La semaine a été marquée essentiellement par deux faits assez contradictoires : l’annonce de la création d’un corps d’élite chargé de la sécurité des institutions et l’agression sauvage d’un confrère. Un troisième fait est l’arrestation du lieutenant-colonel Abidine Guindo, l’ancien aide de camp du président Amadou Toumani Touré.
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une patrouille de police (photo archive)[/caption]
Ces différents actes sont intervenus au moment même où la Cédéao et le reste de la communauté internationale cherchent les moyens de mettre en place une force internationale d’intervention pour sécuriser les organes de la transition au Mali. Ce à quoi s’oppose le Premier ministre plein de pouvoirs, Cheick Modibo Diarra, qui compte sur mille deux cents élèves gendarmes et élèves policiers, soigneusement répartis entre les institutions, pour assurer la protection des personnalités de la République.
Réunis en sommet, le week-dernier, les chefs d’Etat de l’Union africaine n’abandonnent pas leur idée d’amener sur le sol malien leurs troupes, qui seront chargées de sécuriser les organes de la transition et d’aider l’armée malienne à se réorganiser pour monter au front. Mais à cela, il y a au moins un préalable : la dissolution du Cnrdre, la junte qui a pris le pouvoir par les armes dans la nuit du 21 mars, et qui ne cesse de faire des incursions indésirables sur la scène politique et dans la gestion du pouvoir. Un autre bras-de-fer en perspective entre Cheick Modibo Diarra et la Cédéao d’Alassane Dramane Ouattara qui ne veut pas le sentir.
Mais le chef du gouvernement de la transition est sûr d’avoir l’aval de cette junte, notamment depuis que son porte-parole a déclaré sur les ondes d’une radio internationale que le Mali n’a besoin que d’aide logistique et matérielle pour venir à bout de ses missions dont, essentiellement, la sécurité des organes de la transition et la reconquête des régions du nord. L’officier invite les autorités de la Cédéao à venir à Bamako pour se rendre compte par elles-mêmes que les institutions ne sont nullement menacées.
Pourtant, le 21 mai dernier, alors qu’il y avait en place un ministre chargé de la Sécurité intérieure et de la protection civile et un ministre de la Défense, tous deux hauts officiers, des marcheurs n’ont rencontré aucune opposition sur la route du palais de Koulouba où ils ont fini par tabasser le président de la République censé être la personne la mieux protégée du pays.
Pourtant, de hautes personnalités, depuis le 22 mars, font l’objet d’arrestation, de séquestration, de privation de droits les plus élémentaires, de procédures extra-judiciaires. De saccages de leurs biens privés et de destruction de leurs domiciles. Tout cela est le fait d’hommes portant la cagoule pour ne pas se faire reconnaitre et de kalash pour se faire obéir.
Pourtant, dans la nuit du jeudi 12 juillet, ces mêmes hommes, sinistrement encagoulés et lourdement armés, ont enlevé notre confrère Saouti Haïdara, directeur de la publication de L’Indépendant. Ils l’ont amené dans un endroit loin de toute activité pour pouvoir se donner à cœur joie à leur passion qu’est la torture. Ils n’ont même pas tenu compte de l’âge avancé (62 ans) de leur victime. Le journaliste, en plus de nombreuses blessures, a eu un bras fracturé.
Quant à l’interpellation nocturne d’Abidine Guindo, il n’est même pas sûr qu’elle boucle la boucle des arrestations dont font l’objet les éléments du Régiment des commandos parachutistes, le corps d’élite qui, justement, était chargé de la sécurité des hautes personnalités, en particulier de la garde du président de la République.
Si avec tout cela il y en a qui trouvent à dire que les institutions de la transition ne sont nullement menacées ,c’est qu’ils ont une autre idée de la sécurité. En tout cas de celle des autres, car eux ont des armes pour se protéger, d’ailleurs d’une improbable menace provenant des civils, et pour vivre des ressources de l’Etat.
D’autre part, cet officier qui affirme sans sourciller que les institutions peuvent dormir tranquillement est démenti par leur protégé, Cheick Modibo Diarra, qui annonce la création d’un corps d’élite pour protéger ces mêmes institutions dont chacune connait déjà son quota de «
protecteurs ». De qui se moque-t-on ?
En tout cas une chose est sûre : les journalistes ne bénéficieront d’aucune protection particulière, même pas des fameuses «
gardettes et gendarmettes» du général Amadou Toumani Touré. Or nombreux sont ceux qui désirent les agresser physiquement dans l’exercice de leur fonction, parce que les journalistes les «
emmerdent» dans leurs déviances.
Et rien que pour empêcher un autre 21 mai, les arrestations et détentions arbitraires, le tabassage des journalistes, de véritables forces armées et de sécurité (Fas) sont nécessaires pour restaurer la République démocratique et l’Etat de droit. Que ces Fas proviennent de la Cédéao, de l’Union africaine, de l’Otan ou de l’Onu, qu’importe. L’essentiel est de satisfaire ce besoin crucial de sécurité pour sortir de cette situation savamment entretenue par les esprits malins qui ne veulent pas sortir du cycle de la violence et de la terreur qu’ils ont volontairement instauré.
Cheick Tandina