A l’épreuve de la réalité malienne : La CEDEAO renoncera-t-elle à muscler sa mission ?

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Le dernier sommet extraordinaire  de la CEDEAO à Dakar a réuni une dizaine de Chefs d’Etat sur les cas de la Guinée Biseau et du Mali et  Coté malien, si la CEDEAO a baissé le ton, baissera-t-elle pour autant les bras ?

Blaise Compaoré en compagnie de Alasane Ouattara

Dakar ne fut pas une réunion de plus de Chefs d’Etat. Ce qui a été dit ici est un signal que les Maliens auraient tort de prendre à la légère. Comme disait le Président Alassane Dramane Ouattara, sur place, ils étaient « invités à un examen approfondi… » sur la nouvelle donne malienne et pour donner des réponses « appropriées » et surtout diligentes. La patience de l’organisation sous-régionale est sur la défensive. Une fermeté de mise dans le cas du Mali, aurait dit le président de la commission de l’UEMOA. Le texte de communiqué reste bien timide face à cette hypothèse qu’un effondrement communautaire serait lié à tout affaissement de la posture étatique du Mali. Faut-il déjà en conclure qu’il y a un double jeu de la communauté régionale ? En tout cas, c’est la fiabilité des canaux de communication qui est en cause.

L’accusée joue désormais la discrétion

Beaucoup de mots et d’air ont été brassés depuis une dizaine de jours entre les Maliens et la médiation CEDEAO. Dans l’ombre, nos diplomates des deux côtés ont piloté des fichiers d’information, joué des contacts personnels et qui ont été consultés sans modération .Des lacunes et des dérives ont pu ainsi être évitées. Nous étions dans une atmosphère de bras de fer tendu entre Maliens et médiation communautaire. Oui, quelque chose avait bel et bien changé depuis le 22 mars dernier, date de l’irruption des militaires sur la scène politique nationale. La nouvelle situation actait la faillite des partis politiques et elle plaçait tous nos concitoyens devant une responsabilité majeure dépassant même la simple politique intérieure. N’étions-nous pas expressément dans le cas d’espèce ? On a entendu dire ici, sur la place publique, que le retour des militaires sur la scène a achevé de ruiner l’idée de la démocratie si chèrement acquise il y a plus de 20 ans de cela. Si durant tout ce laps de temps, on s’était trompé, alors question : cela peut-il signifier que tous nos problèmes pourraient être réglés par la volonté politique ? Dans l’affirmative, comment pourrait-on en être si sûr, la politique ne pouvant pas tout régler, même si elle restait un lieu de passage obligé ? Comment dès lors la CEDEAO, dont on a signé les textes communautaires, pouvait-elle venir à justifier des sanglots de l’homme malien face à un bilan de la mal gouvernance ? A-t-on mal jugé de ses intentions depuis le sommet d’Abidjan ? Actuellement, la doctrine de la CEDEAO se fonde sur cette idée du « plus jamais ça ! », (c’est-à-dire du « plus jamais de coup d’Etat ! »). Ici, elle voulait appuyer sans fard la nécessité du retour dans les casernes du CNRDRE avec tous les militaires. C’est la mise à jour des données après le 1er sommet d’Ouagadougou qui va enclencher tous les dysfonctionnements. Les militaires de  Kati, de leur coté vont aligner des décisions ( ?) sur la base de renseignements peu fiables. Les dernières secousses dans les rangs de la « Grande muette » vont les conforter cependant dans leur appréhension. Ils n’ont pas encore l’arme au pied, et le pays apprend d’autres arrestations dans les rangs des militaires dont l’une concernant le soldat Malamine Konaré. Le repêchage du corps d’un gendarme sans vie risque de provoquer une autre flambée de violence. Actuellement, la classe politique et la société civile sont traversées d’une sorte de frisson nationaliste faite de particularités locales. Retour en arrière : le mot Mali, rien qu’à cela, devait être partout perçu comme un coup de gong sur la mauvaise conscience des autres. Voici le secret de sa naissance que nous disait le père de la nation, le Président Modibo Keïta. Voici ce que les dirigeants de l’USRDA,  revenus transis de Dakar, disaient alors en Août 1960. Heureusement que le sommet de Dakar annonce un tournant heureux. Il l’a dit, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, comment ce sommet fut des plus courtois, une rencontre à proprement dite pour rassembler à travailler à la sortie de crise. C’est cet esprit de solidarité « qui cimente » et qui nous donne, ajoutera-t-il, ce sentiment d’accompagnement pour trouver une issue heureuse. Ne s’agira-t-il donc pas ni d’un heurt, ni d’un clash entre nos amis communautaires et nous ? Désormais, on a l’impression que l’on glisse, tout en hésitant certes, entre une décision d’agrément et celle d’habilitation prise à Dakar. La CEDEAO a compris et elle ne veut plus endosser ces nouveaux amis de la tyrannie de la repentance, en quelque sorte. Elle connait ses limites, ses faiblesses et elle les rumine. Pour la CEDEAO, ce qui compte désormais, ce n’est pas le jugement d’un jour, c’est la trajectoire politique structurée du pays qui attend. Elle vient de prendre une mesure de bonne gestion avec des paroles dignes qui rendent la dignité aux Maliens  en souhaitant d’abord un forum de préparation pour une transition la plus pacifique au Mali. On ira vers une clarification du mandat de l’interimat et où on a vu ces derniers jours le Président Dioncounda Traoré, avec son verbe, clôturer son intervention dans un journal de la place. On en restera là encore aux prolégomènes technico politiques sur un Exécutif de la transition, mais chacun a compris que l’offensive  sur cette guerre de chefs a commencé. Tout le monde fera attention à ce que la langue ne fourche. Quant à la médiation burkinabé, Blaise Compaoré reste bien sur un redoutable bretteur des assises de nos Chefs d’Etat sur lequel les Maliens devront s’appuyer et si les nôtres s’en retournaient à une autre table de négociation, ils ne demanderaient plus à être compris, mais ils demanderaient à être crus.

S.Koné

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