Nord du Mali : Que cache l’entrée du Gatia à Kidal ?

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La ville de Kidal
La ville de Kidal

Si ce n’est du folklore ou une scène de chantage à l’endroit du gouvernement malien, c’est une mise en scène qu’il faut d’ores et déjà prendre très au sérieux. Ainsi, pourrait être interprétée l’entrée fracassante avant-hier à Kidal des combattants du Gatia (Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés). La nouvelle, qui s’annonçait pour déclencher une vaste explosion de joie des citoyens à l’échelle nationale, s’est finalement affaissée en une somme d’interrogations sans réponses quand il s’est avéré au fil des heures que les « envahisseurs » étaient, en réalité, les hôtes de leurs ex ennemis de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad). Que se passe-t-il ? A quoi jouent les groupes armés (rebelles et pro gouvernementaux) ? Où sont passées les forces Barkhane ? Et celles de la Minusma ? Le gouvernement malien était-il informé du fait ? Et l’avenir de Kidal ?

Mardi 2 février 2016, une colonne de plus de 50 véhicules, avec à bord des centaines de combattants du Gatia, est entrée dans la ville de Kidal. L’information relayée tôt le matin par une chaîne de radio étrangère a subitement suscité un (grand) espoir de nationalisme chez bon nombre de Maliens qui s’apprêtaient à prendre la rue pour saluer la reprise de Kidal comme ils avaient accueilli l’entrée de la Plateforme à Anéfis en août 2015.

Cette réaction était d’autant plus légitime que la Ville de Kidal, et au-delà la toute la 8è région, étaient (comme) sorties du giron de la République depuis la malencontreuse visite de l’ancien Premier ministre Moussa Mara dans la capitale de l’Adrar des Iforas le 17 mai 2014. Depuis, tous les représentants et les symboles de l’Etat, du Gouverneur au drapeau (ramenés à Kidal par les autorités de la Transition de Dioncounda Traoré) ont été chassés de la région de Kidal. Pire, une demi-douzaine d’administrateurs civils avaient été assassinés ce 17 mai là et l’armée malienne décimée le 21 mai 2014. C’est donc un réflexe purement patriotique qui impulsait la (grande) fête que les populations maliennes s’apprêtaient vivre.

Mais, coup de théâtre. Rapidement, cet immense espoir s’estompe au fil du recoupement de l’événement.

Se confiant à un confrère de la presse étrangère, Azaz Ag Loudag Dag, un porte-parole du Gatia, déclare : « ce déploiement d’une centaine de véhicules et d’environ un millier de personnes s’est fait avec le consentement de nos frères de la CMA ».

Plus tard, le député Hamada Ag Bibi, un membre de la CMA, jubile presque : « C’est vraiment la paix qui est en marche. Nos frères de la Plateforme sont avant tout des parents. Ils sont venus à Kidal avec bien sûr notre feu vert, même si leur entrée a un peu fait peur à certains». Soit. Mais, des témoins vont jusqu’à affirmer avoir vu des drapeaux de la CMA et du Gatia brandis ou hissés sur des véhicules et dans la ville.

Les mêmes sources laissent filtrer que  le colonel El-Hadj Gamou, officier loyaliste, mais leader spirituel du Gatia, figure parmi les personnes entrées à Kidal.

Complot contre la République ?

Finalement, la vérité est tombée comme un coup de massue : les combattants de la Plateforme sont entrés à Kidal conformément au protocole d’entente signé le 16 octobre entre les belligérants de la guerre d’Anéfis. « Nous voulons aller plus loin dans le processus de paix. C’est pourquoi nous avons mis sur pied plusieurs commissions de travail pour aller de l’avant. Et nous allons bien sûr participer à la structure qui va gérer la ville (ndlr : de Kidal)  pour une période transitoire », a confié Azaz Ag Loudag Dag, pour dissiper toute interprétation de leur « implantation » à Kidal.

Comment des groupes armés rivaux, voire même des ennemis jurés (la CMA et la Plateforme), ont-ils pu se retrouver si facilement ? Comment des groupes pro gouvernementaux (réunis au sein de la Plateforme du 14 juin 2014) depuis les pourparlers d’Alger jusqu’après la signature de l’Accord de paix ont-ils pu tourner le dos à l’Etat ? Y-a-t-il un complot contre la République en vue ? Moult interrogations demeurent.

Mais, le vin étant tiré, l’heure est aux enseignements à tirer et les cas de figure possibles à explorer quant à l’avenir de  Kidal et même du nord.

Pour certains analystes de la vie politique au Mali, on s’achemine inéluctablement vers une Alliance touarègue globale. Cela veut dire quoi ? Les membres de la CMA (coalition qui regroupe le Hcua, le Mnla et le MAA), ayant déjà rangé le Gatia de leur côté, vont tenter d’attirer les sédentaires dans un mouvement global qui risque d’englober Tombouctou et Gao. Ils essayeront de convaincre ceux qu’ils n’obtiendront rien du gouvernement étant son allié. Ils prendront l’exemple sur eux-mêmes. Aujourd’hui, leurs chefs seraient aux petits soins de l’Etat étant logés dans les hôtels huppés de Bamako et se pavanant dans des bagnoles de luxe.

D’un autre côté, certes au sein du Gatia, il y a des hommes de bonne volonté, amis la plupart de ceux-ci se battent pour eux-mêmes.

Mieux, au fil du temps, et avec les erreurs du pouvoir, le Gatia semble avoir changé de cap. Le tournant de ce virage a été amorcé depuis la prise d’Anéfis en août 2015. Sur ce coup, le président IBK a publiquement désavoué le mouvement et invité la Plateforme à quitter la ville, aussitôt occupée par la CMA.

Dernière piste de la volte-face des alliés du gouvernement : ils ont superbement été ignorés dans le remaniement du 15 janvier 2015, alors qu’ils comptaient faire une entrée fracassante dans l’équipe de Modibo Kéïta.

Au-delà de toutes ces hypothèses, plusieurs autres interrogations taraudent les esprits des Maliens. Quel statut pour Kidal à présent ? Y-a-t-il une complicité de la France ? Et de la Minusma ? Quel sera le comportement du gouvernement face à cette situation ? L’Accord de paix prendra-t-il un coup dans cette nouvelle donne ? Les réponses à ces questions tomberont à compte-gouttes. Avec le temps.

Sékou Tamboura

 

Commentaires via Facebook :

10 COMMENTAIRES

  1. qui veut la paix prépare la gueure,acceptons nos feblaisse,analysons nos moyens disponible pour préparer l’avenir,le seul moyens que le Mali doit prendre comme concepte pour faire face à son avenir.acceptons aujourd’hui que le Mali n’est pas gouverné par les Maliens,on a assez encaisser pour comprendre .

  2. C’est une tempête dans un verre d’eau que fait M. TAMBOURA, spécialiste en la matière. Investiguez, investiguez et quitter votre bureau pour chercher à savoir. Cette entrée du Gatia ne signifie pas grand chose réellement contre le Mali à ce stade.

  3. C’est vrai que le pouvoir d’IBK n’a fait que des erreurs dans la gestion de cette crise du nord. Il n’a jamais pu faire la différence entre les pour et les contre la république. Il n’a jamais ménagé les pour la république comme le Gatiat au contraire il a aidé ses ennemies à le combattre. L’histoire recentre du Mali retiendra entre autre Menaka. Mais je ne crois pas un seul instant que le Général GAMOU va faire défection et s’allier avec la cma. S’il allait le faire il aurait fait en 2012 quand l’armée lui a abandonné seul à Kidal. Il a fallu qu’il use de son talent de colonel pour s’en sortir. GAMOU ne va pas trahir le Mali malgré que IBK ne lui a pas été reconnaissant. Imaginé un seul instant si en 2012 Gamou s’alliait aux rebelles. Malgré tout si GAMOU arrivait à trahir le Mali aujourd’hui, les conséquences pour le pays sont incalculables. Et le seul coupable est le gouvernement du Mali qui doit s’expliquer parce que c’est la partition consommée du pays et aucune armée ne pourra s’opposer. Si le PM est un homme averti, il doit dès maintenant parler avec Gamou pour éviter que le pire n’arrive au Mali. Il doit sortir de ses bureaux de Bamako, arrêter de détruire les maisons des pauvres maliens et aller sur le terrain. Mais attendons de voir, les jours à venir nous en dirons plus.

  4. l’arrivee du gatia a kidal est tout juste, une étape de la rebellion touaregue vers son objectif initial a salir l’indépendance de ce qu’ils appellent de faon eronne l’azawad….

    en realite je pense que le pouvoir en place est bien au courant de tout ceci mais cache la realite au peuple….
    nous n’avons pas de dirigeants patriotes….. IKB est une vraie honte

  5. Nord du Mali : Que cache l’entrée du Gatia à Kidal ?
    Par L’Aube – 4 Fév 2016

    1- Approche stratégique:
    Nous sommes en plein coeur de la théorie des combats de”dogs” mise en œuvre par l’universitaire américain Peter Galbraith! Une théorie qui selon lui vise à exacerber les antagonismes ethnico-religieux en vue d’imploser les pays constitués d’un tissu démographique pluraliste de mosaïque humaine…

    – militaire: CMA et GATIA s’affrontent, puis se reconcilient autour de Kidal, s’embrouillent après dans Kidal, le tout en l’ absence de l’Armée malienne! « Que cache l’entrée du Gatia à Kidal ? » «Confusion autour de l’arrivée du Gatia », « Kidal: Et l’armée ? »…diront les uns!

    – politique: CMA et GATIA s’affrontent puis signent des “accords” à Anéfis, s’entendent sur tout pour ne s’entendent visiblement sur rien de ce qu’on a entendu! Des négociations au nez et à la barbe du gouvernement légal malien, pourtant premier responsable et réprésentant du pays! « La gestion de Kidal décidée en l’absence du gouvernement », « Les mouvements armés prennent le gouvernement à contre-pied »,», «Entrée du GATIA à Kidal : L’espoir et le doute s’invitent dans les discussions», «Quiproquo à propos de l’entrée de la Plateforme à Kidal Alghabass Ag Intallah crie à la violation de l’accord… », «Nord du Mali: Alghabass Ag Intalla réclame le retrait… » …diront les autres!

    – géopolitique: Regroupement tactique face à une éventuelle avancée de l’EI boudé hors d’Iraq et Syrie et qui s’approche des frontières ou vraie réconciliation au nom de la vraie paix, au nom des liens fraternels, ethnico-religieux depuis la nuit des temps…!

    2- Approche légale:
    Ni CMA ni GATIA en tant que milices ne peuvent se prévaloir un droit à supplanter le gouvernement légitime malien quelque soit la “faiblesse” de ce gouvernement, garant des éléments constitutifs de l’Etat malien, dont celui du territoire dont il est question maintenant…

    – Légal: aucun point de la Constitution malienne octroye une quelconque autorité ni à la CMA ni au GATIA, celle dont elles se prévalent jusque là sur le terrain, à savoir la constitution de milices et l’usage de la violence à laquelle les parties s’adonnent…

    – Légitime: aucun texte malien octroye une quelconque réprésentativité ni à la CMA ni au GATIA, celle qui l’autoriserait à se défendre militaire au nom d’une population. Quand bien même les dits Accords d’Alger prévoyent dans son esprit une “autonomie” des régions, n’en demeure pas moins qu’ils n’octroyent aucune légitimité à aucun groupe d’opérer militairement, territorialement hors de concert avec le régime issu d’élections !

    • 😀 , Sacré copain mossad,
      En tout cas Nous saurons de quoi a un moment tous ceux qui se passent la bas. Les speculations vont de bon train.
      A suivre…

  6. C’est l’union des Trafiquants narcotiques des Touaregs, afin d’assigner le Pseudo-gouvernement D’IBK devant le fait accompli qui est l’autodétermination du Nord du Mali…
    Ce tactique est prévisible pour beaucoup des observateurs internationaux et maliens.
    Sauf pour IBK et ses despotes…
    Je l’ai d’ailleurs décrié ce patriotisme ambiant des Maliens dépouiller d’analyse objective.

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