Les populations de Diago, à 4 km de Kati, sont mobilisées contre deux agences immobilières qui se disent propriétaires de centaines d’hectares. Du coup, une partie entière de cette commune se trouve être vendue à l’insu des citoyens et élus. Un véritable scandale foncier au cœur duquel se trouve deux dames, Souadou Diallo et Binta Diagne Semega.
Le foncier est une bombe à retardement, une inquiétude partagée par tous les Maliens. Située à 4 km environ de la ville de Kati, la localité de Diago est en ébullition à cause d’un scandale foncier. Toute une population est sur le point d’être dépossédée de ses terres ancestrales. La tension est telle qu’il y a des risques réels d’affrontements entre les éléments des forces de l’ordre et les populations.
Face à cette situation inquiétante, l’intercommunalité « Bélédougou Espoir » regroupant 9 communes de Kati-ouest a décidé de prendre l’affaire en main afin de tirer la sonnette d’alarme. A l’initiative de ce regroupement intercommunautaire sous la direction d’Adama Toumani Diarra, maire de la commune de Dougabougou, tous les conseillers municipaux de Diago y compris le maire Kassim Coulibaly, ont échangé avec les journalistes le 13 février dernier dans la mairie de Diago. Cette rencontre a été suivie d’une visite de terrain qui a permis aux hommes de medias de mesurer l’ampleur de la prédation foncière qui coupe le sommeil aux citoyens et aux autorités de ce village.
De quoi s’agit-il ?
Bien de la vente de centaines d’hectares sans consultation des élus et chefs traditionnels, à des agences immobilières. 120 hectares accordés à l’agence immobilière Faya représentée par Souadou Diallo et 20 hectares à l’agence immobilière Badialo représentée par Binta Diagne Semega. Une vente établie entre le domaine de l’Etat et ces agences en toute violation des dispositions législatives et réglementaires.
En premier lieu, le scandale des 120 hectares de l’agence Faya immobilière représentée par Souadou Diallo. Selon des élus, cette dame a envoyé une sommation de vider les lieux sis à Diago dans la région de Koulikoro, cercle de Kati avec objet du titre foncière n°89201 inséré au livre foncier du cercle de Kati. Cette lettre de sommation datant du 24 janvier 2018, a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Après les 72 heures de délai expiré de la sommation, un camion rempli d’agents des forces, débarque à Diago afin de faire le bornage. En réaction, les populations sont sorties pour s’opposer à cette opération dans leur commune. Sous ce climat de vive tension, le Préfet de Kati ordonna l’arrêt total des travaux pour un dialogue inclusif.
Les 120 hectares réclamés par l’agence abritent selon le rapport du secrétaire général de la mairie de Diago, plusieurs sites sacrés du village dont l’arbre des abeilles. Ce site, vieux de centaines d’années, a été utilisé dans le passé pour la défense et la protection du village contre les agressions extérieures. La même zone, objet du titre foncier renferme le site du « Moribayassa » et le cimetière des anciens chefs de village et héros de guerre sur lequel des tombes sont bien visibles et même parfois identifiables.
Ensuite on peut retrouver sur les parcelles réclamées par l’Agence immobilière de Souadou Diallo, le site du « Gwanso », une mangueraie vieille de plusieurs décennies qui entoure le site d’extraction traditionnelle du fer. Aussi, on peut voir trois constructions habitées par des familles datant d’un peu moins d’une décennie, la mosquée du vendredi et des magasins du marché construits et exploités avant la mort du défunt maire Siriman Coulibaly.
Autre constant qui fait vomir un cafard, on retrouve la maison d’un vétéran de la 2ème guerre mondiale, Mamadou Coulibaly communément appelé Maladomadou et ses voisins. A coté, il y a aussi le jardin potager et le verger de la famille de ce tirailleur sénégalais. Bref, les parcelles de l’agence Faya immobilière concernent les sites qui abritent les identités culturelles et traditionnelles des villageois, d’où le niet de la population.
« Celui qui touche à nos sites marchera sur nos corps », fustige un jeune du village lors de la visite du site.
Curieusement, ce dossier encombrant a été présenté au pool économique et financier comme un site vierge. Ce qui a induit cette structure de contrôle dans l’erreur et poussé le pool à dépêcher des enquêteurs sur le terrain afin de s’imprégner de la réalité des faits. Malheureusement, les populations attendent encore la suite de l’enquête du pool économique.
Deux fils du chef de village emprisonnés, leur mère meurt sous le choc
Par ailleurs, selon Souleymane Coulibaly, ancien maire et actuellement conseiller municipal à Diago, une autre agence Immobilière du nom Badialo dirigée par Binta Diane Semega réclame 20 hectares de la réserve foncière du village. Le fait le plus révoltant c’est qu’elle a jeté en prison deux fils du chef de village de Diago qui s’étaient opposés à l’expropriation de leurs terres. Sous le choc, la mère de ces deux jeunes est décédée pendant que ses enfants étaient en prison et ces derniers n’ont pas pu assister aux obsèques de leur maman.
Les populations accusent les services des domaines de l’Etat d’avoir vendu leur village entier aux agences immobilières Faya et Badiallo. Soutenues par les populations, les autorités communautaires de Diago jurent la main sur le cœur, que les terres de leurs ancêtres ne seront jamais cédées au détriment du village. Les habitants promettent un carnage à Diago le jour où ces agences décideront de toucher à leurs sites sacrés. « Nous sommes résolus de mourir pour sauvegarder notre terre contre les prédateurs fonciers. Nous avons déjà mobilisé nos chasseurs, nos fétiches et autres pour tenir tête à des spéculateurs fonciers », martèle Souleymane Coulibaly, élu. En perspective, selon Adama Toumani Diarra, il est prévu de rencontrer le ministre de tutelle, la commission domaniale de l’Assemblée nationale et le Médiateur de la République pour élucider ce scandale.
Affaire à suivre
Modibo L. Fofana