Quels sont les défis de l’appareil judiciaire dans votre ressort territorial ?
En terme de défis, je ne sais même pas pour où commencer tellement ils sont énormes. Nous avons hérité, après l’occupation et la libération, d’un système totalement détérioré. En plus des locaux qui étaient dévastés, les dossiers judiciaires avaient aussi été détruits. Le grand défi du retour de l’administration est la reconstitution de ces dossiers, pour apporter une réponse juridique appropriée à la situation des prisonniers qui avaient été déplacés pour la plupart.
Malgré l’insécurité, il faut essayer de faire en sorte que les différents acteurs puissent faire face à leur tâche quotidienne sereinement, ce qui n’est pas facile. Je peux donc dire qu’il n’y avait que des défis, mais cela a tendance à être conjugué au passé avec l’aide de la communauté internationale que je salue ici et envers laquelle – et ceci n’engage que moi – tout le peuple malien a une dette de gratitude morale.
Qu’est-ce-que la MINUSMA peut apporter comme réponse appropriée dans le rétablissement de ces institutions judiciaires ?
il y a un besoin de combler le manque d’institutions. Le rôle de la MINUSMA est d’aider les différents acteurs à occuper réellement le terrain et à s’acquitter convenablement de leurs travaux, de les assister au quotidien, et de faire en sorte qu’ils puissent faire passer un message fort sur le rôle que la justice doit jouer.
Concrètement, comment la MINUSMA vous aide-t-elle ?
La MINUSMA peut nous appuyer et faire en sorte que les différents acteurs de la justice puissent individuellement prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer.
Qu’entendez-vous par « appuyer » ?
La MINUSMA pourra nous aider avec des moyens logistiques, et je peux vous livrer un secret : j’ai demandé et déjà obtenu un appui permanent de la MINUSMA, ne serait-ce que pour nous accompagner dans nos déplacements, notamment dans le nord. Vous comprendrez qu’avec le retour de l’administration, après une absence prolongée de l’administration judiciaire, ce n’est pas évident, tout est à reprendre. Il faut donc qu’ils soient à nos côtés. Je suis le Procureur général de la Cour d’appel de Mopti comme vous le savez, en charge de la juridiction de Mopti, de Tombouctou et de Gao, mais aussi de celle de Kidal. Vous comprendrez donc que notre présence physique est souhaitée. Pour la petite histoire, nous avons demandé et obtenu en son temps que Bamako soit désigné pour s’occuper des infractions qui se commettaient, mais nous avons obtenu qu’avec le retour de l’administration, chacun puisse jouer son rôle. Cependant vous comprendrez que ce n’est pas évident. Fort heureusement, nous comptons sur la MINUSMA et sur nos autres partenaires.
Sans l’aide de la MINUSMA, que se serait-il passé ?
Dans le contexte actuel, cela aurait été difficile sans l’aide de la MINUSMA. Cela aurait été difficile tout d’abord pour se rendre sur place, avec les moyens qui sont les nôtres. C’est illusoire et cela représente même un risque qu’il ne faut pas prendre. Fort heureusement il y a l’aide de la MINUSMA.
Question : comment les autorités judiciaires peuvent-elles fonctionner de façon optimale pour protéger les droits de l’homme ?
Réponse : Les autorités judiciaires, je l’ai dit, ont besoin tout d’abord d’être réinvesties de cette confiance dont elles bénéficiaient, que les populations comprennent comment elles fonctionnent et pourquoi elles sont là. Les autorités judiciaires joueront leur rôle, ne serait-ce que pour aider les prisonniers dans l’amélioration de leurs conditions de vie. Les autorités judiciaires doivent œuvrer pour éviter l’engorgement des prisons, pour éviter les détentions abusives, pour que les délais de garde à vue et les délais de détention préventive – qui sont règlementés par la loi – soient respectés. Et je saisis cette occasion pour vous dire qu’il y a des obstacles qui se dressent devant nous, des obstacles liés notamment aux problèmes de ressources matérielles, de ressources humaines, mais des efforts sont actuellement entrepris avec nos partenaires résoudre ces problèmes.
Qu’attendez-vous de façon concrète de la MINUSMA ? Y a-t-il matière à améliorer ce partenariat ?
Je pense que la MINUSMA pourra nous aider à faire passer le message de sensibilisation auprès de la population, par l’information. Cela nous aidera à faire renaitre cette confiance des populations en leur justice, pour que naisse en eux ce sentiment de pouvoir avoir recours à la justice, plutôt que d’avoir recours à la justice privée et traditionnelle. Il y aura donc une invitation a toutes les victimes des injustices de toutes sortes à se rappeler que la justice est là, qu’il faut tout simplement porter son action devant les tribunaux.
C’est important que les Maliens croient en la justice de leur pays ?
C’est primordial. Que les Maliens sachent avant tout que ce qu’est la justice, parce que c’est souvent oublié. Et c’est ce message que nous entendons faire passer avec le concours de la MINUSMA.
Dernièrement, certains crimes ont été commis dans votre ressort territorial. Que pouvez-vous faire face à cela et comment la MINUSMA vous aide-t-elle ?
permettez-moi encore une fois de rendre un grand hommage à la MINUSMA, et surtout à ses représentants qui nous épaulent et qui ne cessent de nous appuyer, en se renseignant par exemple sur nos besoins. Avec le retour des autorités et des populations, avec l’insécurité qui sévit dans le pays, nous sommes forcément au-devant de la commission d’autres infractions qui sont en train de se commettre. Et j’attends de la MINUSMA qu’elle joue pleinement son rôle, à savoir de me transporter à chaque commission d’infraction pour me rendre sur les lieux. Nous avons récemment mis au point un planning de transport vers le nord. Le criminel profite de linsécurité et il faut que nous soyons à même de lui retourner cette insécurité, qu’il sente la présence des autorités. La lutte sera à moitié gagnée, mais si on ne n’aperçoit pas une autorité, si on ne doit pas sentir notre présence, alors les criminels pourront s’en donner à cœur joie. Il faut que l’autorité soit présente et il n’y a que la MINUSMA qui peut nous aider à faire cela pour le moment, dans le contexte actuel.
La Justice est-elle de retour au Mali ?
La justice est de retour, même si cela reste timide pour le moment, elle est là. Elle est présente et va marquer son sceau. C’est le Procureur général qui vous le dit
O SALGADO