Affaire des bérets rouges : Cri des épouses de détenus

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. Elles étaient plusieurs dizaines, entre deux cent et trois cent personnes, à se manifester le 16 juillet dernier. Et à manifester leurs souffrances, leur détresse, leur angoisse dans les rues de Bamako. Elles appartiennent aux familles de militaires arrêtés à la suite des évènements de fin avril, portés disparus ou mis à la disposition de la justice. Certaines d’entre – elles croient savoir que leurs proches seraient déjà morts. D’où le cri : ” Rendez – nous les morts ! “. Elles étaient accompagnées de leurs enfants désormais orphelins.
Les marcheuses du jour étaient parties des camps de Koulouba et de Djicoroni pour la plupart. Certaines venaient même de certains quartiers de Bamako.
Direction, le siège de la primature. Sous la fine pluie, elles entendaient apporter leur message au Chef Gouvernement, M. Cheick Modibo Diarra.
Les Bamakois furent surpris par l’ampleur de ladite marche. Peu importait le nombre des personnes, à les voir seulement marcher, bérets ou foulards rouges à la tête, les cœurs battaient.
L’émotion était grande car cela rappelait  les tristes affrontements du 30 avril 2012 entre différents corps d’armes de la famille militaire.
Des morts, il y en a eu malheureusement. Aucune estimation officielle n’a pi entre faite. Des victimes  civiles ont été signalées, notamment dans le quartier populaire de Bozola. A Djicoroni également, il y aurait eu des morts innocentes. Dans les jours qui suivirent, il y a eu des arrestations en cascade.
Les vainqueurs des affrontements, les ” Bérets vert “, n’auraient pas fait dans la dentelle. A propos, la presse a rapporté des témoignages qui font frémir.
Il a été question de pires exactions contre des prévenus. Pendant des semaines, de folles rumeurs ont circulé à Bamako. Des confrères ont parlé de ” Charniers ” aux environs de Kati, à Diago “. Des images ont été diffusées par la presse internationale. De quoi alimenter d’ailleurs les spéculations. Des éléments d’autres corps, des ” Bérets bleu, verts et noirs, se sont retrouvés parmi les personnes arrêtées après. Leurs familles ont dû attendre près d’un mois pour les situer. Certains ont finalement été remis à la justice. Malgré tout, l’inquiétude demeure.
C’est dans ce contexte qu’est survenue cette marche. Ce faisant, les marcheuses avaient un message fort à adresser à l’opinion publique, aux autorités nationales. Leurs banderoles étaient dans équivoque : ” Trop, c’est trop ! Arrête les arrestations arbitraires ! Rendez – nous les morts “…  leur porte – parole, Mme Ouattara Oumou Sangaré, dira dans sa déclaration : ” Nous sommes là pour la paix, réclamer l’union des frères d’armes. Tous les militaires sont les mêmes et ils défendent tous le même drapeau. S’ils ne s’entendent pas, comment il peut y avoir la paix ? Nous n’en pouvons plus, trop, c’est trop
Le cas de Mme Ouattara interpelle tout le monde.
Elle aurait perdu son enfant pendant que son mari était en prison. Ce dernier n’aurait  même pas eu le droit d’aller se recueillir auprès du corps. La présidente des femmes de Koulouba  a abondé dans le sens de l’apaisement. ” Nous voulons seulement la paix, ” a t – elle déclaré en substance. Les marcheuses n’ont pas eu accès à la Primature. Elles ont remis leur déclaration aux collaborateurs du Chef du Gouvernement. Lesquels promirent de rendre compte à qui le droit.

POUR UN MALI QUI GAGNE
Cela, il reste entendu que notre pays n’aurait rien à gagner dans la situation actuelle, encore moins son armée. Aucun Malien, digne du nom, n’a bien apprécié ce qui s’est passé. Les actes posés le 30 avril ont été fustigés et condamnés par tous sans que l’on sache exactement ce qui s’était passé.
Mais, les actes posés par la suite échappent à toute appréciation. Ils sont totalement ignorés du grand public. L’armée est restée dernière son ” secret “. Et la justice,  saisie dans le cas d’une poignée de détenus, ne saurait faire mieux que ce qui serait dicté par l’armée. Pour preuve, il aurait fallu que leurs  avocats tirent la sonnette d’alarme pour que l’on accepte de les transférer de la garnison de Kati au Camp I de la Gendarmerie de Bamako.
Cette affaire a jeté le discrédit sur notre pays  et son armée. Ni l’un, ni l’autre, n’ont eu du respect dans sa gestion. Le sang a fait verser du sang. Il y a eu des larmes, des pleurs. Des familles entières furent endeuillées de part et d’autre. Peu importe la couleur des bérets, l’armée a vraiment souffert de ces épreuves du 30 avril. Bref, le choc fut brutal. Il doit désormais être mis dans les placards. Le cas  échéant, la situation irait de mal en pire.
Après les évènements douloureux des années de plomb du régime militaire (1968 – 1991), notre grand Mali n’a guère besoin de guerre  entre frères d’armes, de règlements de comptes. En son  temps, l’armée a perdu des dizaines d’éléments de valeur. Soldats, policiers, gendarmes, sous – officiers et officiers, furent les frais de la complotite.
Nombre d’entre eux ont perdu la vie à Taoudénit. Ceux qui y sont revenus, étaient pour la plupart malades. Des récits ont été publiés par les ” bagnards “. Par exemple, le récit du Capitaine Soungalo Samaké, ” Ma Vie de Soldat “, est très édifiant. Avant lui, le sous-officier Sangaré en avait fait de même. Par la suite, le Colonel Assimy Dembélé, témoin de presque tous ces faits, a produit un livre anthologique intitulé : ” Transferts Définitifs “.
Son titre indique jusqu’à quel point il ne faisait pas bon d’être pris. En effet, on y apprend les circonstances exactes du déroulement de certaines affaires évoquées, de la disparition des Capitaines Diby Sillas Diarra, Yoro Diakité, des Colonels Tiècoro Bagayogo, Kissima Doukara etc.
La liste est longue. Ces différentes disparitions ont coûtés cher à notre pays et à son armée. Et c’est sans surprise que le Général Moussa Traoré les paya cher aussi. Son régime a commencé à s’effriter après tous ces crimes. Après  lui, le bagne de Taoudenit ferma ses porte. Notre pays renonça à exécuter les condamnés à mort. Les régimes Konaré et ATT  ont brillé par leur respect de la vie humaine. C’est pourquoi toutes les affaires du genre  étaient traitées par la justice. Etat de droit oblige !
A ce que l’on sache, le Mali est entrain de construire un tel Etat. Son armée, la vaillante, est républicaine. Elle l’a démontré à maintes fois.
L’ex – junte, le CNRDRE, est officiellement dissoute. Mais, ce n’est pas un secret, elle détiendrait toujours la réalité du pouvoir. Elle peut et doit permettre aux familles Sissolo, Cissé, Ouologuem, Ouattara, Konaré, Diarra et autres de retrouver leurs membres. Cela serait un geste salutaire, un acte d’apaisement. C’est le besoin vital qui manque à présent à la nation. Le Capitaine Amadou Haya Sanogo et ses compagnons ne gagneraient rien à prolonger les souffrances desdites familles. En réagissant favorablement aux requêtes des épouses des détenus, ils contribueraient davantage à recoller les morceaux d’un tissu miliaire mis à mal par les dures épreuves de la rébellion. Le savent – ils ?

B. KONE

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