Même s’il faut regretter la montée des radicalités et excès de langage que le projet de révision constitutionnelle a suscités, il aura permis, quand même, un exercice de débats démocratiques dont il faut positiver l’issue qui a été marqué par la décision du Président de la République de surseoir à l’organisation du referendum. Loin d’être une capitulation à un quelconque ultimatum
C’est par une adresse solennelle à la nation, tard vendredi 18 Aout, que le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta a décidé, à l’appui d’arguments d’apaisement, de surseoir à sa consultation populaire (le référendum) sur la révision de la Constitution du 25 février 1992. Cela, après un cycle d’échanges extrêmement féconds de toutes les sensibilités dont la dernière a été la plateforme « AN TE A BANA-Touche pas à ma Constitution », farouchement opposée au projet.
Cette décision du Président de la République est loin d’être une victoire d’un camp sur l’autre ni un échec d’un camp par rapport à l’autre, mais la pure manifestation d’une avancée démocratique. En effet, depuis qu’elle a été initiée par le Président de la République, la révision de la Constitution de 1992 a suscité tous les débats jamais égalés en République du Mali. En réalité, l’initiative présidentielle a généré un véritable exercice démocratique qu’il convient dès lors de positiver comme étant l’avancée de notre démocratie. Il convient de retenir que beaucoup plus que les deux dernières tentatives de révision constitutionnelle, celle du Président IBK a impliqué plus de débats entre maliens.
Mieux, le présent projet de révision constitutionnelle aura permis aux maliens lambda non-initiés au concept, de mieux comprendre ce qu’est la Constitution, jadis sacrée aux juristes et aux quelques élites de la société. Les débats animés par les camps du OUI et du NON, tintés de la traduction de la langue nationale avec comme leitmotiv « Charia sum Ba » (loi fondamentale) ont été une réelle culture pour des maliens. Quelques mois durant, des politiques, des citoyens profanes, des indécis d’hier à la vie politique se sont tous livrés à une bonne compréhension de la Constitution, son rôle et sa procédure de révision. C’est la preuve encore une fois de plus que la démocratie est vraiment en marche dans notre pays, même si l’on a enregistré avec inquiétude la montée des radicalités et les excès de langage qui ont à juste titre fait regretter le magistrat suprême.
Dans la pratique démocratique un Président qui initie, mais qui écoute et recule a tout simplement compris son peuple. Incontestablement, loin d’être une capitulation, le chef de l’Etat s’est mis au-dessus de tous les clivages politiques pour l’honneur et le bonheur du peuple, son slogan de campagne de 2013. Il a décidé de surseoir à son ultime droit constitutionnel en écoutant les préoccupations, surtout des notabilités qui se soucient beaucoup pour la cohésion sociale. Garant de cette cohésion et premier défenseur de l’intérêt national, IBK a mis en avant le besoin impératif de s’écouter, de se comprendre et d’aller ensemble de l’avant. « Au regard de tout ce qui précède, et en considération de l’intérêt supérieur de la nation et de la préservation d’un climat social apaisé, j’ai décidé, en toute responsabilité, de surseoir à l’organisation d’un référendum sur la révision constitutionnelle. Pour le Mali, aucun sacrifice n’est de trop ! ». C’est la motivation du Président de la République, vraiment sage et apaisant, qui doit aujourd’hui permettre aux maliens de tourner la page et s’inscrire à l’union sacrée. N’est-ce pas que les défis sont énormes. Pour sa part, le Président de la République dit faire prendre les dispositions nécessaires pour l’engagement d’un dialogue inclusif et dépassionné.
Daniel KOURIBA