“Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude”. Cette règle de bon sens est en train d’être allègrement enjambée par les officiels Ivoiriens, relayés bruyamment sur les réseaux par une bande d’histrions qui ont décidé, dans cette affaire des 49 Ivoiriens au statut trouble, de faire passer la victime, le Mali, pour le coupable. Les investigations en cours nous édifieront sur la situation personnelle de chaque membre de l’expédition, mais les railleries à deux balles, les menaces à peine voilées ou le chantage de représailles n’y changeront rien. La décrispation amorcée après la levée des sanctions a besoin de cette clarification pour s’inscrire dans la durée, après les malentendus accumulés et qui ne relevaient pas de la seule imagination fertile des Maliens.
Nous sommes en effet nombreux à nous être couchés dans la nuit de dimanche à lundi, après le coup de chaud sur les réseaux sociaux sur l’arrestation de militaires Ivoiriens à l’aéroport de Bamako, avec un haussement d’épaules sur l’irresponsabilité ou la légèreté d’un chef qui n’a pas fait son boulot à Abidjan, créant ainsi une confusion sur la présence de ces “soldats” sur le territoire malien.
Cette vision bonhomme d’une affaire plus que sérieuse a été balayée par le communiqué du gouvernement malien qui documente paragraphe après paragraphe un débarquement dont les conditions sèment un vrai trouble dans les esprits les moins poreux au complotisme.
À ces faits qui accréditent plutôt l’idée d’une opération “barbouze”, les Ivoiriens ont opposé des réponses tantôt saugrenues, parfois incohérentes, mais toujours de mauvaise foi.
Les doctes Ivoiriens se sont d’abord gaussé des Maliens assez peu futés pour penser qu’une opération de mercenaires se servirait d’une plate-forme aéroportuaire au mépris de la discrétion requise. Et si nous ne mesurons pas assez le grotesque de notre accusation, les défenseurs de ADO nous expliquent que la relève incriminée était la 8ème du genre et donc pas de quoi fouetter un agouti.
Le raisonnement ivoirien pêche par cette fausse déduction. L’habitude des rotations s’est si bien installée que des esprits diaboliques ont pu penser qu’un énième débarquement, même avec les pires intentions, passerait comme lettre à la poste. C’était oublier un peu trop vite que le Mali sort d’un bras de fer avec ses voisins qui a aiguisé sa méfiance, élevé son niveau de vigilance, en attendant des jours plus apaisés dans la cohabitation.
Les profils bizarre identifiés dans la “bande des 49”, des étudiants aux mécaniciens en passant par des maçons, électriciens… n’étaient pas pour rassurer le pays-hôte.
Les autorités ivoiriennes, conscientes de la catastrophe annoncée, ont cherché à parer au plus pressé. Le ministère de la Défense a fait fuiter une Note express sur les réseaux adressée au Chef d’état-major général, avec une liste de 50 noms en annexe dont le chef de mission. D’où l’on découvre, soit dit en passant, les mœurs administratives ivoiriennes où les sous-chefs ne se contentent pas de parapher une décision à la signature du ministre mais y apposent carrément un “vu” ostentatoire. Passons !
On imagine mal le “contingent” présenter ce document à son arrivée et rencontrer la moindre difficulté auprès de la sécurité aéroportuaire en dehors des contrôles de routine. Le CEMGA ivoirien, à la suite de son ministre, donne l’ultime “couverture administrative officielle” aux expéditionnaires avec un Ordre de mission en bonne et due forme à la date du 08 juillet 2022.
Cette paperasse, dans le cadre des mesures de confiance, aurait dû précéder l’arrivée de la relève et être transmise aux autorités maliennes, au pire, être présentée par les éléments au moment de fouler le sol malien.
La pathétique campagne de justification ayant montré ses limites, c’est ADO himself qui monte au créneau pour allumer le contre-feu en réunissant à la hussarde un Conseil National de Sécurité pour égrener la même litanie de la version officielle mise à mal par les faits réels.
Pour tenir en respect ces Maliens indociles, le communiqué du CNS appelle la population ivoirienne à la retenue (comme si nous reprochions quelque chose à l’opinion ivoirienne), pendant que quelques activistes au dessein criminel entretiennent des propos de haine contre nos communautés sur place. On cherche encore le lien, sans trouver, mais rien ne semble être de trop pour faire taire Bamako.
Au fur et à mesure que les jours passent, la thèse officielle ivoirienne s’affaisse comme château de sable sur la plage d’Assinie !
C’est le porte-parole de la MINUSMA qui après une réponse oiseuse aux premières heures du scandale, a fini par être recadré par son organisation. La Mission des Nations-unies n’est pas concernée par le sulfureux dossier.
Le contingent allemand bénéficiaire des prestations du “groupe de sécurité ivoirien” a vite écarté tout lien avec les mécanos, électriciens, vendeurs en tenue et armés venus de Côte d’Ivoire.
Mais le dernier clou dans le cercueil du mensonge ivoirien est venu de l’ONU qui affirme que “les 49 soldats Ivoiriens ne sont pas des éléments nationaux de soutien à la MINUSMA”. Fermez le ban !
Maintenant que l’écume de la vague de dénégations retombe, il faudra, côté malien, pousser les investigations sur les buts réels poursuivis par cette opération qui enfonce encore un coin dans les relations entre nos deux pays. Cette clarification doit se faire sans excès ni faiblesse !
Cette affaire n’est pas sans rappeler le “téléphonegate” entre Bamako et Abidjan lorsque dans une conversation sans filtre, ADO et l’ancien PM, Boubou Cissé, avaient dit tout le bien qu’ils pensent de la Transition au Mali et de son incapacité à tenir le choc des sanctions économiques de la CEDEAO. On connaît la suite.
Après cette bourde diplomatique, les snipers pro ADO de tous poils ont mis du temps à nous expliquer que la conversation était le fruit d’un trucage technique comme le permettraient certaines applications d’imitation de la voix. La ficelle était trop grosse et Alassane Ouattara, lui-même, gêné aux entournures, a tenté de désamorcer ce qui était plus qu’une gaffe en demandant à ses frères maliens de mettre un peu d’eau dans leur “gnamakoudji” et que lui ne maîtrisait rien dans ces affaires de technologies, ce que nous voulons lui concéder volontiers.
Nous avons ri à gorge déployée de cette excuse embarrassée d’un vieux père ou grand-père.
Mais le système de défense des autorités ivoiriennes, à chaque coup tordu contre notre pays, ne peut se résumer à considérer les Maliens comme des simplets, voire des hystériques qui voient le mal partout, même devant l’évidence d’une atteinte à leurs intérêts nationaux ou à leur sécurité. Nous ne préjugeons de rien, mais nous n’oublions pas non plus que le ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara alias Photocopie, en première ligne dans cette nébuleuse affaire, n’est autre que Monsieur frère du Président Ouattara. La République semble se mobiliser pour faire bloc autour de lui. A moins que l’affaire ne s’apparente à la fameuse formule “un Train peut en cacher un autre “. Mais n’allons pas plus vite que l’enquête !
Sambou Diarra