qui va faire bouillir la marmite du journaliste?”. C’est honteux quand des soit disant journalistes ne savent pas que journalisme rhyme avec morale et déontologie. De grâce ayez du respect pour ce métier combien noble qu’est le journalisme.

  2. “l’« opération Badenko », nom que l’armée malienne donne à sa propre intervention”

    En plus de prendre les maliens pour des incultes, les militaires les prennent pour des “imbéciles”.

    Quelle “opération Badenko”? Ils auraient, toute honte bue, dire plutôt “opération retrait stratégique” ou “opération trouillards”.

      • Honte a toi, renseignes toi pour voir comment une vrai armee (l’armee francaise fonctionne). Heureusement que le Mali a encore des journalistes comme TIEKOROBANI.

  3. Ha ha ha haaa!!! c’est amusant ça! j’apporte tout de même un rectificatif. la DIRPA n’a pas été mise en place à la mi-janvier. cette structure de l’armée existe depuis plus de cinq ans environ. Mais c’est maintenant qu’on voit de plus en plus quelques têtes de ses membres.
    Ils n’ont certainement pas l’habitude de s’adresser à un public large et de composition diverses. Ils croient s’adresser à présent à des militaires qui prennent tout au comptant sans chercher à creuser, surtout si ça vient de la part d’un supérieur hiérarchique.

  4. Tiekorobani, i tè sabali , DEONTOLOGIE oú es tu ????? ces gens ne sont que tes collègues ils te repondront partout pour tout compromis

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