L’Ecole de Maintien de la Paix Alioune Blondin Bèye de Bamako abritera, à partir de demain mardi 8 février, la réunion institutionnelle des commandants des centres de formation d’excellence en opérations de soutien au maintien de la paix de la CEDEAO dont elle fait partie. En prélude à cette importante rencontre, les experts du domaine se réunissent en principe aujourd’hui, dans les locaux de l’EMP Alioune Blondin Bèye, dont le collectif, sous le commandement du Général de Brigade Souleymane Yacouba Sidibé, a pris toutes les dispositions pour assurer la réussite de cet événement, auquel la CEDEAO accorde un intérêt tout particulier.
Trois écoles de formation en maintien de la paix sont actuellement reconnues par la CEDEAO : le NDC (National Defence Center) à Lagos au Nigeria, le KAIPTC (Koffi Annan Institut Training Peace Center) à Accra au Ghana et l’EMP Alioune Blondin Bèye à Bamako, au Mali. Chacune de ces écoles se voit assigner une mission de formation, qui se retrouve comme complémentaire par rapport à celle des deux autres. En effet, comme le précise le Général de Brigade Souleymane Sidibé, commandant de l’EMP Alioune Blondin Bèye : " Les trois centres de formation ont signé un mémorandum avec la CEDEAO qui coordonne leur activité à l’intérieur de l’espace communautaire pour la formation juridique et pour l’accompagnement des forces en attente de la CEDEAO. Ces trois écoles travaillent dans un ordre bien établi, selon les missions qui leur sont assignées. C’est ainsi que l’EMP Alioune Blondin Bèye forme au niveau tactique, le KAIPTC au niveau opérationnel et le NDC au niveau stratégique. A chaque niveau correspondent des formations déterminées ".
Tournant important
Justement, en instituant une réunion des commandants de façon tournante, pour se tenir alternativement dans chacun des pays qui abrite une des écoles de maintien de la paix, " la CEDEAO a voulu permettre aux différents centres de formation d’excellence d’échanger sur le contenu des enseignements, de planifier et de coordonner les activités par rapport à la montée en force de la Brigade ouest (CEDEAO) de la Force africaine en attente ", précise le général Sidibé. Il faut préciser que la réunion des commandants d’écoles de maintien de la paix se tient pour la première fois à Bamako, après celle de l’année dernière à Abuja.
En prélude à la réunion de demain, mardi, les experts des trois écoles et ceux de la CEDEAO sont déjà en conclave, aujourd’hui, pour préparer les dossiers qui seront discutés amplement demain par les commandants des trois écoles, appuyés chacun par son staff. La rencontre de Bamako est un tournant important dans la mise en place des outils de coordination de l’activité des centres d’excellence, en ce sens qu’elle permettra de parachever la base de données commune aux trois établissements. Il faut cependant préciser que l’EMP Alioune Blondin Bèye dispense des enseignements au niveau tactique, destinés uniquement aux officiers supérieurs conformément aux objectifs assignés par la CEDEAO. Elle ne forme pas de troupes parce que, comme le martèle le Général Souleymane Sidibé : " Ce sont des formations d’Etat major sur le plan militaire".
N’empêche ! En dehors de cela, l’EMP accueille des corps paramilitaires comme la police et aussi des civils. " Nous embrassons l’instruction de ces trois volets, avec les composantes militaire, paramilitaire et civile avec des modules qui sont au standard de l’Organisation des Nations Unies ", a ajouté le général qui a surtout insisté sur la qualité des modules dispensés : " Même si les cours sont personnalisés, ils sont au standard des Nations Unies. Ça, c’est une règle d’or pour l’EMP de Bamako qui est aussi le seul établissement de formation qui dispense un enseignement bilingue dans l’espace francophone mondial ".
Audience continentale
La révélation est de taille car, pour le sens commun, cette école est uniquement réservée aux militaires des pays de la CEDEAO. C’est une vision étroite du champ d’intervention que le Général Sidibé veut corriger car, à l’heure où nous en sommes, l’EMP Alioune Blondin Bèye reçoit, comme c’est dit tantôt, des policiers et des civils. Mais comment faudrait-il procéder pour bénéficier de ses enseignements ? Le Général, commandant de l’école, s’en explique : " Les militaires viennent sous une forme très simple : leur désignation est du ressort de la souveraineté des Etats qui les désignent. L’école n’a aucune prise sur leur choix. Il en va de même pour les policiers. Mais les civils doivent passer par une candidature personnelle. L’école fait un tri pour sélectionner des candidats en mesure d’accéder aux enseignements de l’école, en fonction des compétences et dispositions desdits candidats».
Sur un autre registre, rappelons que l’audience de l’EMP de Bamako a dépassé le cadre de la CEDEAO pour avoir une envergure continentale, voire mondiale car son activité rayonne jusqu’au Cambodge où elle a eu à former des gens sur demande de ce pays. Sans compter que, au regard de son personnel, l’école est une mosaïque reflétant la diversité qui caractérise les Nations Unies.
Amadou Bamba NIANG
L’école de Maintien de la Paix Alioune Blondin Bèye
Un exemple de success story
‘Afrique est confrontée, depuis plusieurs décennies, au guerres civiles et aux déplacements des populations. Dans ces conditions, jusqu’en 1990, seules des troupes étrangères venaient opérer en Afrique, dans le cadre du maintien de la paix, sous l’égide des Nations Unies. Comme le précise le Général commandant de l’EMP de Bamako, " devant la multiplicité des conflits intra-étatiques, interétatiques, raciaux, tribaux et autres, les chefs d’Etat, réunis au sein de l’OUA devenue UA, avaient compris la nécessité de voir les forces armées et de sécurité et les personnes africaines impliquées dans le processus de maintien de la paix sur le continent. Mais ces intervenants-là, il fallait les former car si les personnes qu’on utilise ne sont pas formées, on aboutit à une catastrophe au lieu d’atteindre les objectifs du maintien de la paix ". Cette préoccupation a donc engendré l’idée de création d’une école de maintien de la paix en Afrique.
Il faut comprendre qu’une idée cogitée en 1999 avait amené la France et la Côte d’Ivoire à réaliser le premier projet d’une école de maintien de la paix à Zambakro, en Côte d’Ivoire. Mais les événements que connait ce pays y ont rendu impossible la dispense de l’enseignement dans les conditions idéales. C’est à partir de ce moment que les autorités françaises ont approché leurs homologues du Mali pour transférer l’école à Koulikoro, au Centre Boubacar Sada Sy.
Pour un bout de temps, parce qu’avec l’accroissement des activités et de la demande, le centre de Koulikoro, qui abrite déjà d’autres écoles de formation à vocation sous-régionale, s’avérait exigüe pour l’EMP. D’où l’idée de construire la nouvelle école. Un bâtiment majestueux situé au quartier ACI 2000 de Bamako.
Plus de 3 000 personnes formées
Inauguré en mars 2007, sous son nouveau statut d’établissement public doté de l’autonomie financière, l’EMP porte désormais le nom d’un illustre fils du pays, Me Alioune Blondin Bèye, qui a été ministre à la tête de plusieurs départements au Mali. C’est dans le cadre de sa dernière fonction pour le compte des Nations Unies qu’il a péri dans un accident d’avion. De cette année 2007 à nos jours, elle a connu un bond fantastique, pour avoir formé plus de 3000 personnes. Le nombre d’inscrits monte d’année en année, pour prouver que l’audience et l’activité de l’EMP vont crescendo.
Projet franco-malien au départ, cette école est devenue un projet multilatéral, dans lequel on retrouve beaucoup de pays européens, nord-américains et sud-américains. Même des pays asiatiques sont partie prenante de cette aventure. Ils sont tous contributeurs de l’école, mais en même temps sont membres du Conseil d’administration. Aujourd’hui, le collectif de l’école peut s’énorgueillir de ses performances car d’une mission sous-régionale, l’EMP est passée à une vocation continentale, voire mondiale, si l’on en juge par ses dernières interventions en matière de formation qui s’étendent au-delà de l’Afrique.
Besoin de moyens plus accrus
Notons que dans un environnement mondial où le maintien de la paix est au cœur des préoccupations de tous les Etats, l’accroissement des moyens de l’EMP Alioune Blondin Bèye devient une nécessité. C’est vrai que, comme le dit le Général, commandant de cette école, Souleymane Sidibé: " Jusqu’à présent nous avons la sagesse de faire la politique de nos moyens, mais nous aimerions avoir les moyens de notre politique. En raison des infrastructures qui sont très performantes, l’EP fonctionne actuellement en-deçà de ses capacités, faute de moyens. Nous avons des partenaires qui contribuent pour un budget déterminé, qui est à l’image, un tout petit peu des formations que nous dispensons, mais il est vrai que nous pouvons, en fonction de nos capacités et des infrastructures, faire des formations beaucoup plus étendues que cela, si les moyens étaient beaucoup plus développés ".
Le message sera certes bien reçu par les partenaires, pour accompagner davantage l’EMP dans la réalisation de ses projets innovants, sur lesquels nous reviendrons dans notre édition de demain.
Amadou Bamba NIANG
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