"Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats de l’Armée du Mali ; la journée du 1er octobre 1960 fera date dans notre histoire, car elle a vu la naissance de notre Armée nationale.
C’est avec une joie et une fierté bien légitimes que je vous adresse le salut fraternel de celui que le gouvernement a bien voulu désigner pour vous commander.
Je mesure dans toute son ampleur le redoutable honneur qui m’échoit.
Le peuple de la République du Mali et le gouvernement qui en est l’authentique émanation vous font confiance et sont convaincus que par votre tenue, votre discipline, votre dévouement exemplaire et votre sens élevé du devoir, vous serez les dignes héritiers de nos pères, de nos anciens qui nous ont légué tant de traditions d’honneur, de loyauté, de fidélité et d’héroïsme.
Maintenant que vous avez une Armée nationale, un drapeau et une patrie retrouvée à défendre contre les ennemis de l’intérieur et ceux de l’extérieur et, vous saurez, j’en suis persuadé, utiliser pleinement votre bravoure légendaire.
La noble et exaltante mission qui vous incombe exige le don total de soi-même allant jusqu’au sacrifice suprême. L’esprit d’abnégation qui caractérise tous et dont vous avez toujours fait preuve en d’autres circonstances et d’autres lieux, vous le manifesterez ici, sans défaillance pour que la République vive libre et prospère.
Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats de l’Armée du Mali, aujourd’hui plus qu’hier, ici plus qu’ailleurs, le peuple et le gouvernement de votre pays comptent sur vous, je suis convaincu que vous ne les décevrez pas quoi qu’il arrive.
Je salue vos drapeaux et étendards".
Le chef d’état-major de l’Armée
Le Capitaine Sékou TRAORE
EVACUATION DES BASES MILITAIRES FRANÇAISES AU MALI
L’adresse du président Modibo Kéïta au corps diplomatique
Excellences,
Je vous remercie de vous êtes distraits de vos augustes occupations de vos nombreuses préoccupations pour répondre à mon invitation. L’importance de la communication exige que je vous la fasse moi-même.
A l’heure qu’il est, l’ambassade de France en République du Mali est informée par mes soins de la décision de mon parti et de mon gouvernement de voir la France évacuer les bases militaires de Bamako, de Kati, de Gao, et de Tessalit. Qu’elle occupait du fait des accords franco-maliens signés à Paris le 22 juin 1960 entre elle et la fédération du Mali et qui deviennent caducs après les évènements du 19 au 20 août 1960 et l’acte de reconnaissance par la France du gouvernement du Sénégal, acte qui consacre la dissolution de la Fédération du Mali.
La République du Mali a affirmé sa volonté de coopérer avec la France sur la base de la non-ingérence dans nos affaires intérieures et du respect de notre souveraineté. La décision de mon parti et de mon gouvernement ne met nullement en cause cette volonté. Elle est l’expression de notre conviction qu’à moins d’abandon volontaire de souveraineté de la part d’un Etat jeune ou d’accords particuliers dans le domaine de la défense, les troupes de l’ex-puissance coloniale ne peuvent stationner sur le territoire de l’ex-colonie aux côtés des troupes du jeune Etat.
D’autre part, le peuple du Mali, l’Union soudanaise-RDA et le gouvernement de mon pays ont toujours affirmé leur option en faveur de la politique de non-alignement sur l’un ou l’autre des deux blocs. Cette attitude est en contradiction avec la présence, sur son territoire, des troupes d’une puissance étrangère et à laquelle ne le lie aucun accord et qui, d’autre part, est engagée dans le pacte militaire d’un bloc.
Je prie vos Excellences d’informer vos gouvernements respectifs et d’attirer leur attention sur notre ferme décision de l’évacuation rapide des troupes stationnées en République du Mali.
Je vous remercie.