Alors que le débat mémoriel ne cesse de susciter des discussions à Bamako, la question de la restitution des restes des bérets rouges entreposés au Centre Hospitalier Gabriel Touré ne semble pas préoccuper pour le moment les responsables maliens.
Aucune procédure n’a été engagée par le gouvernement malien avec la famille des victimes pour l’organisation des funérailles. L’Hôpital Gabriel Touré affirme n’avoir reçu aucune demande officielle.
Le CHU est favorable à la restitution des restes des bérets rouges nommément identifiée. Pour que la demande soit recevable, elle doit être entreprise soit par l’État, soit par les ayants droit, prémunis d’une décision judiciaire. À ce jour, toutefois, le CHU Gabriel Touré n’a reçu aucune demande émanant du gouvernement malien.
Pourtant, le procureur a affirmé, dans une réponse à une question écrite qui lui a été adressée par les parents des victimes, que l’affaire «est au cœur des discussions avec le Centre Mérieux». Lors des assises dernières, la justice avait déjà confirmé l’incompétence du FBI à réaliser l’expertise médico-légale des ADN, mais sans en expliquer la teneur. Également, il avait précisé que le ministère public œuvrera en collaboration avec le Centre Mérieux pour la réalisation d’un « dossier optimal» d’’expertise médico-légale portant sur cet assassinat des bérets rouges.
De son côté, l’Association des Parents Épouses des Militaires Bérets Rouge Assassinés (APEMBRA) a dénoncé en décembre dernier, le manque de coopération et d’assistance des autorités maliennes, à l’endroit de la famille des victimes. Mais aussi le manque de volonté de la justice de dire le droit. Rien que le droit. Une demande officielle doit permettre la reprise de la procédure judiciaire qui normalement était prévue pour ce mois de mars, trois mois après les assises de Sikasso. Au ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, motus et bouche cousue sur d’éventuelles démarches engagées avec le ministère public.
Les hommes politiques sollicités
En attendant, un engagement ferme des autorités maliennes, l’APEMBRA, initiatrice d’une pétition pour la restitution des restes des 21 bérets rouges assassinés, a décidé de contacter les politiques. Dans ses allégations, l’APEMBRA espère que les politiques soient «sensibles» à sa demande. «Nous parents des bérets rouges disparus, souhaitons, que vous mettiez votre poids politique dans la balance pour faire avancer cette exigence de justice. Tout le monde connaît vos poids au Mali et votre attachement à la manifestation de la vérité dans cette affaire d’assassinat de 21 bérets rouges », soutient l’APEMBRA. Et de conclure: «Maintenir ces ‘‘trophées’’ dans les caves de la morgue du Gabriel Touré, tout en sachant la charge symbolique que représentent ces 21 bérets rouges assassinés aux yeux de leurs familles, ce serait d’une certaine manière prolonger le dénie de justice. Comment ne pas évoquer le caractère barbare et inhumains de la manière dont ces 21 bérets rouges ont été assassinés ?»
L’APEMBRA, déplore la sourde oreille des hommes politiques. «Des hommes politiques, nous ont donné un RDV qu’il ont reporté plusieurs fois, et puis silence radio», s’indigne les parents des bérets rouges. Tout en plaidant : «Soutenir les appels des familles des bérets rouges disparus à faire le deuil de leurs épouses, pour leur donner une sépulture digne comme ça se doit, contribue à sortir de l’oubli l’une des pages sombres de l’histoire du Mali, celles dont l’effacement participe, aujourd’hui, aux dérives et à la division qui gangrènent l’armée malienne».
Entreposés dans des coffres, les restes des soldats disparus, des crânes secs pour la plupart, appartiennent à la compagnie des bérets rouges, dit l’APEMBRA. Et le mérite de la découverte de ces restes dans un charnier à Diago, à une quinzaine de kilomètre de Kati, revient au juge d’instruction, Yaya Karembé, qui a alerté sur l’existence de restes. Dans son dossier, il a appelé le ministère public à ouvrir un procès pour la manifestation de la vérité sur ces restes mortuaires. Pour le moment, c’est sans résultat. Malgré la promesse du Procureur général, l’État malien ne serait pas décidé à ouvrir, pour une seconde fois, la boîte de pandores.
Est-ce un motif d’éventuel abandon du dossier ? En tous cas, à travers ses déclarations, l’APEMBRA a estimé qu’«il est préférable que les crânes soient remis à leur famille pour servir la mémoire du 33ème bataillon des commandos paras». Certains parents expliquent les atermoiements du ministère public sur ce dossier par le contexte politique dans le pays : insécurité quotidienne.
En attendant, la restitution des restes des Bérets rouges conservés au CHU Gabriel Touré est une affaire de sans-papiers de l’au-delà.
Cyrille Coulibaly