La semaine passée, le gouvernement malien de transition a dénoncé la violation de son espace aérien par un avion militaire de transport français A400M « Atlas » ayant assuré une liaison entre Abidjan [Côte d’Ivoire] et Gao [Mali], alors qu’il venait de fermer ses frontières en réponse aux sanctions prises à son égard par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest [Cédéao].
Sauf que, comme l’a rappelé le général Laurent Michon, l’actuel commandant de la force française Barkhane, les accords militaires conclus entre Bamako et Paris, en particulier celui du 7 mars 2013 sous forme « d’échange de lettres » entre les deux gouvernements, garantissent une « pleine liberté de circulation sur le territoire et dans l’espace aérien malien des véhicules et des aéronefs, militaires et civils, du personnel du détachement français ainsi que des détachements non français de la force [européenne] Takuba ».
En outre, et s’agissant plus précisément des mouvements d’aéronefs, une part croissante des sorties aériennes de Barkhane se font au profit des Forces armées maliennes [FAMa].
Aussi, la protestation du gouvernement malien de transition pouvait alors être perçue comme un mouvement d’humeur à l’égard de la France, le président Macron ayant approuvé les sanctions de la Cédéao.
Cela étant, et alors que la présence de « formateurs » militaires russes aux côtés des FAMa est de plus en plus visible, les relations entre Bamako et Paris tendent à devenir « explosives ». Et les propos qu’a tenus Choguel Kokalla Maïga, le Premier ministre malien, dans un entretien diffusé le 16 janvier par l’Office de radiodiffusion télévision du Mali [ORTM], risquent bien de mettre le feu aux poudres.
Ainsi, M. Maïga a revisité les faits qui ont conduit à déclencher l’opération française Serval, le 11 janvier 2013. Pour rappel, celle-ci avait été lancée contre les groupes jihadistes qui occupaient le nord du Mali, à la suite d’une demande d’aide adressée la veille par Dioncounda Traoré, alors président du Mali par intérim, à la France et au Conseil de sécurité de l’ONU, au titre de l’article 51 de la charte des Nations unies relatif à la légitime défense.
Jusqu’alors, les relations militaires entre la France et le Mali relevaient d’un simple accord de coopération technique, signé en 1985 et dont le champ d’application se limitaire à la formation des militaires maliens dans les écoles militaires françaises. Aussi était-il insuffisant pour encadrer l’opération Serval.
D’où la signature d’un nouvel accord par échanges de lettres les 7 et 8 mars 2013. Celle-ci a ensuite été suivie par un traité [.pdf] afin de refonder le cadre juridique de la coopéation entre la France et le Mali en matière de défense. Signé le 16 juillet 2014, ce texte a été ratifié deux ans plus tard.
Et, le dernier de ses 26 articles précise que ce traité est « conclu pour une durée de cinq ans » et qu’il est « renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de cinq ans, à moins que l’une des Parties notifie à l’autre son intention de mettre un au
traité six mois avant son expiration ».
Lors de son entretien à l’ORTM, M. Maïga a surtout évoqué la lettre envoyée par M. Traoré pour demander l’aide de la France. Et d’assurer qu’ »aucune copie n’existe ni à la présidence, ni au ministère des Affaires étrangères », l’original étant en France. « Quant on a eu besoin récemment, c’est sur le site du Sénat Français qu’on l’a trouvé. Parce que nous voulions relire les Accords, qu’il estime « déséquilibrés » car ils font « de nous un État qui ne peut même pas survoler son territoire sans l’autorisation de la France ».
En réalité, et même si la force aérienne malienne est faible, il s’agit d’éviter un incident entre ses aéronefs et ceux de Barkhane dans une région donnée. C’est ce que l’on appelle un « accord de déconfliction ».
Se référant toujours à la lettre du « 11 janvier 2013 » [qui a donc été envoyée la veille], M. Maïga a assuré qu’elle indiquait « clairement » un « appui aérien et en renseignement » qu’elle ne prévoyait « pas des militaires français sur notre terre ». Et d’ajouter : « Ils ont amené 4000 militaires français […]. Ils ont fait venir d’autres Africains, ils ont fait venir la MINUSMA, interdit à l’armée malienne d’accéder à une partie de son territoire, alors qu’ils proclament que c’est pour recouvrer l’intégrité du territoire. Donc, il y a un discours apaisant, lénifiant, en attendant le réveil brutal et la réalité ».
Aussi, a conclu M. Maïga, le gouvernement « a décidé que nous n’allons plus demander d’autorisation à qui que ce soit pour survoler notre territoire. Et à moins de 7 mois de la rectification de la transition, nous avons les moyens de survoler et aller partout sur notre territoire sans autorisation ».
Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a confirmé à Wassim Nasr, de France24, la volonté de Bamako de revoir les accords de défense conclu avec Paris. « Le Mali a demandé la révision du Traité en matière de défense qui le lie à la France. Les amendements ont été formellement soumis », a-t-il dit. « Certaines dispositions violent la souveraineté du Mali et notre Constitution. Par exemple, l’Etat Malien ne peut survoler certaines parties de notre propre territoire. Le gouvernement a cessé d’observer cette disposition », a-t-il ajouté.
Pour le moment, les autorités françaises n’ont pas encore réagi aux propos de M. Maïga et à cette demande de « révision » des accords de défense liant la France au Mali. Sans doute que les « Voeux aux Armées » seront l’occasion pour le président Macron de faire une mise au point.
PAR opex360.com