La mort de trois soldats américains tués dans une embuscade au Niger a révélé au grand jour la présence de forces armées américaines dans une région en proie à d’innombrables attaques jihadistes et qui bénéficie d’une forte coopération militaire avec les Occidentaux.
C’est la première fois qu’une présence opérationnelle de soldats américains est reconnue dans la zone sahélo-saharienne. Les activités américaines y sont pourtant nombreuses depuis le début des années 2000 : l’initiative Pan Sahel Initiative (PSI) de lutte contre le terrorisme lancée en 2002, renommée en 2004 Trans-Sahara Counter Terrorism Initiative (TSCTI). Des programmes de formations, d’entraînement et d’équipement… Et, chaque année, le très conséquent et médiatisé exercice Flintock qui s’est d’ailleurs déroulé à plusieurs reprises au Niger.
Voilà pour la partie visible. A ces opérations connues s’ajoutent celles des forces spéciales, le SOC-Africa, (Special Operations Command for Africa) qui lui opère dans les zones grise entre « la paix et la guerre ». Un récent rapport officiel évoquait 1 700 opérateurs sur le tout le continent.
Leur mission : contrer le terrorisme régional selon la méthode consistant à traquer, débusquer, et l’éliminer (« find, fix, finish »). Largement employée dans la lutte contre le mouvement terroriste d’Oussama ben Laden, elle est désormais appliquée aux disciples de Mokhtar Belmokhtar, éliminé par la France avec l’aide des Etats-Unis fin 2016.
Coopérations régionales et adversaires multiples
Les forces américaines doivent enfin veiller aux intérêts des Etats-Unis et à la protection de leurs ressortissants. Africom estime qu’un millier de terroristes appartenant à différents groupes opèrent dans la zone Sahel-Sahara. C’est al-Shebab dans la Corne de l’Afrique, l’organisation Etat islamique en Libye ou encore Boko Haram dans la zone du lac Tchad. Ce sont aussi les groupes affiliés à Aqmi, al-Mourabitoune, voire le groupe EI au Grand Sahara (EIGS). La zone où a eu lieu l’accrochage mercredi 4 octobre est en effet une région où le groupe d’Abou Walid al-Sahraoui est actif.
Les actions secrètes des Etats-Unis sur le continent s’accompagnent généralement de programmes d’entraînement des forces locales, (« train and equip », selon la terminologie militaire américaine). La méthode consiste à « accompagner » les partenaires militaires locaux, ce qui signifie être amené à combattre côte à côte mais en laissant les armées locales constituer le gros des troupes. Elle consiste également à soutenir l’effort logistique et en matière de renseignement au profit des forces de la région, comme ce fut le cas notamment à Diffa, au Niger, face à Boko Haram.
Cela consiste enfin à construire des capacités militaires utiles pour qu’elles soient réellement employées sur le terrain. Le Pentagone a ainsi fourni en 2015 deux avions Cessna C208 ISR destinés au renseignement, dont il a formé les équipages. Ces systèmes ont encore récemment été utilisés en opération.
■ Les réactions américaines après l’embuscade
En même temps qu’ils apprenaient la mort de trois de leurs soldats, les Américains ont découvert que leur pays était engagé contre les jihadistes au Sahel même. La presse a donc du détailler les enjeux de cette région et expliquer quel intérêt le Pentagone pouvait avoir à y envoyer de forces spéciales de l’armée de terre, rapporte notre correspondant à New York, Grégoire Pourtier.
Frustrées de voir leurs opérations mises sur la place publique, et dans ces circonstances, les autorités américaines ont, elles, assuré le service minimum. A Washington, un général a simplement indiqué que les troupes étaient là pour entraîner, conseiller et assister le gouvernement du Niger à faire face seul à des extrémistes violents. Sans plus de précision sur les missions ou le nombre de soldats dans le pays, il a affirmé que, malgré les pertes, les objectifs resteraient les mêmes.
Informé de la situation dès mercredi soir, le président Donald Trump n’a lui pas encore fait de commentaire, et lors du point presse de la Maison Blanche ce jeudi, le Niger n’a jamais été abordé. Les Américains continuent ainsi de jouer la carte de la discrétion dans le Sahel, même si la construction actuelle d’une base aérienne pour les drones au Niger devrait renforcer leur implication, voire leur visibilité.