Pillages des édifices publics, soldats incontrôlés tirant en l’air, des biens privés spoliés par des militaires, populations terrées chez elles, manque criard de carburant, notamment l’essence. Voilà la triste image qu’offrait notre capitale le jour du coup d’Etat et jours suivants. Rarement au Mali, on a vu des militaires s’adonner à de tels actes de vandalisme sur des biens publics et privés.
Tout a commencé à Kati le mercredi 21 mars quand des militaires, mécontents de l’arrestation d’un adjudant-major par la Sécurité d’Etat, ont voulu marcher en signe de protestation. Ayant eu écho de cette situation, le ministre de la Défense et des anciens combattants, le Général Sadio Gassama, se rend au Camp Soundjata Kéïta de Kati pour les calmer. Malheureusement, les choses ne se passent pas comme prévu car le ton monte vite entre le ministre de tutelle et ses jeunes interlocuteurs. Le Général Gassama, en homme averti, avait renforcé sa garde personnelle en étoffant son effectif. D’après des témoins, un d’eux aurait dégainé et tiré sur la gâchette, blessant une pauvre femme. En réaction, le ministre de la Défense est pris en otage pendant au moins 45 mn et ne recouvra la liberté qu’après l’intervention du Commandant de zone, un homme très écouté et très respecté. Les soldats profitent donc de cette anarchie et ce désordre pour ouvrir le magasin des armements et munitions. Chaque militaire présent en a été doté. Au même moment, ATT présidait le traditionnel Conseil des ministres où il a été informé. De nombreux coups de fil sont passés mais le Conseil n’a pas été interrompu. La situation de Kati qui inquiète la hiérarchie militaire et la garde présidentielle, exige du renfort en commandos-para. Instruction leur a été donnée pour aller contrer les soldats de Kati qui étaient en route pour Koulouba. Mal leur en prit car, en plus de la supériorité numérique et en armement, les soldats de la ville garnison étaient plus déterminés. Conséquences, les bérets rouges rebroussent chemin. Ce qui ouvre la voie à leurs adversaires qui arrivent à Bamako, prennent le contrôle de l’ORTM qu’ils réduisent au silence. C’est ainsi que l’assaut a été donné contre Koulouba où le personnel avait été évacué depuis la mi-journée. L’étau se resserrant sur le palais, une exfiltration du président ATT est envisagée mais, lui tient plutôt à ce que les membres de sa famille soient mis en sécurité. Après plusieurs tiraillements, à l’insu de tous, ATT est exfiltré par des éléments de sa garde rapprochée. Son épouse Lobbo Traoré, leurs deux filles accompagnées de leurs enfants et quelques personnes sont exfiltrés. Quelques commandos-paras tentent de résister. En vain. Le palais présidentiel est sous le contrôle des militaires de Kati. Tout le peuple malien retient son souffle et attend dans l’expectative. L’ORTM qui avait suspendu son programme le reprend soudainement avec une annonce selon laquelle une «déclaration des militaires» serait bientôt diffusée. Les Maliens et même le monde entier attendent de savoir. Vers 5 heures du matin, la nouvelle d’un coup d’Etat que beaucoup de gens redoutaient tombent comme un couperet. D’après le communiqué lu à la télé, «le régime incompétent et désavoué de M. Amadou Toumani Touré est renversé. La Constitution est suspendue, toutes les institutions sont suspendues… ». Les militaires, dirigés par le jeune capitaine Amadou Aya Sanogo, ont pris le pouvoir. Leur objectif majeur est de doter l’armée nationale en moyens nécessaires pour faire face à la rébellion touareg qui sévit au Nord Mali depuis le 17 janvier 2012.
Des actes de pillage sans précédent
Les premiers actes de vandalisme ont été constatés le jeudi 22 mars vers 3 h du matin au niveau de la Cité administrative où plusieurs bureaux ont été pillés par des militaires, la plupart ceux qui en assuraient la sécurité, et quelques civils. Des téléviseurs écran plat, des mobiliers de bureau et même des pièces de rechange des véhicules ont été emportés. Toujours au niveau de la Cité administrative, vers 5 h du matin, des badauds et petits bandits essayaient désespérément de “venir tenter leur chance”. Ils en ont été empêchés par des militaires qui ont constitué, eux-mêmes, l’écrasante majorité de ceux qui ont réussi à piller l’édifice flambant neuf.
Le pillage qui a commencé de bonheur s’est poursuivi toute la journée et le cas le plus spectaculaire a été le saccage et le pillage des installations de la douane à Faladiè. Aussi triste et inconcevable que cela puisse apparaitre, là également ce sont les militaires qui étaient en tête. D’ailleurs, ils n’ont permis à personne de les “aider” à vider les magasins. Les innombrables badauds et autres voleurs des alentours de l’auto gare de Sogoniko qui ont accouru pour participer à la “fête” ont tous vite désenchanté. En effet, ils été tenus loin en respect par des porteurs d’uniformes qui ne voulaient pas de “corps étrangers” à leur “festin”. Qui sur sa moto, qui à bord de véhicules, réquisitionnés pour la plupart, chacun a emporté ce qui était à sa portée. C’est ainsi qu’on a vu des véhicules remplis de téléviseurs, de motos, d’autres de cartons dont on n’a pas pu identifier le contenu. Parmi ces véhicules, on a réussi à relever le N° d’immatriculation de ce Sotrama Y 2905 MD, rempli comme un œuf d’objets volés à la douane et convoyé sous bonne escorte militaire en direction du centre ville.
Au même moment, les éléments qui assuraient la sécurité du Centre de détention pour femmes et mineurs de Bolé, ne pouvant pas aller participer au pillage de la douane, s’en sont pris aux biens du Centre. C’est ainsi qu’on a vu ces gardes remettre un petit frigo congélateur à deux jeunes en civil qui l’ont transporté sur une moto au vu et au su de tous les passants. Sans scrupule.
Vers 17 h de ce même jeudi 22 mars, à la recherche de carburant, des militaires à bord d’une quinzaine de véhicules, sont venus vider les réservoirs des camions-citernes de la Compagnie Ben and Co garés non loin de la Cour d’appel de Bamako à Banankabougou. Après ces camions-citernes, ils sont allés se servir à la station Somayaf située en face du stade du 26 mars. Gratuitement s’il vous plait. Ce comportement a contraint les vendeurs de carburant à fermer leurs services. Conséquences: le carburant, notamment l’essence est devenue rare. Le litre sur le marché noir coûte 1500, voire 2000 FCFA. C’est pourquoi, l’activité économique tourne au ralenti.
La nuit, vers 21 h, trois militaires, ivres morts, débarquent dans un hôtel à la recherche de boissons alcoolisées. Ils n’en trouvent pas. Pour se donner une autre raison, ils obligent le gérant à ouvrir les chambres au motif qu’ils vérifient si d’anciens dignitaires ne se seraient pas réfugier dans son établissement. RAS. En sortant, ils croisent un journaliste étranger qui est venu dans le cadre de la précampagne. Son seul tort aura été de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. Les trois militaires, en vrais brigands, lui retirent tous ses biens, y compris argent et son ordinateur portable qui représentait “tout” pour lui.
Le vendredi 23 mars, des actes de pillage des biens des particuliers ont été signalés dans quelques quartiers. L’Adéma et l’URD semblent avoir été les grandes victimes de ces actes de vandalisme sur des biens privés. En effet, aux premières heures du coup d’Etat, c’est le domicile du fondateur et candidat de l’URD à la présidentielle du 29 avril prochain, Soumaïla Cissé, qui a été mis à sac par des militaires. Quelques heures après, c’est au tour du siège de l’Adéma de recevoir la visité des soldats, à la recherche, disent-ils, de documents compromettants.
Plusieurs personnalités arrêtées
Comme lors des précédents coups d’Etat, beaucoup de personnalités civiles et militaires ont été mises aux arrêts. Parmi elles, on note le Premier ministre Cissé Mariam Kaïdama Sidibé, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, les Généraux Kafougouna Koné et Sadio Gassama, respectivement ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales et de la Défense et des anciens combattants, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Soumeylou Boubèye Maiga, le ministre de la Culture, Hamane Niang, la ministre de la Santé Madeleine Ba, le ministre de la Communication, porte parole du gouvernement Sidiki Nfa Konaté, les ministres de l’artisanat et du tourisme, Mohamed El Moctar et celui de la Fonction publique, Abdoul Wahab Berthé.
Le président du Conseil économique, social et culturel, Jeamille Bittar, le président du Haut conseil des collectivités territoriales, Oumarou Ag Mohamed Ibrahim, le maire du district de Bamako, Adama Sangaré.
Les gouverneurs, maires et présidents des Assemblées régionales de certaines régions, notamment Kayes, Ségou, Sikasso, Mopti, ont été arrêtés
Les directeurs régionaux des stations ORTM de Kayes,Sikasso et Ségou ont été mis sous les verrous. Et ce ne serait pas fini.
Diakaridia YOSSI